Lignes de conduite - L'Infirmière Magazine n° 226 du 01/04/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 226 du 01/04/2007

 

une infirmière en iut

24 heures avec

Sexe, drogue et sécurité routière : à l'IUT de Montpellier, Christine Grégoire encourage les étudiants à garder le contrôle de leur vie.

«Ici, la porte est toujours ouverte. » À l'infirmerie de l'IUT de Montpellier, filles et garçons attendent leur tour. Sur la table, des dépliants déclinent les thèmes de la santé publique : « Drogues, savoir plus, risquer moins », « J'arrête de fumer », « La Santé en voyage à l'étranger », « Manger équilibré avec un petit budget », « Contraception, IST, sida : où consulter à Montpellier »... Voilà pour les adeptes de la théorie. Pour la pratique, un panier de préservatifs gratuits est à disposition.

Depuis septembre, Christine Grégoire, 40 ans, est l'infirmière du Service commun pour la prévention et la promotion de la santé (Scopps) de l'IUT. Le contact avec les jeunes, c'est pour elle une bouffée d'air frais, après une première vie en milieu hospitalier. « J'ai travaillé quinze ans au CHU, dans différents services. J'ai beaucoup appris, mais j'ai aussi beaucoup donné. J'avais vraiment envie de changer, de me consacrer à l'éducation, à la prévention, aux jeunes. » En 2004, elle passe le concours de l'Éducation nationale. Puis c'est auprès des plus jeunes qu'elle fait ses premières armes en milieu scolaire : école primaire, collège, cité scolaire avec internat.

Depuis qu'elle est à l'IUT, Christine Grégoire travaille presque 40 heures par semaine, pour un salaire de 1 800 euros sur douze mois. L'équipe du Scopps, rattachée à l'université de Montpellier-2, comprend trois infirmières, le directeur de la médecine de prévention, et des médecins.

Confidentiel

Tous les ans, les nouveaux inscrits à l'université doivent passer la visite médicale : en tout, mille étudiants par an. Ils rencontrent d'abord l'infirmière, puis le médecin. Les rendez-vous ont lieu toutes les demi-heures et s'étalent sur toute l'année universitaire. Une journée par semaine est réservée au personnel.

La séance commence par une petite mise au point : rien de ce qui est dit ne filtrera, et rien ne sera jamais utilisé contre le visiteur. « Je lui explique que les informations qu'il nous donne sont importantes pour le suivi de sa santé, sur toute la scolarité. Je précise bien qu'elles sont confidentielles : elles ne seront divulguées ni aux parents, ni au chef de département. » Sur le dossier, Christine Grégoire recense les différents vaccins. Le DTP est fortement recommandé, ceux contre l'hépatite B et la typhoïde sont obligatoires dans les sections de génie biologique, là où il y a manipulation de sang. Elle remplit aussi le questionnaire sur l'hygiène de vie : poids, taille, audition, vision de loin, alimentation, sommeil, prise d'excitants, toxicomanie, loisirs, protections contre les IST. L'entretien se termine par le diagnostic infirmier suivi, si besoin, de conseils ou d'une orientation, vers le planning familial par exemple, ou vers la psychologue ou un médecin spécialiste. Ces visites permettent de repérer des anomalies physiques et psychiques sachant que l'Éducation nationale est, en effet, concernée par les problèmes de santé des élèves dès lors qu'ils sont susceptibles d'engendrer des difficultés d'apprentissage ou de mettre les jeunes en situation d'échec scolaire. Il faut savoir que tout handicap reconnu par le médecin permet à l'étudiant de bénéficier d'un certificat pour l'attribution d'un tiers temps.

Droit dans le mur

La sécurité routière, c'est un autre grand thème abordé par l'infirmière. Pour que les jeunes ne prennent pas les accidents de la route à la légère, rien ne vaut l'expérience. Grâce aux appareils de simulation, un intervenant fait vivre aux étudiants ce qui leur arriverait en cas d'accident. Certains prennent place dans un siège-baquet, qui fonce dans le mur à 7, puis à 15 km/h : « quel choc, je ne pensais pas qu'à cette vitesse, ce serait si violent ! » D'autres expérimentent la voiture-tonneau : « c'est bien pire que les manèges de foire... » « Il paraît que 50 % des accidents mortels sont liés à l'alcool », croit savoir une jeune fille. « Je vois flou comme si j'étais complètement saoul, c'est horrible ! » s'exclame un étudiant, lunettes à verres brouillés sur le nez. Le téléphone portable, lui aussi, est sur le banc des accusés. « Les réflexes, avec un téléphone, c'est la moitié moins ! Et avec l'oreillette, c'est le même résultat », déclare l'intervenant. Un groupe teste ses connaissances en matière de signalisation : « il y a des panneaux, je ne savais même pas ce qu'ils voulaient dire... »

Grâce à ces interventions, les thèmes abordés se multiplient et les campagnes de différents organismes peuvent être relayées efficacement : « cette année, nous avons mis l'accent sur l'alimentation pour les petits budgets. Les étudiants nous ont expliqué combien de temps ils passaient pour les repas, s'ils faisaient la cuisine, quel était leur budget... On veut promouvoir une nourriture la plus équilibrée possible, prévenir les conduites alimentaires à risque, mais aussi leur rappeler la notion de plaisir qui doit y être associée. » En novembre, c'était une campagne contre le sida : « un café acheté, un préservatif offert ». « Un succès, s'amuse Christine. Peut-être parce que les élèves sont de gros buveurs de café... ou bien, parce que ce sont de grands consommateurs de capotes ! »

Autre grand classique de la prévention, le discours sur les drogues et sur l'alcool fait aussi partie des attributions de Christine Grégoire : « les étudiants ne boivent pas au quotidien, mais ils consomment énormément en soirée. Pareil pour le cannabis. Certains comprennent qu'ils sont dépendants, mais ne savent pas trop comment s'en sortir. D'autres se sont rendu compte qu'ils avaient perdu un an ou deux et arrivent à freiner leur consommation. Dans les cas de forte dépendance, nous travaillons avec des partenaires extérieurs comme l'unité de traitement des toxicodépendances du CHU. »

Le tabac, lui aussi, est visé. Une jeune fille arrive à l'infirmerie pour arrêter de fumer : « je vais l'inciter à passer un contrat de sevrage tabagique avec notre équipe. » Christine lui explique les outils qui pourront l'aider (phytothérapie, acuponcture...), sachant que la personne ne désire pas prendre de produits de substitution. Elle lui suggère de venir la rencontrer régulièrement afin de faire un état des lieux, et lui propose aussi « des rendez-vous chez la diététicienne pour la surveillance de son poids ».

Blues du foyer

Selon plusieurs enquêtes au sein des établissements, de plus en plus d'étudiants renoncent à se soigner pour des raisons financières. Ils diffèrent les soins dentaires, la pose de lentilles ou n'achètent pas leurs lunettes. « Nous les dirigeons alors vers l'assistante sociale qui tentera de trouver une aide financière. » Quant à la sexualité, beaucoup ont encore des choses à apprendre concernant la protection et le dépistage. L'équipe médicale gère les soucis de contraception, donne la pilule du lendemain et oriente si nécessaire vers le planning familial. « Lorsqu'un prof ou une personne de l'établissement me signale un problème chez un étudiant, je peux le convoquer, sachant que le plus souvent, le fait d'être entendu, de lui donner quelques conseils et de lui offrir un accompagnement peut suffire à débloquer une situation. C'est souvent le cas lors du premier trimestre : beaucoup ont le blues de la cellule familiale. » Un étudiant donnant des signes de mal-être invalidant sera dirigé vers la psychologue. Mais si la personne est majeure, elle seule peut décider de faire la démarche.

« Conscience du corps »

Les problèmes de santé des étudiants sont assez disparates : « nous soignons des maux variés, comme les céphalées, pour lesquelles je vérifie si elles ne cachent pas un problème de vue, les douleurs abdominales, beaucoup de dysménorrhées, il nous arrive parfois de traiter des crises d'épilepsie ou de spasmophilie... » Christine Grégoire surveille tous les maux qui pourraient entraîner un dysfonctionnement aggravant. Sans oublier tous les premiers soins comme les accidents d'ateliers ou les appels sur site pour les malaises. S'il s'agit d'un problème plus grave, l'infirmerie appelle le Samu, et un régulateur donne la conduite à tenir avec, dans des cas précis, la possibilité d'utiliser des produits d'injection d'urgence. « L'essentiel de mon exercice infirmier est un travail d'observation, d'écoute, de prévention, d'éducation, d'accompagnement et de soins de première urgence auprès de jeunes qui ont beaucoup à apprendre, résume Christine Grégoire. En tant que futurs adultes et futurs parents, j'essaie de les inciter à bien prendre conscience de leur corps. »