Packing et autisme - L'Infirmière Magazine n° 226 du 01/04/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 226 du 01/04/2007

 

Psychiatrie

Thérapeutiques

Pris en charge par les infirmières, le packing aide les jeunes autistes à mieux comprendre leur corps, au contact de couvertures mouillées.

Hôpital Sainte-Anne, service de pédopsychiatrie du Dr Yves Contejean. L'unité regroupe une partie hospitalisation de semaine, un hôpital de jour, ainsi que le Centre de recherche et de diagnostic pour l'autisme et les troubles apparentés. Les enfants accueillis ont entre 3 et 8 ans. L'équipe est notamment composée d'infirmières et d'éducatrices de jeunes enfants, travaillant ensemble sur des ateliers ou des séances de soins. C'est le cas du packing (ou « pack »), qui est un soin prescrit par les médecins, mais totalement pris en charge par les infirmières et les éducatrices. Nadège Joubert, Béatrix Benjamin, Clémentine Freard et Lauriane Berthier se sont toutes formées à cette technique auprès d'un thérapeute. Les soignantes ont appris à « packer », et se sont également fait « packer » pour que l'expérience soit tout à fait complète.

« unité »

Le packing consiste à envelopper le corps du patient dans deux draps humides (froids), avant d'enrouler sur cette « première couche » une couverture. Passé un premier contact physique désagréable, le froid du drap, associé à la chaleur de la couverture, génère un réchauffement du corps. Enveloppé dans un cocon chaud, l'enfant est soutenu par deux adultes, l'un se positionnant à ses pieds et l'autre à sa tête. Cette partie du travail dure environ une demi-heure, pendant laquelle un travail de « contenance » (physique et psychique) peut s'effectuer : « ce qui est souvent en jeu pour ces enfants, détaille Lauriane Berthier, c'est un schéma corporel déficient. Certains n'ont pas conscience de leur corps dans son intégralité. Ils peuvent avoir besoin de porter plusieurs couches de vêtements, ne supportent pas qu'on leur enlève leurs chaussettes ou qu'on les touche. Le pack aide le corps à retrouver une sensation d'unité. » Les deux adultes entourent l'enfant, le bercent, et l'immobilisent dans une grande proximité, lui permettant ainsi de mieux sentir les contours de son corps. Un troisième soignant, présent pendant toute la séance mais n'intervenant pas dans l'exercice, observe et note. Le « scribe » mentionne dans son écrit ce qu'il voit, ce qui est dit, ce qu'il ressent également : comme dans tout travail psychothérapeutique, le soignant travaille sur ses propres émotions. Une supervision mensuelle est obligatoire afin de permettre une réflexion, une analyse et un questionnement sur ce qui se joue pendant ces séances.

rituel

Lors du premier pack, afin d'expliquer la séance à l'enfant - qui, en général n'a pas accès au langage -, les soignantes utilisent un poupon : « leurs réactions sont variées, remarque Béatrix Benjamin. Certains évitent du regard le poupon, d'autres le dégagent des linges qui l'enveloppent, d'autres sont indifférents... » La séance de pack est décomposée en trois étapes « avant-pendant-après », très ritualisées mais toujours en fonction de ce qui se vit avec l'enfant. « À nous de comprendre ce qu'ils ressentent, d'analyser et de mettre des mots sur leurs cris, leurs pleurs, leurs sourires, leurs regards, leurs babillages qui expriment soit le plaisir et le bien-être, soit la souffrance, l'opposition ou la résistance. Ces ressentis leur en font revivre d'autres plus archaïques, puisque les sensations d'enveloppement et de chaleur renvoient à la toute petite enfance, voire à leur vie foetale. Le pack mobilise d'ailleurs beaucoup le lien maternel. Les enfants, sans parler, induisent des gestes appropriés de notre part : un soutien de notre corps contre leur dos (appuie-dos), des échanges oculaires appuyés... les regards qu'ils nous renvoient ressemblent parfois à ceux de nourrissons qui cherchent un soutien, une sécurité, une enveloppe. »

continuité

Un temps en fin de séance est consacré à un échange sur ce qui s'est passé. « Je me souviens d'un petit garçon qui, après tant de proximité physique, nous évitait à la fin des séances, raconte Béatrix. Il s'est ouvert, détendu. En fin d'année, lorsque nous écrivions ce qui s'était passé, il participait beaucoup, nous mettant la main sur la bouche lorsque nous indiquions qu'il s'était montré triste... » L'efficacité du pack dépend de sa régularité et de sa durée. « On choisit des enfants qui restent longtemps dans le service, remarque Nadège Joubert. On ne peut pas commencer un travail et l'arrêter prématurément. »