L'avenir dans la médecine prédictive - L'Infirmière Magazine n° 227 du 01/05/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 227 du 01/05/2007

 

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Horizons

« Conseiller en génétique » : il y a trois ans, ce métier n'existait pas. Pour faire face à la demande, la faculté de médecine de Marseille propose aujourd'hui des formations aux consultations de génétique, ouvertes aux infirmières.

«Le plus difficile pour moi, c'est le cours de cytogénétique et de biologie moléculaire. » Heureusement, Michèle Dampierre a été bien soutenue dans son service. Infirmière, elle suit un master professionnel « conseil en génétique et médecine prédictive » à la faculté de médecine de Marseille. Le diplôme a été créé à la rentrée 2004, dans la foulée de la loi de santé publique du 9 août 2004 qui instaurait la profession de « conseiller en génétique ».

demande croissante

« Actuellement en France, nous manquons de généticiens, explique Marie-Antoinette Voelckel, présidente de l'Association française des conseillers en génétique. Il n'y a plus d'internes attirés par la filière, alors que la demande en consultation de génétique est en augmentation croissante. » La création de ce métier - dans la lignée du rapport Berland incitant au transfert de compétences - doit permettre de décharger l'emploi du temps du médecin et d'ouvrir un plus large accès à la consultation. À plus long terme, l'objectif est aussi de développer la médecine prédictive qui ambitionne, grâce aux progrès de la recherche en génétique, de prévoir et surtout prévenir l'apparition de certaines maladies. « Nous sommes en mesure d'évaluer le risque à 10 ans près, résume Marie-Antoinette Voelckel. Mais un bon conseil génétique, c'est aussi une bonne prévention. »

La profession existe déjà dans de nombreux pays : elle a été créée en 1971 aux États-Unis. Et les conseillers en génétique sont présents en Grande-Bretagne, en Australie, en Afrique du Sud, au Canada, au Japon... Ils sont en général issus de formations universitaires en biologie, génétique, soins infirmiers et ont effectué une spécialisation de conseiller en génétique.

maladies orphelines

Outre le diagnostic prénatal pour les couples porteurs d'une anomalie génétique transmissible, ces professionnels de santé participent aux consultations des femmes qui débutent une grossesse tardive, des enfants chez qui l'on a détecté des troubles héréditaires, mais aussi de tout adulte désireux de connaître son risque de souffrir d'une pathologie familiale comme un cancer.

Michèle travaille déjà en binôme avec un médecin généticien dans le centre de référence maladies rares de La Timone, à Marseille : elle accueille les patients, constitue les dossiers, prépare les prélèvements à effectuer et les envoie dans des laboratoires. Ici, des familles consultent pour leurs enfants atteints - surtout pour évaluer et expliquer le risque d'évolution, de transmission et la prévention à mettre en place - ainsi que des couples à qui l'on a prescrit une amniocentèse. « Mais compte tenu du nombre de maladies orphelines, il m'est apparu indispensable de me former », précise Michèle.

« contact et information »

À l'issue de sa formation, Michèle assumera seule certains entretiens avec le patient et sa famille : débuter l'interrogatoire, rassembler les éléments médico-psychosociaux du dossier, élaborer l'arbre généalogique de la famille, expliquer les modes de transmission des maladies génétiques, les préparer à la consultation et leur expliquer les recherches à poursuivre, proposer un bilan des informations à l'issue de la consultation avec le généticien ou un calcul de risque... Le tout sous la responsabilité du médecin qui s'occupe de l'ensemble des prescriptions. Les échanges avec les associations seront aussi de sa compétence. « C'est un travail de contact et d'information, résume Marie-Antoinette Voelckel, elle-même conseiller en génétique à l'hôpital pour enfants de La Timone. Il s'agit de prendre en charge le patient durant tout son parcours de soin, de coordonner autour de lui un réseau de professionnels. » Docteur en biologie et directrice du laboratoire de biologie moléculaire, elle a opté pour cette nouvelle fonction afin d'entrer en contact avec le patient : « j'ai saisi l'opportunité d'accéder aux consultations. Avant, je ne travaillais qu'avec les médecins, j'avais envie de plus de proximité. »

atouts infirmiers

Les infirmières qui ont entamé le cursus (deux seront diplômées cette année), elles, connaissent déjà cet aspect. « Notre parcours professionnel nous procure certains atouts que les universitaires n'ont pas, explique Michèle Dampierre. Nous avons déjà expérimenté la clinique. » Michèle a en effet travaillé vingt ans en pédiatrie, en tant qu'auxiliaire de puériculture avant de suivre sa formation d'infirmière, puis de s'inscrire en master. « Et puis nous sommes capables d'empathie, d'écoute... Nous avons un savoir-être relationnel qui permet de mener l'entretien avec les patients et de leur transmettre certaines notions scientifiques ou techniques », ajoute Anne Murphy, qui, elle, vient de Suisse pour la formation. Elle exerce à Genève, où la profession n'est pas encore reconnue et où le diplôme n'existe pas. Anne songe d'ailleurs déjà à en dispenser les rudiments à l'école d'infirmières de Genève. Malgré son emploi du temps et les trajets depuis la Suisse, l'infirmière genevoise s'est engagée à passer le diplôme en deux ans. Michèle, pour sa part, a obtenu d'effectuer le cursus en trois ans : « avec mon travail, deux ans, ce n'était pas possible. D'autant que la deuxième année comprend beaucoup de stages. »

Mais le jeu en vaut la chandelle, même si les décrets d'application concernant la profession ne sont pas encore parus au Journal officiel. Des établissements attendraient la publication de ces textes pour déposer leur demande de budget... Et avec le développement des centres de référence pour les maladies rares, le besoin en conseillers génétiques va se faire plus criant.

contractuels

Parmi les deux premières promotions, une dizaine de diplômés ont déjà trouvé un poste, avec des statuts variés. Le plus intéressant est peut-être celui d'ingénieur subdivisionnaire en biologie médicale, qui offre une réelle reconnaissance des cinq années d'études. Seul bémol : tous sont embauchés avec un statut de contractuel. « Pour certains, il semble préférable de garder le statut d'origine », relève Marie-Antoinette Voelckel. Enfin, le diplôme est reconnu au niveau européen. Et des propositions auraient déjà été faites à de jeunes diplômés, depuis la Belgique.

contact

Marie-Antoinette Voelckel, Association française des conseillers en génétique, 16, rue de Lorraine, 13008 Marseille.

Tél. : 04 91 38 77 84.

Internet : http://www.orpha.net/associations/AFCG.

formation

Un seul master, à Marseille

Le contenu du diplôme créé à Marseille (dans l'ancien service de Jean-François Mattéi, ministre de la Santé au moment du vote de la loi de Santé publique) est très directement inspiré des dispositifs de formation mis en place à l'étranger. En France, le master professionnel (bac + 5) de Marseille est l'unique formation à la profession ; les décrets d'application en attente de publication devraient le transformer en diplôme d'État et le rendre obligatoire pour l'exercice de conseiller en génétique. Créé à la rentrée 2004, il se réalise en deux ans, comprenant pas moins de cinq stages pratiques d'une durée minimale de cinq semaines. La première promotion, diplômée à l'été 2005, n'était ouverte qu'aux étudiants en sciences titulaires d'une maîtrise. C'est seulement à la rentrée suivante que le master s'est ouvert aux professionnels médicaux (médecins, sages-femmes, pharmaciens...) ou paramédicaux (infirmières, psychologues, kinésithérapeutes, etc.) sélectionnés sur dossier et entretien. En fonction des cursus et expériences professionnelles, certains pourront entrer directement en deuxième année, alors que d'autres pourront se voir imposer des modules supplémentaires. Et depuis 2006, la formation est également ouverte aux assistantes sociales ou aux techniciens de recherche clinique diplômés. Outre l'accès à la profession, le master permet également de poursuivre une formation en thèse et de s'engager dans la recherche.