Le refus de soins - L'Infirmière Magazine n° 227 du 01/05/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 227 du 01/05/2007

 

Responsabilité

Juridique

Tout patient a le droit de refuser d'être soigné. Mais dans certains cas, le soignant peut passer outre, et effectuer les soins strictement indispensables à la survie du malade.

Au nom de la liberté individuelle, on ne peut porter atteinte à l'intégrité d'autrui sans son consentement, et il n'est normalement pas possible d'administrer des soins sous la contrainte. Le fait qu'un malade soit placé en garde à vue ou prévenu n'y change rien.

En 1991, un médecin généraliste, après avoir diagnostiqué chez une de ses patientes un cancer au sein gauche, avait préconisé une intervention chirurgicale, suivie d'une radiothérapie. Devant le refus déterminé de sa patiente d'un tel traitement et après lui avoir expliqué tous les risques encourus (le refus de la patiente ayant été consigné par écrit), le médecin généraliste lui a administré un traitement à base d'homéopathie et d'acupuncture, seul traitement qu'elle ait accepté. Saisi de l'affaire, le conseil départemental a infligé au médecin généraliste une interdiction de trois mois d'exercice de la médecine, interdiction portée à six mois par la section disciplinaire du conseil national et confirmée par le Conseil d'État en 1994. Cette décision n'aurait plus grand sens aujourd'hui à la lecture de la loi Kouchner sur le droit des malades, qui leur reconnaît un rôle actif dans la prise en charge de leur traitement.

autonomie du patient

Le conseil de l'ordre national des médecins, quant à lui, prescrit au médecin dans l'hypothèse d'un refus définitif du patient, de respecter ce refus : « exceptionnellement le médecin sera amené à se retirer, mais nécessairement après en avoir averti le patient et en assurant une continuité des soins comme le souhaite le malade pour que ce dernier ne soit d'aucune manière abandonné ».

Dans deux cas prévus par la loi, il est possible de passer outre le refus de soins : dans l'hypothèse du mineur ou du majeur sous tutelle et à condition que ce refus entraîne des conséquences graves, et dans le cas d'une situation d'urgence alors que la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté : famille et personne de confiance devront alors être consultées.

En cas de risque vital et lorsque le patient persiste à refuser les soins, la question est de savoir si le médecin doit s'incliner devant la volonté du malade ou s'il peut passer outre.

entre deux infractions

Au plan pénal, l'attitude des médecins se situe à la frontière de deux infractions : si le médecin ne soigne pas le patient, il peut être poursuivi pour non-assistance à personne en danger, coups et blessures involontaires ou même homicide involontaire. Mais s'il soigne le patient en dépit de son refus, il peut faire l'objet d'un dépôt de plainte du malade pour atteinte à son intégrité physique.

Après l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades, la plus haute juridiction administrative, à savoir le Conseil d'État, a jugé à deux reprises, dans des affaires relatives au problème de la transfusion sanguine des témoins de Jéhovah, que les médecins ne portaient pas atteinte aux droits du patient lorsque, après avoir tout mis en oeuvre pour convaincre un patient d'accepter les soins indispensables, ils accomplissaient, dans le but de le sauver, un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état. Dans une des affaires, il a, d'une part, fait injonction à un centre hospitalier de s'abstenir de pratiquer toute nouvelle transfusion sur un malade qui s'y était opposé, et d'autre part, interdit à l'équipe soignante d'un hôpital public de procéder à la transfusion sanguine forcée du patient. En outre, les juges ont décidé que l'injonction de s'abstenir de procéder à la transfusion cesserait si la patiente « venait à se trouver dans une situation extrême mettant en jeu un pronostic vital ».

risque vital

Ainsi, il n'est possible de passer outre le refus de soins d'un patient qu'en cas de risque vital pour ce dernier et après avoir tout tenté pour le convaincre de l'utilité des soins. Ceux-ci devront alors être limités à ce qui est strictement indispensable pour le patient.

À RETENIR

> Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne.

> Ce consentement peut être retiré à tout moment.

> On peut passer outre le refus de soins dans deux cas prévus par la loi :

- mineur ou majeur sous tutelle si ce refus entraîne des conséquences graves ;

- personne hors d'état d'exprimer sa volonté en situation d'urgence.

CE QUE DIT LA LOI

« Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé, rappelle le nouvel article L.1111-4 du Code de la santé publique. Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables. [...] Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. »

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