L'entretien médical - L'Infirmière Magazine n° 228 du 01/06/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 228 du 01/06/2007

 

addictologie

Conduites à tenir

Au cours de l'entretien, le médecin retrace l'histoire et la trajectoire du patient afin de lui proposer une thérapeutique adaptée.

LA RELATION MÉDECIN- MALADE

Fondée sur l'empathie, elle vise à instaurer, dès le premier instant, une alliance thérapeutique, pour amener le patient à effectuer des changements de comportement. Cette faculté à se mettre à la place de l'autre, et non à le juger, crée un climat chaleureux propice à une relation de confiance, déterminante pour la suite. Le médecin se doit d'être ferme, sans être rigide, pour éviter tout risque de rupture.

La résistance doit être élastique (lire « l'entretien motivationnel », p. XVIII).

Il est préférable de se montrer honnête, humble en admettant ses limites et son impuissance. L'authenticité et la véracité doivent être les éléments essentiels du discours de l'addictologue.

Il faut, par la suite, se montrer pragmatique en proposant des solutions simples, concrètes, évitant des objectifs irréalistes voués à susciter un sentiment d'échec. Il est nécessaire d'adapter les objectifs au parcours de chacun, sans par exemple proposer un sevrage à un patient qui préfère conserver une consommation contrôlée, voire incontrôlée. L'écoute du patient et de ses désirs détermine les solutions proposées. Il s'agit d'un travail à deux, d'une coopération.

UN ENTRETIEN EN CINQ ÉTAPES

1- Éliminer l'urgence somatique : le manque ou l'intoxication au produit, les complications infectieuses (abcès, endocardite), cardiovasculaires (phlébite, embolie), neurologiques (AVC, poussée hypertensive), psychiatriques (risque suicidaire, hétéro ou auto-agressif lié à une intoxication ou un sevrage, bouffée délirante, accès maniaque ou décompensation mélancolique) ou sociale (urgence alimentaire).

2- Retracer l'histoire de la personne, évoquer rapidement son enfance : où est il né ? A-t-il été élevé par ses parents ou placé en famille d'accueil ? A-t-il des frères et soeurs ?

3- Retracer sa trajectoire addictive : quel a été le premier produit usité ? À quel âge ? (L'âge est essentiel, toute consommation précoce est facteur de gravité de la dépendance). Quels autres produits, leurs modes de consommation et leur fréquence, le nombre de cures de sevrage, le ou les lieux de suivis médicaux, les traitements tentés, le nombre de jours de vraie abstinence, les raisons de récidive et leur contexte exact ? Il faut veiller à l'énumération de tous les produits car le malade peut consommer de façon contrôlée un produit qu'il ne cite pas spontanément, pensant que son problème ne se situe pas là. Il est essentiel de connaître les antécédents familiaux de consommation, facteurs de risque connus de dépendance. Enfin, à partir de ces données, il faut évaluer les complications spécifiques : infectieuses pour les injections, ORL pour le snif.

4- Détailler sa situation sociale et familiale et son niveau scolaire afin d'apprécier ses ressources positives (famille, amis, travail). On ne propose pas les mêmes solutions à un SDF, sans étayage familial ni professionnel, qu'à une personne soutenue dans sa démarche par ses proches. Il faut s'adapter au patient, à sa situation.

5- Évaluer les difficultés psychologiques, sans poser de diagnostic rapide. Le patient peut présenter des symptômes sous l'effet du produit. Avant de tirer des conclusions hâtives, il faut se donner du temps et évaluer le degré d'anxiété, de dépression ainsi que les éléments d'une éventuelle psychose ou trouble de la personnalité.

SOLUTIONS PROPOSÉES

Les objectifs doivent être adaptés au désir du patient et à ses possibilités. Il est important de prendre le temps d'expliquer les différentes étapes de la prise en charge, les traitements, leurs effets attendus et secondaires, afin que la personne se les approprie et devienne acteur.

Traitements

Traitements de substitution nicotiniques et opiacés. Ils apportent au patient la molécule de la dépendance, sans le mettre en danger.

La molécule à concentration plasmatique constante et prolongée évite surdosage et manque. Le patient est stabilisé en :

- nicotine : patchs, gommes, inhalateurs et pastilles à différents dosages ;

- opiacés : agoniste opiacé en sirop (chlorydrate de méthadone) ou agoniste partiel en comprimé sublingual (buprénorphine haut dosage, Subutex®), à différents dosages (lire tableau p. XVIII).

Traitements du craving. Ils diminuent l'envie irrépressible de consommer (craving). Ils existent pour :

- l'alcool (Aotal®, Espéral®, Epitomax®), encore à l'étude ;

- la cocaïne et le crack (l'Epitomax®, le Baclofene®...), encore à l'étude ;

- le tabac (Zyban®, Champix®).

Traitements du syndrome de sevrage

- Pour l'alcool : on associe anxiolytiques, vitaminothérapie et hyperhydratation.

- Pour le sevrage opiacé : on associe clonidine (Catapressan®), antalgiques non morphiniques, antiémétiques, antidiarrhéiques, anxiolytiques et hypnotiques.

Traitements psychiatriques. Ils sont à utiliser avec précaution : thymorégulateurs, antidépresseurs, hypnotiques, anxiolytiques et neuroleptiques sédatifs.

Psychothérapies. Voir p. XVI.

Autres techniques. Principalement utilisées pour le sevrage tabagique, leur efficacité n'est pas encore prouvée scientifiquement :

- auriculothérapie ;

- mésothérapie ;

- hypnose.