« Vivre à domicile est un droit » | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 228 du 01/06/2007

 

Autonomie

Questions à

Où en est la politique de maintien à domicile ? Selon Florence Leduc, directrice adjointe de l'Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles, l'effort doit être poursuivi.

Que pensez-vous du développement du maintien à domicile en France ?

L'année 2000 est une année-charnière : il y a véritablement un « avant » et un « après ». Avant 2000, nous avons vécu une phase de création. La politique sociale menée en faveur des personnes âgées est venue s'appuyer d'abord sur les premières associations d'accompagnement des familles en difficulté des années 1920. Après le rapport Laroque sur le vieillisement de la population, publié en 1962, on a organisé le maintien à domicile des personnes âgées, via l'aide-ménagère, dans un esprit caritatif et de maintien des liens sociaux. Dans les années 1980, on a découvert les soins et les personnes handicapées. À partir de 1990 sont apparus, avec les évolutions démographiques, les problèmes liés à l'emploi.

Que s'est-il passé en 2000 ?

En 2000, on a repris les problèmes à zéro. Le maintien à domicile se situe désormais dans le cadre d'une réflexion sur l'institution et sur l'hôpital, qui est un lieu de soins et non un lieu de vie. Dans cette perspective, vivre à domicile devient une revendication des personnes et doit être considéré comme un droit. Mais la question qui se pose est celle du « comment ». La vie à domicile suppose des moyens en amont, car le domicile ne doit pas être un choix par défaut.

Qu'a-t-on mis en oeuvre pour encourager le maintien à domicile des personnes âgées?

On a redessiné le paysage de la réponse ; d'abord, en développant de grandes prestations sociales comme l'APA en 2001, ou la prestation de compensation en 2005 ; puis en repensant l'organisation de la réponse dans le cadre de la loi sociale et médico-sociale ; enfin, en favorisant la professionnalisation des acteurs de l'aide, des soins et de l'accompagnement à domicile.

Sur le plan institutionnel, en quoi ces changements ont-ils consisté ?

Il s'agit en fait d'une refonte complète des champs de compétence et des lieux de décision, avec une montée en puissance sans précédent du rôle des conseils généraux. On a aussi réinvesti le domicile des questions de l'emploi à travers le plan Borloo de développement des services à la personne.

Les compétences en la matière sont-elles aujourd'hui correctement délimitées ?

En réalité, nous sommes à l'heure actuelle au milieu de tensions entre les politiques sociales et les politiques pour l'emploi. C'est tout l'enjeu des outils et des cadres réglementaires postérieurs aux années 2000. Il faut clarifier le champ des services et celui du médico-social. Il faut inventer en permanence des réponses pertinentes et adéquates pour les personnes en difficulté. Il s'agit là d'enjeux humains, économiques et de société. Car c'est en définitive toute l'autonomie des personnes fragiles qui est en question.

Quels sont les principaux problèmes rencontrés ?

On a, d'abord, des difficultés pour définir les besoins et se projeter dans les deux décennies à venir. Il faut déterminer la quantité, la qualité et l'organisation des réponses aux personnes en difficulté. Actuellement, les personnes malades, âgées, handicapées, sont majoritairement aidées par les familles. Il faut réfléchir à l'évolution des comportements familiaux et à la consommation de services de proximité dans les vingt années à venir. Les projections et la programmation sont difficiles. Il y a aussi des problèmes liés à la coordination entre les lieux de soin et les lieux de vie, et toutes les difficultés des malades à faire évoluer un lieu de vie en lieu de soins. Quelle sera, enfin, la volonté collective de se donner les moyens nécessaires ? Cela renvoie aux comportements des individus qui veulent bien que la société paie pour leurs parents âgés, mais qui sont réticents quand il s'agit de participer à la solidarité. Ce sont des soucis de financement, de « qui paie quoi », entre la Sécurité sociale, les conseils généraux et les individus.

Que pensez-vous des propositions relatives au maintien à domicile prévues dans le plan Grand âge ?

Ce plan propose toute une gamme de réponses à adapter à la situation des personnes âgées. Il prévoit des moyens, ainsi qu'une programmation de financement et d'équipement. Il mériterait d'être complété par l'observation des besoins sur les territoires et la réintégration de ces besoins et de ces réponses dans un projet plus global, qui porterait sur des choix collectifs en termes de solidarité, de citoyenneté et de responsabilité.

Florence Leduc Directrice adjointe de l'UNA

Florence Leduc est directrice adjointe de l'UNA (Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles). En 1981, elle a créé une association d'aide à domicile « Âges et vies », dans le Val-de-Marne. Elle est l'auteur du Guide de l'aide à domicile, publié aux éditions Dunod.