Changement de regard - L'Infirmière Magazine n° 229 du 01/07/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 229 du 01/07/2007

 

une école de la mucoviscidose

24 heures avec

Un espoir pour les malades : vivre avec la mucoviscidose devient possible. À Nantes, l'hôpital Saint-Jacques aide les enfants à s'adapter à la pathologie.

Comme un banal après-midi dans un jardin public : Lydia, Manon et Valerian jouent au ballon sur l'herbe. Avec Patricia Douaud, infirmière coordinatrice du centre de ressources et de compétences pour la mucoviscidose (CRCM), et Pilar Léger, psychologue, ils s'amusent, rient aux éclats quand l'un d'eux parvient à surprendre un de ses camarades.

Maladie chronique

Il fait beau et les enfants, âgés de 5 ans, respirent l'insouciance. Pourtant, cette pelouse, c'est celle du centre hospitalier spécialisé de Saint-Jacques, à Nantes. Lydia, Manon et Valerian sont à l'école de la mucoviscidose. Aujourd'hui se tient leur rendez-vous de suivi bimestriel, à l'extérieur des locaux de pédiatrie. « La pause, c'est le moment qu'ils préfèrent, constate Pilar Léger. C'est très important, ils doivent garder un bon souvenir des séances ! » Une séquence de « Jacques a dit » à l'ombre d'un arbre, assis au milieu des pâquerettes, et la séance reprend.

Lydia, Manon et Valerian suivent leur troisième et dernière séance d'un cycle débuté un mois et demi plus tôt. Comme douze autres enfants et adolescents avant eux, ils participent aux activités de l'école de la mucoviscidose, fondées sur l'éducation thérapeutique. « La mucoviscidose est devenue chronique assez récemment, ce qui entraîne une progression de l'espérance de vie d'une dizaine d'années. L'éducation thérapeutique est tout à fait intéressante, explique le Dr Valérie David, pneumopédiatre et responsable du CRCM de Nantes. Cet outil permet d'aider le patient à mieux intégrer les soins dans sa vie. Pour cela, on favorise l'échange de savoir entre soignants et soignés et l'acquisition des connaissances nécessaires pour mieux vivre avec sa maladie. Et puis, un grand travail d'écoute du patient et de sa famille est accompli. »

Convaincre les parents

L'équipe du CRCM nantais, qui comporte également deux autres infirmières, un kinésithérapeute, une diététicienne et une secrétaire, propose depuis 2004 des séances individuelles d'éducation thérapeutique et, depuis janvier 2006, un travail en groupe. Après un an et demi de fonctionnement, le constat penche en faveur de l'école : « On avance plus vite avec un groupe de trois accueilli trois fois sur un mois et demi qu'avec trois enfants reçus individuellement tous les deux ou trois mois ! » estime le Dr Valérie David, qui a animé pendant dix ans une école de l'asthme, à Nantes. Plus de convivialité, une dynamique de groupe bénéfique pour l'enfant, une meilleure efficacité... Avant d'en arriver là, il a fallu convaincre les parents, très majoritairement réticents à la proposition.

Pour comprendre toute la difficulté du projet, il suffit d'observer les enfants ensemble. De retour de pause, les trois professionnelles chargées d'encadrer et d'animer la séance veillent scrupuleusement à ce qu'ils ne s'approchent pas trop les uns des autres.

Règles d'hygiène

Tout est prévu pour éviter la contamination. Des filières de patients ont ainsi été déterminées. Au cours de l'après-midi, quand les enfants sont dans la salle, chacun doit rester sur le pétale de la grande fleur dessinée au sol avant le début de la séance, pétale qui marque le territoire dans lequel on est autorisé à enlever son masque. Pour bien leur faire assimiler cette règle, particulièrement contraignante pour de jeunes enfants, une soignante a mimé la scène. À moins de 1,5 m les uns des autres, le port du masque est obligatoire. Huit jours avant la séance, un examen bactériologique des sécrétions est effectué pour s'assurer de l'absence de problème et de la compatibilité entre les élèves. Et les moyens humains mis à disposition de cette activité, avec quasiment un animateur par enfant, finissent par rassurer certains parents.

De telles contraintes ne laissent aucune place à l'improvisation. Chaque cycle de l'école répond à une progression conforme au principe de l'éducation thérapeutique. Un diagnostic éducatif est posé avant la première séance. Les informations connues sur la maladie, le projet individuel et les actions mises en place sont abordées lors d'un entretien avec le patient et sa famille. La première séance permet de dresser un diagnostic collectif, à partir de cette question : « Que souhaitez-vous faire ensemble ? »

La deuxième séance est axée sur l'apprentissage, par exemple sur les problèmes respiratoires ou digestifs. Et le cycle s'achève sur une séance d'évaluation des acquisitions.

Innovation oblige, des outils pédagogiques ont dû être adaptés à la mucoviscidose, voire créés. Ce travail de conception représente également un gros investissement : les soignants utilisent des schémas des bronches et de l'appareil digestif, des brochures sur les enzymes pancréatiques, des jeux autour du souffle, ou mettent en scène le génome, pour expliquer la manière dont s'effectue la transmission génétique de la maladie.

Bonbon au poisson ?

Ce vendredi après-midi, l'accent est mis sur les goûts salés et sucrés. Myriam Van Barban, diététicienne au CRCM, a préparé de petits exercices. Elle fait d'abord goûter à tour de rôle à Lydia, Manon et Valerian une pincée de sel et de sucre. Puis chaque enfant est invité à dire si les aliments factices disposés devant eux sont salés ou sucrés. Manon répond bien pour la tomate, le fromage et le coca mais sèche sur le poisson... Patricia Douaud, l'infirmière, lui vient en aide : « ça existe, le bonbon au poisson ? »

Pour clore cette séquence d'une demi-heure, Myriam Van Barban explique à ses trois élèves l'importance de manger plus salé quand il fait chaud. C'est bien sûr la finalité de l'exercice. Valerian souligne que ses parents « savent qu'il faut mettre du sel dans la purée ».

En guise de conclusion, l'équipe aide les enfants à ranger dans leur classeur individuel les documents préparés par la diététicienne. But de l'opération : faciliter la mémorisation du contenu de l'atelier sans s'éterniser sur le thème. « On adapte en permanence le programme de la séance, même si un conducteur précis a été rédigé auparavant, souligne Pilar Léger. Les trois enfants d'aujourd'hui sont particulièrement jeunes, leur concentration ne peut pas durer très longtemps. »

Atelier cuisine

À la fin de la séance, Pilar Léger propose aux enfants de décrire leur état d'esprit en choisissant un dessin de visage qui exprime, par exemple, la fatigue, ou la satisfaction. Puis Lydia, Manon et Valerian refont le film de l'après-midi. Qu'ont-ils retenu ? Quelles informations ont-ils gardé à l'esprit ? Qu'auront-ils envie de raconter à leurs parents ? L'atelier cuisine semble avoir créé le plus de souvenirs, à voir la motivation des enfants pour remettre leur masque et emporter pour leurs parents une assiette de cookies fabriqués plus tôt.

De l'autre côté du couloir, les parents terminent leur cycle. L'école leur est en effet grande ouverte ; un moyen de faire progresser l'ensemble de la famille et de susciter un échange spontané. Comme Valerian parle des aliments, documents à l'appui, son père souligne l'importance de boire. Une discussion s'engage alors entre Myriam Van Barban et les parents sur la manière d'atteindre le bon volume d'eau à consommer.

Parents impliqués

« Les séances ont montré le grand intérêt des parents, souligne Colette Derville, infirmière puéricultrice et coordinatrice des soins pour l'école de la mucoviscidose. Au départ, les parents viennent pour leurs enfants. Mais tout l'enjeu est de leur faire prendre conscience de leur importante contribution. Chaque activité est un moyen de les rassurer, car ils prennent alors conscience de leur savoir. » Ainsi, au cours de l'après- midi, un exercice est consacré au comportement des parents lors de sifflements respiratoires. Une mère répond spontanément qu'elle appellerait les urgences pédiatriques, mais, dans la foulée, elle liste toutes les actions qu'elle effectuerait... actions qui rendraient tout à fait inutile l'appel aux urgences !

Pour Johann Salmon, le père de Valerian, l'intérêt de l'école est « de faire le tour de ce que vivent l'enfant et ses parents, et de s'organiser autour de la maladie. Et le bénéfice de ce travail sur la santé est sensible tout de suite. »

« Nouvelles pistes »

C'est aussi ce que pense l'équipe, sensible aux progrès accomplis entre la deuxième et la dernière séance. « Les questionnaires de connaissances l'attestent généralement », explique le Dr Valérie David. Par exemple, lors d'un cycle précédent, l'état de santé d'un enfant de 10 ans sur le plan digestif s'était nettement amélioré, grâce à une meilleure observance de son traitement depuis son passage à l'école. « Nous parlons là d'enfants que nous suivons depuis leur naissance et pour lesquels nous découvrons de nouvelles pistes de progression ! » insiste Valérie David. « Donner du sens aux actions menées auprès de nos enfants permet des échanges plus productifs », conclut le père de Valerian.

Contact : CRCM pédiatrie, hôpital mère-enfant, service de pédiatrie médicale, 7, quai Moncousu, 44093 Nantes cedex 1.

Tél. : 02 40 08 31 72.