L'enfant agité - L'Infirmière Magazine n° 229 du 01/07/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 229 du 01/07/2007

 

Urgences

Thérapeutiques

En l'absence de protocole, le soignant qui accueille l'enfant agité aux urgences ne néglige ni le facteur somatique, ni le facteur psychique.

« Les urgences sont devenues un lieu de prise en charge des crises en général, selon Philippe Duverger, psychiatre de l'enfant et de l'adolescent au CHU d'Angers. Dès qu'une difficulté survient, on se dirige vers les urgences. »

pas de protocole

Interventions croisées du pédopsychiatre, du pédiatre, du chirurgien et de l'infirmière, engorgement du service et émotion forte des soignants dès qu'un enfant agité est accueilli, l'arrivée aux urgences d'un enfant « en crise » est un sujet complexe, d'autant qu'il n'existe pas de protocole thérapeutique validé pour traiter ces situations.

phénomène rare...

L'admission d'un enfant ou d'un adolescent agité est rare. Deux études locales l'attestent. Celle menée au CHU d'Angers en 2002 révèle que la crise d'agitation recouvre seulement 0,55 % des arrivées aux urgences pédiatriques. La seconde, effectuée à Nantes la même année, comptabilise 35 entrées pour agitation sur un total de 25 000.

...mais préoccupant

« L'agitation est toujours un signe de détresse », estime le professeur Duverger. « C'est très souvent une pathologie du vendredi soir, ajoute Georges Picherot, pédiatre, responsable des urgences pédiatriques du CHU de Nantes. Nous avons remarqué que six fois sur dix, l'enfant venait d'un foyer éducatif. Le week-end est très déstabilisant pour l'équipe éducative comme pour le jeune. » Une des difficultés de cet accueil est de resituer cet épisode dans une histoire.

profil de l'enfant

« L'enfant agité est en général un jeune déjà suivi (il a des antécédents psychologiques ou psychiatriques dans 70 % des cas), en situation difficile, déstabilisé par un événement déclenchant, souvent d'apparence futile, et soumis à des problématiques plus ou moins intriquées (médicales, sociales, judiciaires, psychologiques, éducatives...) », explique Philippe Duverger. L'urgence peut être médicolégale (situation de maltraitance), fréquemment psychosociale, parfois pédopsychiatrique, rarement pédiatrique.

prendre du temps

Face à l'urgence, Philippe Duverger préconise de prendre du temps. « Il faut offrir ce qu'on l'on n'a pas, précise-t-il. L'enfant ou le jeune sera sensible au fait que l'on prenne soin de l'accueillir en lui disant par exemple qui l'on est, notre fonction, en lui expliquant le cadre de notre intervention et le déroulement de l'entretien et de l'examen. Il faut montrer qu'on est soucieux de lui. Offrir un repas ou lui proposer de regarder la télévision peut le surprendre. Il ne faut pas oublier que 70 % d'entre eux se calment quand ils arrivent aux urgences ! »

degré d'urgence

Observer par ce premier contact le comportement de l'enfant, apprécier son humeur, son degré de lucidité, les interactions avec son entourage ou encore l'existence de phénomènes hallucinatoires, permet de définir le degré d'urgence de la situation.

somatique, psychique ?

Cette attention et cette construction d'un lien sont essentielles, surtout quand on sait que souvent, les liens familiaux, affectifs et éducatifs se sont effondrés ou distendus. Mais attention à éviter certains pièges, comme éliminer d'emblée une cause organique à cette agitation, l'attention fixée sur les conditions psychosociales. « Une étude a montré que lorsque le motif d'agitation est marqué dans un dossier, les constantes ne sont pas renseignées, selon Georges Picherot. Il faut garder le réflexe somatique. »

Un enfant peut pourtant être agité quand il présente un traumatisme crânien, une affection neurologique, des troubles métaboliques (hypoglycémie), une douleur intense (chez un enfant handicapé mental par exemple), quand il a consommé certains médicaments (les corticoïdes ou bien sûr des toxiques).

Mais, attention également à ne pas éliminer trop rapidement une cause psychologique à cet état d'agitation. « À nous, soignants, d'éviter le clivage somatique-psychique et d'appréhender le jeune patient dans sa globalité ! » rappelle Georges Picherot.