La chimiothérapie - L'Infirmière Magazine n° 229 du 01/07/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 229 du 01/07/2007

 

oncologie

Cours

Lorsqu'une chimiothérapie est prescrite, l'infirmière doit préparer l'administration du traitement dans le respect des procédures, avec ou sans hotte à flux laminaire. Elle doit également veiller à appliquer et à faire appliquer les textes qui régissent les manipulations de cytotoxiques de façon à se protéger elle-même, mais aussi à protéger le malade et l'environnement.

CADRE JURIDIQUE

L'administration de la chimiothérapie par l'infirmière relève notamment du décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier (articles R. 4311-1, R. 4311-5, R. 4311-7).

ADMINISTRATION PAR VOIE PARENTÉRALE

Avant de réaliser la préparation de cytostatique :

- Vérifier le protocole thérapeutique ;

- Obtenir l'accord écrit, daté et signé du médecin (feu vert chimio ou « OK chimio ») avant de commencer toute cure de chimiothérapie ;

- Le local de préparation doit être à l'abri des déplacements d'air avant et pendant les préparations d'anticancéreux (le ménage est fait avant, ou après. S'il est fait avant, attendre au moins une demi-heure pour que les particules en suspension puissent sédimenter). Les fenêtres sont fermées ;

- Le plan de travail doit être en matériau lisse, facile à nettoyer et à décontaminer. Il doit être recouvert d'un champ avec une face absorbante au-dessus et une face imperméable au contact du plan de travail.

Protection de l'infirmière

- Surblouse à manches longues et poignets resserrés, paire de gants à usage unique, de façon que les manchettes se trouvent au-dessus de la surblouse ;

- Bonnet, masque, lunettes de protection ou surlunettes.

- Ne pas fumer, ni boire, ni manger (pas de chewing-gum) dans le local, retirer le vernis, les bijoux et faire un lavage hygiénique des mains.

Préparation des antimitotiques

- Relire la prescription : contrôler le nom du patient, l'orthographe des médicaments, les calculs de doses, les solvants, la solubilité des produits, leur compatibilité avec les matériaux utilisés. Calculer la quantité de produit à prendre selon les concentrations. Faire les calculs des débits. Faire contrôler ces calculs (collègue ou médecin). Cette procédure est de rigueur dans les services d'onco-hématologie pour éviter des erreurs dramatiques ;

- Répartir, sur la feuille de suivi thérapeutique du patient, tous les éléments de la prescription médicale ainsi que les horaires de passage des différents médicaments. On appelle J1 le jour du début de chaque cure ;

- Préparer le matériel nécessaire à portée de la main. S'assurer de la disponibilité des antidotes.

Principes de préparation.

Sans hotte à flux laminaire, il faut :

- éviter de créer des aérosols de cytostatiques dans le local de préparation ;

- travailler avec le maximum d'asepsie.

Pour la préparation d'un anticancéreux liquide, l'infirmière veille tout particulièrement à utiliser des seringues verrouillables LL (Luer Lock) d'un volume supérieur de 25 % au volume du produit à prélever. Elle purge l'air contenu dans la seringue dans une compresse stérile. En effet, il ne faut pas que le liquide coule le long de l'aiguille ou soit projeté. Pour préparer un anticancéreux injectable en poudre, il est nécessaire d'utiliser une prise d'air ou le système de transfert à prise d'air incorporée (recommandation européenne).

Avec une hotte à flux laminaire, il faut :

- identifier la seringue en notant sur une étiquette : le nom du patient, le nom du médicament, sa posologie, la date et l'heure de la pose, le débit. Lorsque le produit est instable à la lumière, il est mis dans des seringues opaques, ou les seringues sont protégées par un emballage, ainsi que les tubulures ;

- tous les objets pointus sont éliminés dans le container prévu à cet effet ;

- tous les déchets qui ont été en contact avec les cytotoxiques ont été mis au fur et à mesure dans un sac plastique ou sont enveloppés dans le champ qui recouvre la paillasse, fermé avec du sparadrap et mis dans un sac destiné à l'incinération. Nettoyer la paillasse et éliminer les chiffonnettes dans le sac à incinérer ;

- ôter les gants en les retournant, en les mettant l'un dans l'autre, et les jeter dans le même sac à incinération ;

- aérer la pièce ;

- se laver les mains ;

- les manipulations sont les mêmes que celles effectuées pour la préparation des anticancéreux sans hotte. L'infirmière travaille le plus possible au milieu de la hotte, les mains loin du corps. Il est préférable de porter des lunettes de protection, mais on peut s'en dispenser sous réserve de travailler derrière la guillotine en plexiglas de la hotte ;

- la hotte ne doit pas être encombrée et ne doit contenir que les éléments nécessaires à la préparation de la prescription. Ceux-ci sont déposés sur un champ imperméable placé sur la surface de travail de la hotte (sauf s'il y a une grille) ;

- veiller à ne pas être dérangé ; relever sur la feuille de protocole tous les médicaments injectés.

Afin d'éviter tout risque de contaminations, le manipulateur reste habillé et protégé pour faire les connexions (expliquer les raisons de cette tenue au patient). Dans de nombreux hôpitaux, les chimiothérapies sont préparées en centrale de reconstitution au niveau de la pharmacie.

ADMINISTRATION PAR VOIE VEINEUSE

Lors d'un branchement par voie veineuse :

- respecter au maximum le capital veineux du patient. Commencer par les veines de l'avant-bras, sur le bras non dominant du patient (gauche pour un droitier), éviter le plus possible de piquer les veines des mains, du poignet et du pli du coude (en cas d'extravasation il s'ensuivrait de grosses séquelles invalidantes). Ne jamais piquer du côté d'un sein opéré et irradié car risque de « gros bras » ;

- poser une perfusion de base de glucosé à 5 % ou de sérum physiologique sur avis du médecin. Régler le débit puis procéder à l'injection du traitement ;

- dans le cas d'injections intratubulaires ou intraveineuses directes (IVD), vérifier, avant toute chose, qu'il y a un retour veineux. Vérifier si la perfusion ne diffuse pas localement autour du point de ponction, si ce n'est pas douloureux, enflé. Si le patient ressent une douleur, il faut impérativement le repiquer ;

- dans le cas d'utilisation de rampes d'injection ou de robinets à 3 voies, contrôler que chacun des bouchons est verrouillé, que les raccords des tubulures sont bien vissés sur la rampe. Fermer les voies qui ne sont pas en service. Désinfecter le site d'injection, adapter la seringue, injecter lentement dans la tubulure en demandant au patient de signaler tout picotement ou toute douleur. Observer le patient au cours de l'injection pour dépister un malaise. Vérifier le retour veineux avant et plusieurs fois en cours d'injection. Rincer avant et après chaque produit. En cas d'extravasation (le produit passe à côté de la veine), arrêter immédiatement l'injection et faire prévenir le médecin.

Administration par cathéter central.

Si le patient est porteur d'un cathéter central avec ou sans chambre implantable, l'injection intraveineuse se transforme en simple injection sous-cutanée : retirer les gants pour régler le débit afin de ne pas contaminer le système de réglage.

Débranchement d'une voie veineuse

- Revêtir le matériel de protection individuel :

- Prévoir un bouchon stérile sur un plateau ainsi que des compresses et un antiseptique ;

- Clamper la tubulure ;

- Enfiler une paire de gants non stériles à usage unique ;

- Manipuler les robinets et les tubulures avec des compresses imprégnées d'antiseptique ; fermer le robinet pour court-circuiter la tubulure à retirer ;

- Déconnecter la tubulure du robinet, entourer l'extrémité avec la compresse et la coincer dans le système qui permet de régler le débit de la perfusion ;

- Protéger le robinet (placer le bouchon stérile) ;

- Régler le débit de la perfusion de base ;

- Mettre sur le plateau l'ensemble du matériel : flacon ou poche, tubulure, et les jeter dans le sac à incinération. Laver le plateau à l'eau et au savon, rincer, laver avec une solution de Javel, rincer et sécher. Jeter dans le container jaune prévu à cet effet les gants, le masque, la coiffe et la casaque ;

- Se laver les mains.

Si la déconnexion a lieu avant la fin de la perfusion, évacuer la poche telle quelle dans le container jaune d'incinération des cytotoxiques.

ADMINISTRATION PER OS

L'infirmière donne au patient le médicament sous blister. Elle demande au patient de le prendre en sa présence.

- Laver le distributeur de médicaments utilisé avec les précautions d'usage ;

- Ne pas manipuler les produits à mains nues, ne pas ouvrir les gélules, ni écraser les comprimés, mais mettre des gants ;

- Si le patient vomit ses médicaments, en informer le médecin, mais ne pas en donner à nouveau sans prescription.

ADMINISTRATION PAR VOIE PERCUTANÉE

L'infirmière se lave les mains, met des gants non stériles à usage unique, dépose la pommade sur une compresse stérile et l'applique uniquement sur la partie prescrite. Elle retire tout ce qui a pu dépasser, lave la peau à l'eau et au savon et la sèche. Elle neutralise avec une solution d'eau de Javel dans le cas d'anthracyclines. Il est parfois recommandé de rincer à l'huile de noyau puis au sérum physiologique. L'infirmière identifie ensuite le tube de pommade avec une étiquette portant le nom du patient et la date d'ouverture.

CONSEILS AUX SOIGNANTS

Dans la salle de préparation de cytotoxiques, il faut avoir à portée de main une trousse d'urgence contenant du sérum physiologique à 0,9 %, de l'eau de Javel à 10 volumes, du Dacryosérum® ; les antidotes connus selon les protocoles utilisés ; une trousse de nettoyage contenant tout ce qui est nécessaire pour nettoyer les surfaces contaminées.

Contact accidentel avec un anticancéreux.

Faire la déclaration d'accident de travail auprès du cadre et remplir le cahier d'infirmerie, puis se présenter au médecin du travail.

Contact sans inoculation

Éclaboussure dans les yeux

- Laver immédiatement à grande eau en maintenant l'oeil ouvert ;

- Irriguer l'oeil avec du chlorure de sodium (NaCl) à 0,9 % ;

- Instiller des gouttes de Dacryosérum® ;

- Prendre rendez-vous en consultation d'ophtalmologie ou y aller en urgence.

Éclaboussure sur la peau

- Laver immédiatement et abondamment à l'eau et au savon ;

- Dans le cas de projection d'anthracyclines, neutraliser le produit en plaçant sur la zone souillée des compresses imbibées de Javel à 10 volumes ;

- Rincer à l'eau chaude pour neutraliser l'effet de la Javel et sécher par tamponnement ;

- Délimiter au crayon dermographique la région qui a reçu les projections pour pouvoir la surveiller plus aisément ; en cas d'irritation, consulter le médecin.

Éclaboussure sur les vêtements sans atteinte de la peau. Changer immédiatement de tenue et placer, mains gantées, la tenue contaminée dans un sac étanche, puis l'évacuer vers l'incinérateur.

Contact avec inoculation

Piqûre avec une aiguille

- Laisser l'aiguille en place et essayer d'aspirer le maximum de produit ;

- Si l'aiguille a été retirée, prendre une aiguille S/C montée sur une petite seringue et piquer dans le site de la piqûre pour retirer par aspiration le plus de produit possible ;

- Traiter comme une extravasation (cf. infra) ;

- Consulter en dermatologie.

Coupure

- Traiter comme une éclaboussure sur la peau ;

- Consulter en chirurgie si suture nécessaire.

Éclaboussure sur le plan de travail ou sur les lunettes par un anticancéreux ou par sang contaminé (VIH, VHB, VHC).

Outre les protections du personnel, des mesures sont appliquées pour éviter la propagation du produit, décontaminer la surface, éliminer les déchets contaminés (cf. ouvrage référence).

Précautions à prendre pendant et après l'arrêt du traitement.

Pour la manipulation des excreta des patients traités, il faut :

- revêtir une casaque à poignets resserrés et une paire de gants à usage unique, mettre un masque ;

- jeter les déchets dans les toilettes ou le vidoir en évitant les projections ;

- nettoyer le bassin, le matériel qui contenait les excreta à l'eau et au savon, rincer ;

- javelliser, rincer et sécher (attention, l'eau de Javel est déconseillée pour le nettoyage du matériel en acier qui s'oxyde) ;

- nettoyer les toilettes ou le vidoir et les javelliser ensuite. Utiliser le plus possible les lave-bassins dont de nombreux services de cancérologie sont équipés ;

- ne pas oublier que les excreta du patient renferment les métabolites actifs des traitements anticancéreux encore plusieurs jours après l'arrêt du traitement. Informer les patients et leur famille pour qu'ils prennent des précautions lors de l'élimination de ces déchets (éviter les aérosolisations, les projections, porter des gants en PVC).

À titre d'exemples :

- pour l'Endoxan® et le Vépéside®, les précautions sont à maintenir 4 jours encore après l'arrêt du traitement pour manipuler les urines et 7 jours pour les selles ;

- pour la Vincristine®, les précautions sont maintenues 4 jours après l'arrêt du traitement lors de la manipulation des urines (10 jours pour les selles).

Les temps d'élimination des produits varient selon l'état des fonctions hépatiques, rénales et digestives du patient.

EFFETS SECONDAIRES : REMÈDES

Toxicité hématologique.

Toxicité hématologique. Elle se traduit par la modification de la numération formule sanguine (leucopénie, thrombopénie). Elle survient entre le 8e et le 12e jour, à compter du premier jour du traitement. L'anémie apparaît plus tard.

Risques infectieux et immunologiques. Prévenir les risques infectieux et immunologiques par diminution des globules blancs (leucopénie) :

- en préparant les produits et en réalisant les soins avec asepsie, en particulier lors des manipulations des voies d'abord veineux ;

- en contrôlant la température plusieurs fois au cours de la journée, en demandant au patient de signaler frissons, sueurs, brûlures mictionnelles, toux rebelle ;

- en effectuant les contrôles de la NFS ;

- en contrôlant l'hygiène corporelle du patient chaque jour.

Patient en aplasie. Lorsque le patient est en aplasie, les risques d'infection sont majeurs et nécessitent son isolement, en chambre conventionnelle nettoyée et désinfectée avant son installation ; la chambre est équipée de tout le matériel nécessaire aux soins et contient les effets personnels du patient. Celui-ci est douché ou baigné avec une solution antiseptique avant d'être installé dans la chambre. Le grand principe à respecter est de limiter au maximum l'apport de germes extérieurs. Pour cette raison, les visites sont limitées à deux personnes, et dans le temps, en tenant compte de l'état physique et psychologique du patient ; les soins sont regroupés ; toute personne devant pénétrer dans la chambre doit se laver les mains, porter un masque, une charlotte, revêtir une casaque fermée dans le dos, mettre des surchaussures, se relaver les mains. L'entrée de la chambre est interdite aux personnes (personnel et visiteurs) atteintes d'une infection. Lorsque le patient retourne chez lui, il doit éviter d'aller dans les transports en commun, au cinéma, de manipuler de la terre, des animaux pendant toute la période d'aplasie.

Les prescriptions médicales à appliquer :

- administrer les facteurs de croissance, dépister tout signe de fièvre, d'infection, tout frisson ;

- réaliser les contrôles biologiques prescrits (numération leucocytaire) ;

- administrer les traitements antipyrétiques, antibiotiques, antiviraux, antifungiques prescrits ;

- demander au médecin de revoir le calendrier vaccinal pour chaque patient à la fin des traitements.

Risques hémorragiques. En cas de risques hémorragiques liés à la diminution des plaquettes (thrombopénie) :

- la température est prise au creux axillaire ou avec un thermomètre tympanique ou buccal ;

- ne pas trop gonfler le brassard lors de la mesure de la pression artérielle ;

- proscrire l'aspirine et ses dérivés ;

- repérer l'apparition de pétéchies ou d'un purpura (examiner le voile du palais et la cavité buccale des patients car c'est là qu'apparaissent précocement les pétéchies) ;

- rechercher des saignements par les orifices naturels et la présence de sang dans les urines et dans les selles ;

- dire au patient de ne pas se moucher fort, d'éviter de se cogner, de se couper. Lui demander de se laver les dents avec une brosse à poils souples et de se masser les gencives en douceur avec son doigt ;

- après une prise de sang, appliquer un point de compression aussi longtemps que nécessaire. Ne pas quitter la chambre avant d'être sûr que le saignement est arrêté ;

- si le patient a moins de 100 000 plaquettes par mm3 de sang (100 x 109/L) et une hémoglobine inférieure ou égale à 9 g/dL, informer le médecin qui prescrira la transfusion de concentré plaquettaire d'aphérèse avant de passer le traitement de cytostatiques. Éviter le plus possible les injections S/C et IM ;

- lors des prélèvements sanguins périphériques, poser le garrot au moment de piquer et le retirer rapidement. Piquer sans garrot dès lors qu'une étude de l'hémostase est prescrite.

Risques d'anémie. L'infirmière doit :

- contrôler l'hémoglobine et l'hématocrite ;

- expliquer au patient que l'anémie peut être à l'origine d'un essoufflement, d'une fatigue, de vertiges, de pâleur, de nausées, d'angoisses ;

- donner au patient le traitement prescrit en vitamines et en fer.

Parfois, le médecin prescrit une transfusion de culot globulaire avant de pouvoir commencer le traitement. L'érythropoïétine permet de réduire les transfusions sanguines dans de nombreux cas d'anémie prévisible.

Toxicité digestive.

Il faut remédier aux vomissements et à la dénutrition. Sauf contre-indication, il est conseillé au patient de boire 1,5 à 2 litres d'eau par jour.

Les traitements antiémétiques doivent être injectés entre 10 et 15 minutes avant l'administration des cytostatiques. Grâce à la présentation de certains produits antiémétiques sous forme de comprimés, le patient peut les prendre chez lui avant de venir en hôpital de jour pour sa chimiothérapie, et poursuivre les antiémétiques à son domicile encore pendant 4 à 5 jours (Primpéran®, Vogalène®, Kytril®, Zophren®, Anzemet®).

L'infirmière évalue l'état nutritionnel du patient, la fréquence des nausées et des vomissements, l'encourage à faire des soins de bouche avant et après les repas, lui recommande de faire de nombreux petits repas dans la journée, de boire entre les repas de préférence des eaux plates, d'éviter les sucres à assimilation rapide et les graisses, et de consommer des céréales et des biscottes. Elle donne des repas, des collations riches en protéines chaque fois que le malade le désire sans tenir compte de l'heure, lui recommande de consommer les aliments à température ambiante, de mâcher lentement et longtemps pour digérer plus facilement.

Si le patient est porteur d'une prothèse dentaire, la retirer pendant le passage de la chimiothérapie ; la sensation de corps étranger dans la bouche provoque parfois des vomissements.

L'infirmière applique les prescriptions médicales visant à rétablir l'équilibre hydroélectrolytique : il peut s'agir d'une alimentation entérale par sonde ou d'une alimentation parentérale.

Toxicité hépatique.

L'infirmière dépiste des douleurs abdominales, une diarrhée, une hyperthermie, un prurit, l'apparition d'une coloration jaune de la peau et des conjonctives.

Toxicité muqueuse (mucite).

Il faut éviter et traiter les mucites :

- l'infirmière évalue, avant le début du traitement et à chaque administration de cytostatiques, l'état de sécheresse buccale, la présence de rougeurs et de plaques blanches (mycoses) sur les muqueuses buccales, dépiste les gingivorragies, les sensations de brûlures, propose au patient des glaces, des sorbets, des glaçons à sucer dans la journée, stimule le patient pour qu'il fasse ses soins de bouche 6 à 8 fois par jour ;

- en cas de présence de prothèse dentaire, l'infirmière recommande de la nettoyer au moins deux fois par jour et de la faire tremper la nuit dans une solution antiseptique ;

- elle propose une alimentation mixée, des pots de bébé, des nectars de fruits, supprime les assaisonnements, applique chaque jour un gel fluoré à 1 % sur les gencives des malades irradiés (cas de cancers des VADS), protège les lèvres avec un corps gras.

Glycémie. Elle peut être modifiée si le malade est diabétique, d'où l'importance d'une surveillance rigoureuse pour adapter le traitement par insuline en fonction des glycémies et glycosuries. Certains traitements (corticoïdes) entraînent un diabète qui peut être transitoire.

Toxicité pulmonaire (fibrose).

L'infirmière dépiste tout signe d'insuffisance pulmonaire, en avertit le médecin et fait pratiquer les examens radiologiques prescrits.

Toxicité cardiaque.

L'infirmière fait un ECG avant tout début de traitement, attend l'accord médical, car la toxicité dépend de la dose cumulée dans le temps. Des médicaments sont utilisés (Cardioxane®) pour prévenir la cardiotoxicité des anthracyclines. Ce médicament entraîne une alopécie et une myélotoxicité en 3 ou 5 jours.

Toxicité urinaire.

Des produits colorent les urines en rouge (Adriblastine®) ou en jaune vif (Méthotrexate®). Les urines prennent l'odeur des médicaments. La couleur et l'odeur du sperme peuvent être modifiées. L'infirmière effectue les examens biologiques prescrits pour surveiller la fonction rénale (l'urée, la clairance de la créatinine, l'acide urique), contrôle l'apport hydrique des patients per os et par voie périphérique ou centrale, établit une courbe de diurèse et un bilan des entrées et des sorties. Elle encourage le patient à uriner souvent pour que sa muqueuse vésicale ne soit pas trop exposée aux métabolites actifs des cytostatiques, recherche une hématurie microscopique à l'aide de bandelettes réactives, contrôle si besoin le pH urinaire avant et après le traitement. Elle administre le traitement chimioprotecteur hypo-uricémiant prescrit (Uricozyme®).

Toxicité sexuelle et gonadique.

L'infirmière informe les patients que la chimiothérapie n'affecte pas le désir sexuel.

Chez la femme, le cycle menstruel peut être modifié. Le traitement peut entraîner des irritations, une sécheresse vaginale (mycose) et parfois une stérilité provisoire ou définitive. Le médecin en informe les patientes. Les grossesses et l'allaitement sont contre-indiqués. À la fin du traitement, il convient de respecter un intervalle libre de 1 à 3 ans avant de débuter une grossesse. Les traitements se font sous contraception.

Chez les hommes, le traitement peut entraîner une stérilité provisoire ou définitive. Le médecin propose une conservation de sperme avant le début du traitement. Cela se fait dans les CECOS (Centre d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humains).

Toxicité neurologique et musculaire.

Le patient peut ressentir des engourdissements dans les membres, des picotements au visage, dans les mains et les pieds, des arthralgies, des myalgies, mais également une diminution de l'audition et des bourdonnements d'oreilles.

L'infirmière encourage le patient à se déplacer lentement, dépiste les mouvements anormaux et l'installe confortablement en respectant une position fonctionnelle des membres.

Toxicité cutanée.

La Bléomycine® entraîne une hyper-pigmentation de la peau et des phanères et un oedème des mains.

La peau est particulièrement sensible aux rayons du soleil. L'infirmière recommande aux patients de ne pas s'exposer au soleil même derrière une vitre d'appartement ou de voiture, et de se protéger par des vêtements, des crèmes écran total.Elle dépiste l'apparition possible de démangeaisons, de desquamation, d'acné.

Les trajets des veines qui ont reçu les traitements sont hyperpigmentés (brun foncé), ou au contraire décolorés.

La prévention du dessèchement de la peau est réalisée par l'application de pommade de type Biafine®. Une toilette hygiénique quotidienne est recommandée. La toxicité de certains produits peut affecter les ongles. L'infirmière peut proposer le port de gants réfrigérés avant, pendant et 30 minutes après la fin de la chimiothérapie.

Alopécie.

L'infirmière informe assez tôt les patients qui reçoivent un traitement alopéciant (alkylants) afin qu'ils puissent se procurer une prothèse capillaire. La Sécurité sociale rembourse un forfait perruque (76 euros par an en 2005). Certaines mutuelles et certains fabricants de chevelure d'appoint apportent une aide financière complémentaire. L'infirmière propose à ceux qui ont des cheveux longs de pratiquer des coupes intermédiaires.

L'alopécie est totale et constante avec l'Adriblastine®. L'infirmière informe également les patients que les cheveux, les cils, les poils repoussent parfois même avant la fin du traitement.

L'utilisation de lotions capillaires ou de vitamines n'a aucun effet sur l'alopécie due aux cytostatiques. Il faut éviter les brushings, les colorations, les mises en plis, car ils abîment les cheveux. Dans certains services, l'infirmière conseille de rencontrer un spécialiste capillaire afin qu'il puisse aider la patiente à retrouver une meilleure image d'elle-même grâce au port d'une chevelure d'appoint.

Toxicité générale

Fatigue. La fatigue est liée à la maladie, aux traitements anticancéreux et autres, au stress, à l'anémie, à la dénutrition, à l'insomnie.

L'infirmière accepte cette fatigue et l'évalue avec le patient à l'aide d'échelles visuelles analogiques par exemple.

Elle rassure le malade et l'encourage à se reposer le plus possible et à veiller à éviter les chutes.

Fièvre. L'infirmière doit :

- contrôler la température toutes les 4 heures ;

- administrer les antipyrétiques prescrits ;

- dévêtir le patient et diminuer le réglage du thermostat des radiateurs. Baisser le store s'il y a du soleil ;

- faire boire (sauf contre-indication) ;

- faire passer une boucle de perfusion dans un bac empli de glaçons ;

- laver et changer le patient aussi souvent que nécessaire.

Allergie. Il faut savoir dépister une dyspnée, une hypotension, une sensation de « boule » dans la gorge et prévenir immédiatement le médecin. L'infirmière prépare les corticoïdes et antihistaminiques selon les protocoles.

EXTRAVASATION

C'est une urgence : le produit se répand hors de la veine. L'infirmière doit prévenir le médecin et mettre en oeuvre les protocoles correspondants le plus rapidement possible (cf. ouvrage source).

Textes

> Dans le décret du 16 août 1985 modifiant l'article L.792 du Code de la santé publique (art. R.242-11 ; R.242-12 ; R.242-17 ; R.242-19 régissant les conditions de travail) figurent des recommandations pour la préparation et l'administration des substances anticancéreuses pendant la grossesse et l'allaitement.

> Circulaire n° 678 du 3 mars 1987 relative à la manipulation des médicaments anticancéreux dans les milieux hospitaliers (publiée au Bulletin officiel du ministère des Affaires sociales et de l'Emploi n° 87/12, folios 9 296) ;

> Circulaire DGS n° 381 du 2 mars 1990 relative à la formation continue (théorique et pratique) des infirmiers participant aux chimiothérapies anticancéreuses exerçant en secteur libéral.

Référence

Cet article est extrait de l'ouvrage Oncologie et soins infirmiers, conçu par Myriam Marolla et Robert Guérin. Il détaille la prise en charge infirmière de toutes les pathologies cancéreuses (cancers du sein, du col de l'utérus, de l'estomac, du pancréas, etc.) et les stratégies thérapeutiques. En outre, il est agrémenté de 16 fiches pratiques consacrées aux techniques de soins (aspiration trachéale, alimentation entérale, etc.), aux examens complémentaires (ponction cytologique, échographie, etc.) et aux médicaments (chimiothérapie, hormonothérapie...).

Oncologie et soins infirmiers, Myriam Marolla, Robert Guérin, éditions Lamarre, 2006.

Protocole

Avant de réaliser toute préparation de cytostatique, il convient de vérifier le protocole thérapeutique, qui précise :

- le nom du patient ;

- son prénom, sa date de naissance ;

- la date de l'administration ;

- le nom du protocole ;

- le nombre de cures et la durée du traitement ;

- les périodes de repos (permettant aux cellules hématopoïétiques de se reconstituer) ;

- le nom des antimitotiques à utiliser ;

- la dose à administrer, calculée en fonction de la surface corporelle du patient ;

- la voie d'administration ;

- la réhydratation à effectuer.

Voie intra-péritonéale

L'administration par voie intrapéritonéale (sans cathéter, avec un site implantable) est détaillée dans Oncologie et soins infirmiers, tout comme l'administration par voie intravésicale.

Effets secondaires : diarrhée et constipation

- En cas de diarrhée

- L'infirmière pèse le patient pour apprécier les pertes, elle note le nombre de selles, l'odeur, la couleur, leur volume afin d'obtenir une information sur la quantité de tissus détruits ;

- Elle réalise les prélèvements sanguins en vue d'effectuer les ionogrammes qui permettront de rééquilibrer les électrolytes ;

- Elle conseille au patient de consommer des aliments « antidiarrhéiques » (carottes, riz, pommes), de fractionner les repas ;

- Elle fait appel à la diététicienne si besoin ;

- Si la diarrhée est due au 5 FU® il faut, sur prescription médicale, arrêter le traitement jusqu'à la reprise d'un transit normal et administrer le traitement antidiarrhéique prescrit. Il faut encourager le patient à se laver à l'eau et au savon de Marseille après chaque selle et enduire la peau lésée de pommade type Mitosyl®.

- En cas de constipation

L'infirmière fait boire 2 litres d'eau au patient, sauf contre-indication, et l'encourage à manger des légumes verts, des crudités et des fruits, à garder une activité physique ; elle note le nombre de selles, leur couleur et leur consistance et demande au médecin de prescrire un traitement si besoin.

Le casque réfrigéré

Le casque réfrigéré réduit la chute des cheveux. Une vasoconstriction réactionnelle provoquée par le froid sur le cuir chevelu empêche la diffusion des cytostatiques alopéciants au niveau des racines des cheveux. Le patient mouille ses cheveux à l'eau froide et s'installe sur un fauteuil. Il pose sa tête sur des oreillers pour ne pas supporter tout le poids du casque (environ 3 kg). Une charlotte à usage unique est mouillée et placée sur sa tête. Le casque n'est sorti du congélateur qu'au moment de la pose. L'infirmière l'enfonce sur la tête du patient et le modèle sur son crâne. Elle glisse du coton sur le front, sur la nuque et au niveau des oreilles pour les protéger des risques de gelures. Parfois le casque est recouvert d'un bandage très serré.

Le patient garde un vêtement sur ses épaules. S'il doit être perfusé, le faire avant la pose du casque (il entraîne une vasoconstriction généralisée). La pose du casque doit se faire entre 10 et 15 minutes avant le début du traitement et rester en place au moins 30 minutes après la fin du traitement. Il ne faut ni sécher, ni frotter les cheveux une fois le casque retiré. Après utilisation, le casque est nettoyé à l'eau et au savon, rincé, séché et rangé à plat dans le congélateur. Il ne sert qu'une fois par jour. Contre-indications : métastases crâniennes, tumeurs cérébrales, leucémie, cancer anaplasique à petites cellules, tumeurs métastasant de façon préférentielle au niveau cérébral.