Le meilleur ami du soignant ? - L'Infirmière Magazine n° 229 du 01/07/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 229 du 01/07/2007

 

Vous

Mieux vivre

L'animal de compagnie est un atout pour les soignants et les patients. Mais travailler avec un être vivant exige un investissement personnel, de la réflexion et une bonne communication.

L'hôpital, ce n'est pas fait pour les chiens. Alors, ne vous attendez pas à être bien accueilli si vous vous lancez dans un projet d'activités associant l'animal. D'abord, la direction vous opposera les problèmes liés à l'hygiène et à la sécurité : infections nosocomiales, risques de chutes, de morsures... Elle soulignera la surcharge de travail : un chien, il faut le promener, le nourrir, le laver. Le coût : vaccins, assurances... De quoi en décourager plus d'un.

Pourtant, soignants et bénévoles sont de plus en plus nombreux à s'investir avec leurs animaux. Les raisons de cet engouement, en particulier chez les infirmières ? Un désir d'aider, certes, mais aussi de redonner un sens au travail. « Les hôpitaux répondent à une logique économique qui fait souffrir le personnel. Celui-ci ne se sent plus reconnu dans sa mission, il a moins de temps pour parler aux patients. Le chien explose ce système. Grâce à lui, les gens se parlent, rigolent. On redevient un groupe humain », explique le Dr Didier Vernay, neurologue au CHU de Clermont-Ferrand.

débloquer une situation

Ce chef de service en fauteuil roulant depuis un accident de voiture a repensé son métier avec l'arrivée de son chien d'assistance : « Gadjet était avec moi lors de mes consultations. J'ai vite remarqué qu'en sa présence, certaines situations se débloquaient, en particulier avec les patients atteints de troubles cognitifs. » À la fin des années 1950, à New York, Boris Levinson, psychologue pour enfants, est le premier à parler du chien comme instrument de communication. Par hasard, son chien Jingles est là lorqu'il reçoit Johnny, un jeune autiste. Celui-ci se met à caresser l'animal sous l'oeil ahuri de ses parents et demande s'il pourra revenir jouer avec le « Dr Jingles ».

limiter le stress

De multiples études mettent en avant les vertus de l'animal : limitation du niveau de stress, baisse de la tension artérielle, de la fréquence cardiaque. L'animal encourage l'exercice physique. Il donne une meilleure estime de soi : « C'est l'effet-miroir, explique Jean-Luc Vuillemenot, secrétaire général à l'Association française d'information et de recherche sur l'animal. Le regard des autres sur le handicap ou sur la maladie se modifie en présence de l'animal. Une jeune femme m'a dit, après l'acquisition de son chien d'assistance : "Mon fauteuil est devenu transparent." » En France, les initiatives associant l'animal dans un cadre plus ou moins thérapeutique se développent à leur tour.

dénouer les langues

« Parole de chien » a été créée en 2002 par Isabelle de Tournemire : « J'ai d'abord été introduite à Broca par un responsable animation qui avait renoncé à son projet de chien collectif. L'idée d'un chien-visiteur l'a séduit. » Esther et son fauve de Bretagne, fraîches recrues de l'association, font leur première visite à la Fondation Rotschild. Josette(1) frotte son nez contre la tête d'Orgeat : « Chez moi, j'avais un chat très mal élevé. Il sautait sur les copies de mon mari, qui était professeur, et les déchirait. » De chambre en chambre, les sourires apparaissent, les caresses s'enchaînent, les langues se dénouent. « Nous choisissons des personnes isolées qui montrent un vif intérêt pour les chiens », explique Elisa, la gouvernante de l'établissement. À Parole de chien, on ne parle pas de thérapie. Seulement d'apporter un peu de joie aux résidents.

motiver les patients

« On ne guérit pas avec les animaux, mais on reconstruit un mouvement, un souvenir », explique François Beiger, le président de l'Institut français de zoothérapie. À l'hôpital Paul-Brousse, en gérontologie, Georges est assis, le regard fixe. Il refuse souvent de quitter son lit. Catherine Barthalot, infirmière zoothérapeute et fondatrice de l'association « 4 pattes tendresse », vient lui rendre visite avec Mike, son terrier du Tibet. Elle demande à Georges de lustrer les longs poils gris du chien. Il s'applique, le corps penché en avant. « Je peux travailler avec un kinésithérapeute, explique l'infirmière. Quand un résident refuse de se lever, je lui dis que Mike a besoin d'être promené. Le kiné est présent et s'assure du bon équilibre du patient. Il m'indique les mouvements qu'il faudrait lui faire réaliser à l'aide du chien. S'il faut rééduquer l'épaule, je vais proposer de brosser dans tel sens ou de lancer la balle en haut, puis en bas. » Aujourd'hui, Georges accepte de quitter sa chambre pour promener Mike. « On ne va pas loin ? » s'inquiète-t-il. « Jusqu'au bout du couloir. » Soulagé, le résident se laisse entraîner par le chien.

1- Les prénoms des résidents ont été modifiés.

nos conseils

- Pour se lancer dans un projet d'activités associant l'animal, il faut être un bon connaisseur de la psychologie humaine et animale.

- Il est nécessaire de se faire aider par des personnes qui ont de l'expérience, voire de suivre une formation.

- Se poser les questions suivantes : quel animal vais-je choisir ? Avec qui vais-je monter ce projet ? Qui paiera pour les vaccins, la nourriture, l'assurance de responsabilité civile ?

- Réfléchir au suivi : que vais-je mettre en oeuvre pour avoir des garde-fous ? Comment respecter l'intimité du patient ?

- Penser à la logistique : où mon animal dormira-t-il ? Qui va le sortir ?

En savoir plus

CONTACTER

> Afirac

Association française d'information et de recherche sur l'animal, 32, rue de Trévise, 75009 Paris.

Tél. : 01 56 03 12 33.

Internet : http://www.afirac.org

> Handi'chiens

Association nationale d'éducation de chiens d'assistance pour personnes handicapées, 151-161, rue Nationale, 75013 Paris.

Tél. : 01 45 86 58 88.

Internet : http://www.handichiens.org.

> Zoothérapie

Institut français de zoothérapie, 191, chemin du Crêt, 38690 Colombe.

Tél. : 06 12 47 74 11.

Internet : http://www.institutfrancaisdezootherapie.com.

> Parole de chien

Association de chiens visiteurs en institutions, 33, rue de la Chaussée d'Antin, 75009 Paris.

Tél. : 01 42 85 23 39.

Internet : http://www.parole-de-chien.com.

> 4 pattes tendresse

Hôpital Paul-Brousse, 14, avenue Paul-Vaillant-Couturier, 94800 Villejuif.

Tél. : 01 45 59 33 86 ou 06 61 47 61 08.

Mél : 4patestendresse@laposte.net.

> Pat'à coeur

Les lamas du Val d'Azun, Le Bégué, route du Lac, 65400 Estaing. Tél. : 05 62 97 44 48 ou 06 89 48 71 86. Internet : http://www.lamas- pyrenees.com/activites/ zootherapie-fr.html.

> Société française d'équithérapie

77, avenue Félix-Faure, B2, 92000 Nanterre.

Tél. : 01 42 04 68 76.

Internet : http://sfequitherapie.free.fr.

témoignage

« La hiérarchie, un frein »

« Ancienne assistante vétérinaire, j'ai fait mon travail de fin d'études en 2005 sur les activités associant l'animal, raconte Édith Chambenoit, infirmière au CHU de La Seyne-sur-Mer (Var). Quand j'ai terminé l'Ifsi, j'ai adopté un golden retriever, Saël. Je suis allée avec ma chienne dans les maisons de retraite. Jeune diplômée, je n'ai même pas tenté de venir à l'hôpital, car j'étais freinée par la barrière hiérarchique. Pour faire accepter mon projet, il m'aurait fallu passer par le cadre de service, le chef de service, le directeur de l'hôpital, le comité de lutte contre les infections nosocomiales... Cela m'aurait pris un à deux ans de préparation. Dans le privé, il n'y a pas les mêmes lenteurs institutionnelles. J'ai pu sans problèmes organiser des séances avec des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Je leur désignais l'anatomie du chien en leur faisant répéter les mots : "oreilles", "poils"... Je leur montrais comment le brosser alors qu'elles-mêmes ne savaient plus comment se peigner. »