Qui plume la Une ? - L'Infirmière Magazine n° 229 du 01/07/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 229 du 01/07/2007

 

Animation

Du côté des associations

S'évader de l'ennui, laisser une trace... À l'hôpital Trousseau, les enfants réalisent leur propre journal, grâce à l'association Swane.

Il est tout petit. Un corps brun, de belles pattes jaunes et un grand sourire. Assise en tailleur sur son lit d'hôpital, la jeune patiente de 7 ans observe le chien qu'elle vient de tracer au pinceau sur la page blanche. « Il va être dans le journal, mon dessin ? » La fillette interroge Vincent, assis à ses côtés. Futur éducateur spécialisé, le jeune homme termine ses études tout en étant bénévole de l'association Swane(1). Il consacre quelques après-midi par mois à ces visites aux enfants de tous âges du service hématologie de l'hôpital Trousseau, à Paris.

cartable idéal

Ce lundi, les bénévoles, journalistes pour la plupart, sont cinq, réunis en début d'après-midi au café voisin de l'hôpital. Ils viennent d'entamer la préparation du quatorzième numéro de La Plume de Swane. La coordinatrice, Carol Galand, rappelle le thème choisi : l'école. Autour de ce sujet seront déclinées de multiples rubriques : des dessins du cartable idéal et de son contenu, un match d'opinion (« pour ou contre les punitions collectives ? »), des dictées rigolotes, le portrait du prof qu'on adore ou qu'on déteste, des expressions écrites (« la pire honte que j'ai eue à l'école » ou « comment améliorer l'école si j'étais ministre de l'Éducation nationale »)... Pendant environ deux mois, deux après-midi par semaine, les membres de l'association rendent visite aux enfants, collectant au cours de leurs conversations récits et dessins. Ceux-ci sont ensuite mis en page et maquettés par des professionnels : des rédacteurs, un graphiste, un maquettiste. Créée en 2003, Swane bénéficie de l'aide de l'agence de communication institutionnelle Citizen Press.

dernière trace

L'agence diffuse le journal à ses clients, aux enfants et aux personnels de l'hôpital, mais aussi dans les Fnac parisiennes et sur abonnement. C'est sa directrice, Françoise Montabric, qui a créé l'association Swane pour aider les enfants et adolescents en difficulté à retrouver la parole. En allant voir sa filleule Swane, hospitalisée pendant 1 an à l'hôpital Trousseau, elle a eu l'idée de créer un journal avec elle et ses petits camarades afin de les sortir de leur isolement. Un isolement relatif, car il y a les soins du personnel, les visites des parents, des professeurs des écoles et des différentes associations qui interviennent dans le service. Malgré tout, « les enfants sont souvent seuls, devant la télévision, explique Carol Galand. Ils n'ont pas trop de visites des copains, ils s'ennuient. On vient les distraire, discuter un peu, et ils retrouvent leurs dessins et leurs témoignages dans le journal. Pouvoir dire : "C'est moi qui l'ai fait !" c'est très important pour eux. Et pour les enfants en fin de vie, c'est aussi laisser quelque chose... »

Au café, la réunion est terminée. Les bénévoles se sont réparti les tâches. Carol explique les règles d'hygiène à ceux qui viennent pour la première fois : « On enlève les bijoux, on s'attache les cheveux. On se lave les mains au savon et au désinfectant. On ne s'assoit pas sur les lits, et dans les chambres en isolement, on enfile une blouse et un masque. »

arc-en-ciel

Dans sa chambre, la petite patiente poursuit sa conversation avec Vincent. « Qu'est-ce que tu n'aimes pas dans ta classe ? - Les murs. - Pourquoi ? - Parce qu'ils ne sont pas décorés, y'a rien dessus. - Alors, imagine que la feuille blanche, c'est le mur de ta classe, qu'est-ce que tu voudrais dessiner dessus ? - Un arc-en-ciel. » Avec application, la fillette trace de larges bandes de couleur, jaune, orange, bleu, violet. Et rouge, « comme le sang ». Vincent prend congé, se débarrasse de sa blouse et de son masque. « Ces moments sont intenses, il faut avancer pas à pas. Ici, nous ne sommes ni des parents, ni des soignants, ni des professeurs. Cette neutralité fait de nous des interlocuteurs à part. Alors, si certains enfants en profitent pour s'évader avec nous, en abordant des sujets qui les distraient, d'autres parlent de la maladie, de la perte de leurs cheveux, de l'avenir. Ou de leur culpabilité vis-à-vis des parents et des soucis qu'ils leur causent. Quoi qu'il en soit, ma formation d'éducateur m'est bien utile. »

tubes de gouache

Au début de chacune de leurs visites à l'hôpital, les bénévoles de l'association s'entretiennent avec le personnel soignant. Les enfants qui recevront leur visite sont choisis avec son accord. Certains, trop fatigués ou pas intéressés, déclinent l'invitation à dessiner ou à converser. Ce jour-là, Vincent va également voir un jeune garçon de treize ans. Tandis que son voisin fait de la géométrie avec un professeur, il est assis dans son fauteuil et parle. Il évoque le sac à dos qui lui sert de cartable quand il va à l'école puis, souriant, la punition reçue une fois, 170 lignes à écrire. Lorsque le jeune homme lui suggère de faire un dessin, il ne semble pas emballé. « J'ai aussi des pinceaux et des tubes de gouache », ajoute Vincent. « Ah bon, on a le droit de faire de la peinture, ici ? » s'étonne le jeune patient. Son regard, soudain, s'est allumé.

Internet : http://www.assoswane.com.

Tél.: 06 64 98 42 09.

Mél : assoswane@citizen-press.fr.

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