Usage et suivi du Meopa - L'Infirmière Magazine n° 229 du 01/07/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 229 du 01/07/2007

 

analgésie

Modes opératoires

CADRE JURIDIQUE

> Article L.1110-5 du Code de la santé publique : « Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée. »

> Décret de compétences n° 2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier : articles 2 et 7.

> Circulaire DGS-DH-DAS n° 99-84 du 11 février 1999 relative à la mise en place de protocoles de prise en charge de la douleur aiguë.

> Circulaire Dhos-E2 du 30 avril 2002, relative à la mise en oeuvre du programme national de lutte contre la douleur 2002-2005 dans les établissements de santé dont la priorité est de « prévenir et traiter la douleur provoquée par les soins, les actes quotidiens et la chirurgie ».

FICHE D'UTILISATION

Remplir la fiche (cf. p. XV) après chaque utilisation du Meopa (mélange équimoléculaire oxygène protoxyde d'azote).

UTILISATION

Procédure d'usage et outil de suivi du Meopa : 50 % de N2O et 50 % d'O2 (Kalinox®, Medimix®, Antasol®, Oxynox®).

Introduction.

Selon les recommandations de l'Anaes pour la pratique clinique de mars 2000 intitulées « évaluation et stratégies de prise en charge de la douleur aiguë », l'utilisation du Meopa est recommandée dans tous les services médicaux et chirurgicaux de pédiatrie et dans les services d'urgences. Le Meopa est à ce jour un produit mal connu. Le corps paramédical pense encore majoritairement qu'il n'est pas autorisé à utiliser ce produit. Le but de cet article est d'une part, de le démystifier au regard des professionnels et d'autre part de répondre à une exigence de démarche qualité via la traçabilité dans le service. Le Meopa doit être proposé pour tous les soins provoquant une douleur légère à modérée. Ce n'est pas un antalgique majeur et il n'est pas recommandé seul pour les douleurs sévères.

Depuis sa prescription chez l'adulte, beaucoup d'entre nous reconnaissent que cette forme de sédation antalgique répond parfaitement aux attentes. Par exemple, l'ablation de drain rétrosternal, péricardique, pleural ou le traitement de plaies de deuxième intention deviennent des actes simples où la douleur est soulagée, la réfection des pansements post-opératoires s'avère plus confortable pour le patient et pratique pour le soignant.

Le début de l'action antagique est rapide (3 minutes), sa durée d'action est brève après la fin de l'administration et il présente peu d'effets indésirables.

Pour améliorer la qualité de la prise en charge de la douleur provoquée, nous avons estimé utile de disposer d'une procédure intégrant une fiche de suivi et une grille d'évaluation pour l'utilisation de cet antalgique (cf. p. XV).

Historique.

En 1772, le pasteur anglais Joseph Priestley synthétise pour la première fois le protoxyde d'azote qu'il baptise « gaz hilarant ». Il n'a pas la chance de voir appliquer les vertus anesthésiques de sa découverte. L'effet analgésique n'est mis en valeur qu'en 1800 par Davy. En 1844, Colton et Horace Wells démontrent les effets anesthésiques et utilisent le gaz en dentisterie. L'utilisation du protoxyde d'azote est obtenu par distillation de nitrate et d'ammoniaque et conservé sous forme liquéfiée dans un gazomètre. En 1879, Paul Bert propose pour la première fois de l'associer à l'oxygène pour éviter les effets secondaires dus à l'hypoxie. En 1961, l'anglais Tunstall réalise le premier mélange stable d'oxygène et de protoxyde d'azote à 50 %, qu'il appelle Entonox. L'acronyme Meopa n'a donc de récent que sa dénomination. Ce système introduit le principe de l'auto-administration par l'intermédiaire d'une valve auto-déclenchante. Depuis, de très nombreux travaux ont été publiés sur l'utilisation du mélange protoxyde d'azote-oxygène dans différentes situations cliniques. Celui-ci devient régulier en pédiatrie seulement depuis les années 1980.

C'est un médicament inscrit sur la liste I, réservé à l'usage hospitalier et aux véhicules de transport d'aide médicale d'urgence. Une autorisation de mise sur le marché n'a été délivrée au Meopa que le 17 novembre 2001. Le statut initial (1998) d'autorisation temporaire d'utilisation a bien permis de confirmer la sécurité du produit. Ce mélange gazeux antalgique devient donc un médicament antalgique « banal » dont l'usage est précisé dans les RCP (résumés des caractéristiques du produit) : Kalinox®, Medimix®, Antasol®, Oxynox®, Meopa.

Objet

Objectif global

- Disposer d'un outil de suivi de traitement de la douleur pour évaluer la qualité et l'efficacité du traitement ;

- Recueillir une exhaustivité dans la collecte des données pouvant servir à la recherche et à des études ;

- Prévenir l'apparition de la douleur provoquée par les soins.

Objectif spécifique

- Optimiser la prise en charge de la qualité du soin douloureux ;

- Connaître les caractéristiques et le mode d'emploi du protoxyde d'azote pour prévenir la douleur provoquée par des gestes douloureux de courte durée ;

- Favoriser un climat de confiance entre le personnel soignant et le patient ;

- Améliorer le confort physique et psychologique du patient.

Application.

Dans les unités d'hospitalisations (par voies respiratoires) ; par le médecin, l'infirmière formée à la technique ou la sage-femme ; sur prescription médicale, chaque fois que la douleur provoquée est ressentie comme intense.

Deux soignants sont indispensables pour réaliser ce geste, dont une infirmière formée à cette technique pour surveiller et contrôler l'inhalation.

Mots clés

- Meopa : mélange équimolaire (50 %) d'oxygène (O2) et protoxyde d'azote (N2O).

- Protoxyde d'azote : agent anesthésique, gaz à faible odeur, non inflammable, comburant.

- Analgésie : disparition de la sensibilité à la douleur.

- Gaz hilarant : effet euphorisant (hémioxyde ou N2O).

Présentation.

Le protoxyde d'azote est un agent anesthésique, l'appellation Meopa, Kalinox® ou Medimix® désigne un mélange gazeux équimolaire d'oxygène et de protoxyde d'azote, dont les concentrations sont égales à 50 %. Il est incolore, inodore, non inflammable. C'est un agent utilisé dans le traitement préventif et curatif de la douleur provoquée par les soins.

Le Meopa est stocké dans des bouteilles blanches de 5 à 20 litres avec un quartier bleu à la partie supérieure. Un chariot porte-bouteille est nécessaire pour le transport, pour éviter les chutes des bouteilles qui doivent être stockées entre 5° C et 36° C en position verticale. L'apport de 50 % d'oxygène permet d'éviter le risque d'hypoxie.

Sa sécurité d'emploi est liée à sa rapidité de diffusion par voie pulmonaire en 3 minutes et une élimination rapide à l'arrêt de l'administration, le réflexe laryngé est aussi conservé.

Ce mélange diffusé très rapidement dans les cavités naturelles aériques (intestin, oreille, sinus) va augmenter leur volume ou leur pression. Il est très peu soluble dans le sang et les tissus. L'administration de Meopa n'entre pas dans le cadre de l'anesthésie générale car il ne possède pas à lui seul la puissance suffisante pour atteindre une profondeur anesthésique.

L'administration du mélange équimolaire N2O-O2 (qui entraîne une analgésie de surface) permet d'obtenir un état de sédation consciente. On n'observe ni dépression respiratoire ni trouble hémodynamique lorsqu'il est administré seul.

Indication

- Préparation des actes douloureux de courte durée chez l'adulte et l'enfant (ponction lombaire, ponction veineuse, artérielle, biopsie, biopsie médullaire, ablation de drain) ;

- Petite chirurgie de surface (pansement compliqué, brûlés) ;

- Soins dentaires, en milieu hospitalier exclusivement chez l'enfant, patients anxieux ou handicapés ;

- Obstétrique ;

- Samu ;

- Ophtalmologie ;

- Toilette.

Contre-indications

- Patient non consentant ;

- Altération de l'état de conscience du patient ;

- Pneumothorax ;

- Bulle d'emphysème ;

- Occlusions digestives ;

- Traumatisme facial intéressant la région d'application du masque ;

- Hypertension intracrânienne ;

- Grossesse (toxicité foetale expérimentale chez le rat) ;

- Phobie du masque.

Effets indésirables (5 à 35 % d'incidence)

- Agitation ;

- Rêves, cauchemars ;

- Vertiges ;

- Euphorie ;

- Nausée, vomissements ;

- Toxicité médullaire possible en dose cumulée de 3 à 5 heures sur 15 jours (maximum autorisé) ;

- Anémie si exposition répétée ;

- Polyneuropathie sensitivo-motrice (toxicomanie) ;

- Distension des cavités aériques.

En cas de problème

- En cas de nausée, de vomissements, d'agitation, de désorientation : stopper la technique ;

- En cas de perte de connaissance : arrêter immédiatement la technique et appliquer l'O2 100 % jusqu'à la reprise de la conscience, mettre la tête sur le côté et appeler un médecin.

Durée d'application

- Son début d'action est rapide (3 à 5 minutes) ;

- Sa durée d'exposition ne doit pas excéder 15 minutes deux à trois fois par jour.

Procédure

Général

- S'assurer que la toilette, la réfection du lit et l'entretien journalier de la chambre sont faits

- S'assurer de la fermeture des portes et fenêtres ;

- Informer le patient du déroulement du soin et en profiter pour évaluer la douleur ;

- Vérifier la prescription médicale. La présence d'un médecin est obligatoire si le patient prend un traitement morphinique ou psychotrope ;

- Préparer le matériel nécessaire au soin prescrit sur le chariot de soin ;

- Vérifier que le traitement antalgique oral a été pris au moins une heure avant le soin ;

- Renforcer l'effet antalgique en associant l'Emla® ou/et les anesthésiques locaux (spray, infiltration, gel de xylocaïne) ;

- S'assurer que le chariot d'urgence est disponible ;

- S'assurer que le matériel d'aspiration est monté ;

- Être en tenue propre, adaptée au secteur d'activité ;

- Si le patient est en isolement, le chariot de soins devra impérativement rester à l'extérieur de la chambre : ne rentrer que le matériel nécessaire à l'analgésie et au pansement ;

- Dans la chambre, mettre la présence puis installer confortablement le patient, en position adaptée au geste qui sera réalisé, en respectant sa pudeur et permettant un travail ergonomique pour l'infirmière ;

- Brancher le matériel à oxygène ;

- Réaliser une friction des mains avec une solution hydroalcoolique ;

- Ouvrir les emballages des produits stériles ;

- Ne jamais appliquer le masque de force.

Spécifique

- Vérifier la pression au manomètre (zone verte) ;

- Connecter le matériel ;

- S'assurer de l'évacuation du gaz expiré vers l'extérieur ;

- Dans tous les cas, l'enfant doit être mis en confiance par une approche ludique (choix du masque, de son parfum, mise en place d'un sifflet sur la valve expiratoire) pour le convaincre et le rendre acteur de son soin ;

- Adapter le masque, non connecté, sur le visage du patient, puis relier le masque au circuit ;

- Ouvrir la bouteille de Meopa et le robinet du débilitre du manodétendeur ;

- Régler le débit entre 12 et 15 litres par minute chez l'adulte ;

- Le réglage chez l'enfant sera déterminé par sa ventilation spontanée ;

- S'assurer d'une inhalation continue minimale de 3 minutes avant de débuter le soin ;

- L'auto-administration avec un patient coopérant est nécessaire.

Pendant

- Vérifier l'absence de fuite autour du masque (ballon gonflé) ;

- Garder le contact verbal pour repérer l'apparition d'un endormissement ;

- Surveiller l'état général du patient et la survenue d'effets indésirables ;

- Être prêt à interrompre l'administration du Meopa en urgence si nécessaire (sans oublier de fermer la bouteille) ;

- Arrêter l'administration dès la fin du geste, connecter le circuit en place à l'O2 mural 12 à 15 litres ;

- Fermer la bouteille et le manodétendeur quand la pression est à zéro ;

- Le soin ne doit pas excéder 15 minutes.

Après

- Garder le masque sur le visage du patient pendant 3 minutes après l'arrêt du Meopa sous 100 % d'O2, c'est le temps d'élimination par voie pulmonaire du N2O afin de ne pas polluer l'environnement des soignants ;

- Évaluer la satisfaction du patient ;

- Réévaluer la douleur à la fin du soin ;

Autres dispositions

- Aérer la chambre pour éliminer le Meopa ;

- Réinstaller le patient ;

- Jeter ce qui doit l'être et fermer la poubelle Darsi ;

- Si des instruments ont été utilisés, les immerger rapidement dans un bac contenant la solution de produit détergent décontaminant pour l'instrumentation médico-chirurgicale ;

- Réaliser une friction des mains avec une solution hydro-alcoolique ;

- Nettoyer et ranger ce qui doit l'être, en particulier le chariot de soins ;

- Entretenir le matériel spécifique Meopa : jeter le filtre et le masque à usage unique, décontaminer (avec le produit nettoyant décontaminant pour instrumentation) le circuit raccord, le ballon, le tuyau réutilisable 15 fois. Noter sur le ballon la date de la première utilisation, puis le rincer, le sécher et le conserver à l'abri d'éventuelles contaminations ;

- Réapprovisionner le chariot de soins et vérifier la bouteille (zone verte pour le prochain soin) à garder en position verticale ;

- Réaliser un lavage antiseptique des mains.

Consignation écrite (traçabilité).

Transcrire votre observation sur la fiche de suivi Meopa du patient (cf. p. XV).

Résumé.

Le Meopa est un agent antalgique à cinétique rapide, doté d'une grande sécurité et particulièrement utile, notamment en pédiatrie, dans toutes les situations où la douleur reste modérée (par exemple, les pansements générateurs de douleurs d'intensité moyenne). Sa facilité d'administration, son élimination rapide après l'arrêt de l'inhalation et le peu d'effets indésirables en font un agent analgésique de choix. Il peut être administré en association avec d'autres antalgiques. Sur prescription médicale, le geste peut être réalisé par des personnels médicaux et paramédicaux confirmés. Son utilisation doit obéir à des règles précises qu'il convient de respecter afin d'éviter l'utilisation détournée et les risques d'accident.

- Cet acte est réalisable sur prescription médicale ;

- Son administration peut être déléguée à un personnel paramédical spécifiquement formé (et aux connaissances périodiquement réévaluées), sauf chez les enfants de moins de 4 ans et chez les patients ayant reçu des produits psychotropes ou des morphiniques. Dans ces derniers cas, le Meopa doit être administré par un médecin habitué à cette méthode ;

- Le jeûne n'est pas nécessaire car le réflexe laryngé est conservé ;

- L'information du patient est primordiale sur le traitement mis en place ;

- Deux soignants sont indispensables pour réaliser ce geste, dont une infirmière formée à cette technique pour surveiller et contrôler l'inhalation et la conscience du patient ;

- Évaluation de la douleur avant et après le soin.

Le choix de cette forme d'analgésie doit prendre en compte :

- Le consentement du patient ;

- Une parfaite connaissance du produit par le soignant ;

- Une présence médicale ;

- La surveillance neurologique, qui se fait par le maintien du contact verbal, l'observation d'effets indésirables.

Gestion documentaire.

Ce document fait partie de la démarche qualité de prise en charge de la douleur. Il est accessible par toute l'équipe, la fiche de suivi est à remplir après chaque intervention.

Références

> Protocoles de soins : méthodes et stratégies, Anne-Marie Bonney, Chantal Gaba-Leroy, Annick Macrez, Danièle Marande, Martine Marzais et Anne-Francoise Pauchet-Traversat, 2e édition, Masson, 2000.

> Élaboration d'une procédure ou d'un protocole, Direction centrale soins infirmiers AP-HM, guide n° 11, avril 2001.

> Manuel d'accréditation des établissements de santé, deuxième procédure d'accréditation Anaes, référence 16C ; 32 ; 36, HAS, septembre 2004.

> AMM Vidal ; Kalinox®, Medimix® (laboratoire AGA Médical), conditions d'emploi, prescription.

> Mélange équimolaire oxygène-protoxyde d'azote (Meopa), Rappels théoriques et modalités pratiques d'utilisation, P. Bolland, J.-C. Favier, T. Villevieille, L. Allanic, D. Plancade, J. Nadaud, M. Ruttimann, Département d'anesthésie-réanimation-urgences, hôpital d'instruction des armées Legouest, 57998 Metz armées, France. Article spécial, Annales françaises d'anesthésie et de réanimation 24, 2005, 1305 -1312.

> Site Internet : http://www.pediadol.org (rubrique « Protocoles »).