Avis de dépression - L'Infirmière Magazine n° 230 du 01/09/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 230 du 01/09/2007

 

personnes âgées

Dossier

La prise en charge psychiatrique des personnes âgées est insuffisante en France, et la situation risque de se détériorer.

Les indicateurs sont au rouge : la part des personnes âgées augmente et va continuer à augmenter régulièrement en France. « La maladie à cette époque de la vie prend des visages multiples autant par la polypathologie habituelle que par le contexte psychologique et social qui la sous-tend, ou les conséquences sociofamiliales qu'elle entraîne » résume le Dr Anglade, lors des 1es rencontres de gérontopsychiatrie et de psychogériatrie en Anjou. Malgré un état des lieux alarmant, les initiatives des professionnels sont exemplaires.

Souffrance psychique

Selon l'Insee, la France devrait compter 5,4 millions de personnes âgées de 75 ans et plus en 2010, et 10,8 millions en 2050. Si les sexagénaires et les septuagénaires sont de plus en plus performants, une réalité s'impose : en vivant plus longtemps, le risque de vulnérabilité face aux troubles qui touchent toutes les tranches d'âge augmente. Les choses se compliquent lorsqu'à la vieillesse et à ses défaillances, s'ajoute la souffrance psychique. Les personnes âgées sont particulièrement exposées aux risques de dépression, de souffrances psychiques ainsi qu'aux maladies neurodégénératives. Les besoins de cette population plus vulnérable devraient être pris en compte dans leur globalité, en évitant toute rupture ou inadéquation dans leur prise en charge.

Structures inadaptées

Il est donc urgent de « penser », humainement, de meilleures possibilités de prise en charge psychiatrique des personnes âgées. Psychiatres, psychanalystes, gériatres, personnel infirmier, sociologues et directeurs d'établissements font déjà le même constat préoccupant : les structures ne sont ni adaptées et ni assez nombreuses. Le personnel manque et n'est pas suffisamment formé. Ceci est vrai dans le champ sanitaire, de la gériatrie et de la psychiatrie, mais aussi dans une logique de proximité des soins dans le cadre de la psychiatrie de liaison et des interventions à domicile, sans oublier le champ médico-social des établissements d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Déficits criants

Malgré les perspectives, rien de nouveau. Les déficits concernant une politique globale de gérontopsychiatrie sont toujours aussi criants. Le 18 mars 2002, la circulaire n° 2002-157 relative à l'amélioration des soins gériatriques insiste sur la logique d'articulation et d'intégration des différents acteurs des champs sanitaire, social et médico- social. La circulaire du 25 octobre 2004 (n° 2002-207), relative au volet psychiatrie et santé mentale des Schémas régionaux d'organisation des soins de 3e génération, définit comme prioritaire la prise en charge psychiatrique des personnes âgées. Le rapport commandé par Xavier Bertrand en avril 2006 pour atténuer l'impact du choc démographique gériatrique sur le fonctionnement des hôpitaux dans les quinze années à venir propose notamment de créer un label « filière gériatrie » pour chaque établissement de santé doté d'un service d'urgences et de prendre en compte le vieillissement, y compris dans les services non gériatriques.

Triple peur

« Nous ne savons plus transmettre ce qu'est la mort. C'est pourtant dans toutes les sociétés une question essentielle. [...] Non seulement nous ne savons plus ce que c'est, mais, de plus en plus, nous la considérons comme étant de l'ordre de l'accident », écrit Charles Melman, psychiatre et psychanalyste, dans L'Homme sans gravité (Denoël, 2002). Une personne âgée, même très désorientée, voire apparemment absente, reste un être humain chargé d'histoire et d'affects. La problématique réside dans une double, voire une triple peur propre à notre propre condition humaine : celle de la vieillesse, de la mort et de la folie. « La société est assez malveillante, ce qui est paradoxal car au lieu de créer du lien et de considérer ce temps de la vieillesse comme un cadeau, c'est le problème de la dépendance qui obsède », explique le Dr de Ladoucette, gériatre et psychiatre. Bernard Ennuyer, sociologue, pousse la réflexion plus loin : « La confusion entretenue en permanence entre dépendance et perte d'autonomie signifierait-elle que les gens qui ne peuvent plus faire seuls les principaux actes de la vie quotidienne n'ont plus le droit de décider de leur façon de vivre ? »

Entourage fragilisé

Chez le sujet âgé, le diagnostic et le traitement des troubles psychiatriques sont difficiles. La souffrance physique est souvent associée à une douleur morale et peut s'exprimer de façon atypique : confusion, anorexie, mutisme... Les conséquences de ces états, surtout s'ils durent, sont l'anxiété, la dépression, la régression ou l'isolement social. Pour le Dr Pellerin, chef du service de psychiatrie du sujet âgé, à l'hôpital Charles-Foix, « la géronto-psychiatrie concerne les patients âgés qui présentent des troubles d'allure psychiatrique, les patients déficitaires qui souffrent d'une comorbidité psychiatrique ancienne ou actuelle, les personnes ayant fait une tentative de suicide et les sujets pris dans une situation médico- légale complexe. » Dans ce cas de figure, l'entourage est la plupart du temps dans une situation de fragilité, voire de rupture. Cette situation implique alors de soutenir un ensemble constitué du sujet et de sa famille, sans oublier l'établissement qui l'héberge. « Il faut penser la géronto-psychiatrie comme une pratique innovante, inventive », ajoute Majid Safouane, psychanalyste. La difficulté du diagnostic vient du fait que si une grande partie des troubles psychiatriques du sujet âgé ne relèvent pas d'une prise en charge en institution, le gérontopsychiatre aura, à un moment, obligatoirement besoin de se retrouver au sein d'une équipe pluridisciplinaire permettant des approches différentes de ces tableaux cliniques toujours complexes.

Le rôle des médecins psychiatres ou des gérontopsychiatres est essentiel, or « la démographie des psychiatres devrait connaître une décroissance importante dans les dix prochaines années, alors que l'on constate une augmentation constante de la demande ». Et la gériatrie attire peu, aussi bien les médecins que les autres soignants de la nouvelle génération.

La psychiatrie publique fait bien souvent office de dernier recours pour ces vieux malades dont on ne sait plus quoi faire, comme le dit le Dr Philippe Guillaumot, psychiatre responsable du département de gérontopsychiatrie du CH des Pyrénées de Pau (Pluriels, n°50-21) : « On accueille des malades autant malades de leur malaise, que symptômes d'une perte de tolérance du milieu où ils vivent. [...] On peut considérer que l'admission de ces vieillards est aussi l'expression d'un questionnement d'une solidarité collective qui se cherche. » Et les équipes soignantes sont bien souvent confrontées « à la problématique familiale de l'échec, de la culpabilité de n'avoir pu garder et protéger son parent jusqu'au bout, de la honte, voire de l'insupportable d'un parent tellement transformé qu'on ne le reconnaît plus ».

Démences séniles

« Souvent, je rêve d'elle, telle qu'elle était avant sa maladie », écrit Annie Ernaux, à propos de sa mère, dans Je ne suis pas sortie de ma nuit (Gallimard, 1999). Le vieillissement de la population engendre un problème spécifique : la question des démences séniles. On estime que sur 700 000 personnes âgées dépendantes de 70 ans et plus, près de 500 000 en sont atteintes. Le nombre de sujets susceptibles de développer des pathologies mentales va se multiplier par six dans les quarante années à venir. Les démences séniles de type Alzheimer (DSTA) et les autres, comme la maladie de Pick, s'accompagnent toutes d'un vieillissement pathologique avec des troubles de la mémoire, de l'orientation dans l'espace et le temps, du jugement et des perturbations des fonctions symboliques (apraxies, agnosies). Tout cela entraîne une perte d'autonomie, et une prise en charge adaptée s'avère nécessaire.

La devise de l'association France Alzheimer est, à elle seule, significative : « Un malade, c'est toute une famille qui a besoin d'aide. » Car hormis les patients, les familles sont aussi en souffrance avec une culpabilité omniprésente. Enfin, les soignants peuvent eux aussi rencontrer de grandes difficultés lorsqu'ils sont pris en tenaille entre les exigences des familles et les réelles possibilités d'aide thérapeutique, matérielle et humaine. « Les infirmières, les aides-soignants et les auxiliaires de vie sont très exposés. La maladie d'Alzheimer génère beaucoup de réactions de la part des familles qui doivent prendre des décisions très complexes psychiquement. Elles attendent de nous de faire des miracles », explique l'équipe soignante du service de psychiatrie du sujet âgé, à l'hôpital Charles-Foix. L'absence marquée de lieux d'écoute et d'information, de soutien aux familles, d'aide à la décision, de dispositif de médiation familiale et d'accueil de jour, débouche très souvent sur une demande d'hébergement ou une prise en charge à domicile souvent très lourde.

Le patient et l'écosystème

Ce sont souvent les familles qui adressent le patient atteint de pathologies démentielles au corps médical. Troubles du comportement, de l'alimentation, du caractère, de la mémoire, dépression, confusion sont autant de raisons pour une personne âgée de consulter. Et cela concerne autant les jeunes retraités, de 55 à 65 ans, en décompensation dépressive (cap à passer), que les 65-80 ans, dans un état dépressif réactionnel (deuil, changement, peur de vieillir). « Je vais voir les patients chez eux. Cela permet de mieux comprendre ce qui se passe, explique le Dr de Ladoucette, auteur du Guide du bien vieillir (Odile Jacob, 2004). Il est important d'avoir un regard systémique sur la famille du patient et d'essayer de désamorcer les difficultés. C'est l'une des spécificités de la prise en charge du sujet âgé : toujours prendre en compte l'écosystème. » La prescription médicamenteuse est aussi fort délicate.

Sur le bas-côté

Irritabilité, colère, plaintes douloureuses somatiques, troubles de la mémoire ne se transforment pas nécessairement en démence ou en maladie d'Alzheimer. Mais ces maladies sont insuffisamment diagnostiquées et traitées. « Chacune d'elle est unique par la singularité de l'individu qu'elle affecte », souligne le Dr Gallarda, du Centre d'évaluation des troubles psychiques et du vieillissement, à l'hôpital Sainte-Anne, à Paris. « Le moment de la vieillesse s'accompagne d'un départ de la vie active, d'un appauvrissement des fonctions sociales, d'une baisse de la libido. C'est à ce moment-là qu'une personne peut se sentir sur le bas-côté », explique le Dr Bochet, psychiatre et psychanalyste. Il faut savoir repérer une dépression. Les personnes âgées n'échappent pas à la règle. » Les dépressions majeures sont l'une des causes principales de suicide. « Pour le sociologue Émile Durkheim, les taux de suicide ne dépendraient pas tant des histoires individuelles que de l'appartenance sociologique. Cela confirmerait les chiffres français et le fait que nos personnes âgées ne sont pas bien traitées chez nous », soutient le Dr de Ladoucette. Sur les 11 000 suicides enregistrés chaque année, plus de la moitié concernent les personnes âgées de plus de 55 ans. Tout passe de plus en plus vite quand on vieillit : l'inscription dans le corps, la biologie, l'idée de la mort. On est confronté à la solitude, à l'isolement. Pour certains, cela mène à une désolation en face de l'impensable, de l'irreprésentable. Il faut pouvoir parler de cette angoisse et réfléchir à la question du désir de mort. « On voit des personnes âgées qui ont fait une tentative de suicide et qui s'autorisent à vivre après avoir manqué leur acte », commente le Dr Pellerin.

Maltraitance

Autre danger : il n'y a souvent qu'un pas vers la maltraitance des sujets vieillissants. C'est un phénomène mieux connu aujourd'hui, et qui peut être une cause de dépression et de souffrances psychiques. Les conséquences physiques et psychopathologiques des mauvais traitements sont graves. On estime entre 3 et 8 % la prévalence de personnes âgées victimes de maltraitance en France. Le Dr Pellerin, lui, plaide pour une formation des équipes et une meilleure collaboration entre les services médicaux, sociaux et judiciaires. Soulignons que la maltraitance commence lorsqu'on ne donne pas les moyens aux professionnels de soigner dignement les personnes âgées.

Aujourd'hui un certain nombre de réponses sont apportées à ce phénomène : prévention, sanctions légales, mise en place d'un réseau national d'écoute des plaintes (Alma), commissions de conciliation, systèmes de sectorisations gérontologiques pilotées par un assistant social. Mais la maltraitance ne sera combattue efficacement que par la mise en oeuvre d'une réelle politique de formation, familiale, de la vieillesse et de la communication. Il est indispensable de former les urgentistes au diagnostic et à la prise en charge de la maltraitance des personnes âgées et de leur donner des outils de dépistage.

Le désir de vivre

Maintenir le patient à domicile le plus longtemps possible permet de retarder l'institutionnalisation mais aussi de préserver un certain bien-être au sujet, qui vivra mieux ses déficits dans son environnement habituel. Les prises en charge institutionnelles interviennent quand l'entourage n'est plus capable d'assurer le quotidien. Mais c'est tout un système accessible de services ou institutions spécialisés qu'il conviendrait de créer, à l'image par exemple du service de psychiatrie du sujet âgé, à l'hôpital d'Ivry (Val-de-Marne), où le rôle de la prise en charge psychologique prime sur le reste, pour pallier les défenses psychiques et neurologiques et réactiver le désir de vivre. « Nos patients ont besoin de se faire entendre. C'est-à-dire de faire valoir leur identité », explique le Dr Pellerin. Mais actuellement, les hôpitaux sont réservés à la « gestion des crises » et à la mise en place de traitements, tout en restant le pivot de la prise en charge psychiatrique malgré le projet de recentrer les soins et l'accueil dans la communauté. Un lit sur sept a été fermé entre 1997 et 2003, tandis que le nombre de patients consultants en psychiatrie augmente.

Enfin, lorsque la prise en charge à domicile n'est plus possible, les établissements s'imposent comme un relais indispensable pour une prise en charge de qualité des personnes âgées. Il existe trois types d'établissements accueillant des personnes âgées : les maisons de retraite publiques ou privées, les foyers logements, les unités de soins longue durée. Les Ehpad manquent de places spécialisées pour la grande dépendance et les troubles du comportement. Les unités spécialisées pour les déments ne sont le plus souvent pas habilitées à l'aide sociale et le coût est très élevé (jusqu'à 4 000 euros par mois de forfait hébergement en région parisienne) alors que la majorité des demandes de places en Ehpad concernent des déments non suivis présentant d'importants troubles du comportement.

Respect et dignité

L'Association pour la promotion des hôpitaux de jour pour personnes âgées (Aphjpa) regroupe médecins, soignants et cadres des hôpitaux de jour souhaitant participer à cette nouvelle forme d'accompagnement thérapeutique. Elle évite la rupture avec le milieu social pendant la durée des soins, évite ou raccourcit les hospitalisations, permet une graduation des soins, correspond à un soin de proximité et à un besoin entre traitement ambulatoire et hospitalisation complète, est adaptée à la mise en oeuvre de thérapies non médicamenteuses à visée rééducative. « L'hôpital de jour dirigé par le Dr Pellerin à Charles-Foix est une affaire d'organisation et de politique de santé », explique Majid Safouane, psychanalyste à la consultation médico-psychologique du service. Ateliers thérapeutiques, déjeuners partagés avec le Dr Pellerin, échanges avec l'équipe interdisciplinaire sont indissociables des valeurs de respect, de dignité et de citoyenneté.

Autre moyen de communiquer avec le malade âgé, l'art-thérapie est apparentée à la psychanalyse. Elle permet une rupture dans la prise en charge classique de la personne en souffrance psychique en la confrontant à la sensorialité.

Prévenir et rechercher

« Prévenir, c'est un enjeu majeur. Il faut replacer le processus complet du vieillissement dans l'ensemble de l'histoire de la personne », insiste le Dr Florence Quartier, psychiatre, à Genève. Des efforts importants ont été faits ces dernières années, comme le travail de l'Inserm avec son projet portant sur l'impact de dépistage et du diagnostic précoce dans les détériorations cognitives. L'accent a aussi été mis sur la recherche relative aux cellules souches. Il faut noter que la plupart des troubles psychiatriques de la personne âgée commencent avant 50 ans. L'exposition aux événements traumatiques et l'isolement social sont déterminants. Une réflexion en amont devrait être menée sur l'identification des patients avant qu'ils n'expriment ces crises aiguës. Ce problème rejoint celui du diagnostic précoce, de l'insertion dans une filière de prise en charge, du dépistage des patients à risque... et d'apport en amont de la solution au problème spécifique. Et ne pas attendre que le patient soit en situation de crise pour se poser la question de l'organisation de son maintien à domicile : « C'est le parcours de vie qu'il faut prendre en compte. Les événements traumatiques sont parfois très anciens », insiste le sociologue Bernard Ennuyer. Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu'il existe une interaction entre l'insuffisance cardiaque et la fragilité psychique, à côté de laquelle il ne faut pas passer. L'insuffisance cardiaque est une pathologie fréquente du sujet âgé qui est associée à un diagnostic clinique compliqué par une symptomatologie atypique ou difficile à interpréter. S'y associent des comorbidités, comme les troubles cognitifs, les affections de l'appareil locomoteur et des systèmes d'équilibre.

Quelles priorités ?

Il faudrait donc revaloriser les métiers qui touchent à la personne âgée dépendante. D'autant que le soin en gériatrie implique un savoir-faire et un savoir-être particuliers.

Le vécu, les réunions d'équipe et l'interaction entre le personnel, la personne démente et son entourage sont fondamentales. En évaluant une situation psychologique et contextuelle, en posant un diagnostic, le soignant, dans un quotidien « pensé », doit permettre des soins authentiques. La prise en charge des personnes âgées dépendantes psychiquement et physiquement suppose que l'action publique soit pluridisciplinaire : sociale, culturelle et médicale. Les métiers présents aux côtés des personnes âgées en souffrance psychique, la recherche, les dispositifs de financement et l'organisation de la prise en charge doivent tenir compte de cet impératif. Les politiques qui vont être mises en place et le budget qui vont les accompagner seront symptomatiques de ce que la France veut faire pour ses personnes âgées.

Les priorités vont-elles se déplacer ? C'est l'un des défis de nos sociétés contemporaines. Vieillir est une chance, et comme le notait le rapport Boulard en 1991 : « Les personnes âgées ne manquent pas de mémoire ; elles manquent le plus souvent à leur mémoire faute d'avoir trouvé autour d'elles des personnes qui s'intéressent à cette mémoire. »

autonomie

« LA VIE AMÈNE LA VIE »

« J'ai longtemps été infirmière en psychiatrie et je dirige la Villa d'Épidaure de Garches depuis dix-sept ans, raconte Claudette Bouaziz. Cette maison de retraite psycho-gériatrique s'adresse à des personnes désorientées souffrant de troubles neuro-évolutifs ou psychiatriques stabilisés. J'ai beaucoup d'autonomie, ce qui me permet de répandre du plaisir dans ces lieux. Le personnel infirmier connaît bien les pathologies des patients. Nous faisons du cas par cas, en fonction du malade, de ses choix et de ses affinités avec tel ou tel soignant. Si un patient n'est pas lavé un jour, c'est qu'il faut attendre le lendemain... La tolérance à tout niveau est primordiale, comme l'écoute du besoin réel du patient. C'est une question d'éthique. De même, la sécurité des patients est essentielle, mais en faisant en sorte qu'ils puissent se sentir libres. Nous les laissons faire, circuler, bricoler. Si un dossier ou des clefs disparaissent, nous savons généralement où les retrouver. Et si un patient ne veut pas mettre ses chaussures, alors nous le laissons se promener en chaussettes. Ici, la vie amène la vie. »

psychanalyse

LES AÎNÉS AUSSI ?

« Freud avait contre-indiqué un travail psychanalytique pour les personnes de plus de 50 ans, estimant que la densité du vécu empêcherait d'accéder à l'inconscient, raconte Majid Safouane, psychanalyste à l'hôpital Charles-Foix, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). La psychanalyse, elle, s'est adaptée avec le temps et grâce aux apports théoriques. Tant qu'un être est vivant, la communication existe. Quand on travaille ici, dans le service du Dr Pellerin, on a une vue sur l'inconscient à ciel ouvert : l'appareil psychique vole en éclats et laisse voir "la ruine du langage". Tout est désarticulé, c'est l'éclipse du sujet, son effacement. Le dément incarne la mort et sa famille ne le reconnaît plus. Et pourtant, le psychanalyste va écouter en lui sa singularité, jusqu'au bout. En préservant la subjectivité du patient, un lien se crée. Un espace où la vie peut être envisagée, y compris avec les manques. La sollicitation des potentialités psychiques préservées, basée sur la reconnaissance, redonne au sujet un droit de cité. L'objectif, c'est que le patient puisse à nouveau dire "je". »

en chiffres

MALADIE ET AUTONOMIE

> Les maladies neuro-dégénératives (Alzheimer, Parkinson et maladies apparentées) touchent environ 12 % des personnes de plus de 70 ans.

> 850 000 personnes sont actuellement atteintes d'une maladie altérant le fonctionnement du cerveau (dont 45 % surviennent après 85 ans), avec 225 000 nouveaux cas découverts chaque année.

> Un Français sur quatre a au moins un parent touché par une maladie du cerveau. Ces maladies sont à l'origine de 70 % des placements en institution et de 72 % des demandes d'allocation personnalisée à l'autonomie (APA).

> Il existe aujourd'hui en France 87 000 places en services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), 610 000 places en maison de retraite, dont 390 000 en maison de retraite médicalisée.

> 26 % des personnes les plus dépendantes sont prises en charge exclusivement par un proche.

> L'espérance de vie en France est de 83,8 ans pour les femmes et de 76,8 ans pour les hommes.

> L'espérance de vie à la naissance dans le monde est de 82 ans au Japon, 80 ans en France, 72 ans en Chine, 37 ans en Zambie.

A lire

> Le Guide du bien vieillir, Dr Olivier de Ladoucette, Odile Jacob, 2004.

> Rester jeune, c'est dans la tête, Dr Olivier de Ladoucette, Odile Jacob, 2005.

> Mes Parents vieillissent, Dr Agnès Saraux, Bonneton, 2001.

> Un Avenir pour la vieillesse, Pr Panteleimon Giannakopoulos et Dr Florence Quartier, Doin, 2007.

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