Faire tomber les « murs » - L'Infirmière Magazine n° 230 du 01/09/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 230 du 01/09/2007

 

Ligue

Du côté des associations

Créée en 1922 par un psychiatre, la Ligue française pour la santé mentale est à l'origine de la psychiatrie moderne.

La psychiatrie, une discipline tenue à l'écart par l'histoire ? « Édouard Toulouse, psychiatre visionnaire, parvient à désenclaver la psychiatrie en 1922, en créant la Ligue française pour la santé mentale, raconte Nataline Alessandrini, psychologue de formation et directrice de la Ligue depuis 1995. Cette association va lui permettre d'ouvrir le premier service de consultations ambulatoires et d'hospitalisation sans contraintes légales à l'hôpital Sainte-Anne, rapprochant la psychiatrie des autres spécialités médicales. »

incontournable

Tous les grands noms de la psychiatrie moderne se sont succédé à la tête du conseil d'administration de la LFSM, première du genre en Europe : Georges Heuyer, Henry Ey, Jean Delay, Pierre Deniker, Pierre Pichot, Charles Brisset et Eugène Minkowski. Incontournable dans la psychiatrie des années vingt aux années quatre-vingt-dix, la LFSM aborde les problèmes psychosociaux et fait évoluer le cadre législatif lourd de la psychiatrie et de l'hospitalisation des malades. Elle aide à créer la Ligue européenne d'hygiène mentale, le Groupement d'études et de prévention du suicide et l'Unafam.

prévention

Au début des années quatre-vingt, sous la présidence du neuropsychiatre Claude Leroy, la Ligue concentre ses efforts sur l'importance de la prévention en santé mentale, alors que l'association s'était jusqu'alors concentrée sur les soins en psychiatrie. Ce changement de cap engendre des problèmes financiers. Auparavant subventionnée par le ministère de la Santé, la MGEN et la CPAM, la Ligue se heurte au désintérêt de l'État vis-à-vis de la prévention et de la santé mentale. Elle perd ses financements et doit recourir à l'autofinancement généré par ses activités de consultation et de formation.

Défendant la santé mentale face au glissement sémantique et historique qui l'assimile à la psychiatrie, considérant que la santé mentale d'une population ne se réduit pas à la psychopathologie, l'association crée une « Mission santé mentale » en 2002. Elle veut faire de la santé mentale un objectif de santé publique, rapprocher le social et le sanitaire, mais elle manque de moyens et de temps.

alphabétisation

La LFSM compte une centaine de praticiens adhérents et emploie neuf salariés. Ses activités se répartissent selon quatre axes : la prévention des troubles psychiques, la recherche, les actions sur le terrain et la formation. Parmi ses actions, le département « Comportement et communication » a mis en place de nombreuses formations d'alphabétisation, de remise à niveau et de perfectionnement en français. « À la lueur d'interviews menées auprès de responsables d'ATD Quart Monde, il s'est avéré que les décompensations psychiques ont lieu dans les six mois qui suivent l'arrivée en France des migrants et sont dues en partie à l'impossibilité de s'exprimer. » Dès lors, l'association s'est préoccupée de la question de l'intégration et de la mise à niveau de cette population. Elle a aussi conduit une réflexion sur les répercussions du chômage sur la santé physique et mentale, qui a abouti à la création du Bureau de conseil psychologique, première consultation destinée aux demandeurs d'emploi. Pour les victimes de maltraitance, une réorientation est possible vers la consultation spécialisée de l'AFTVS (Association française de thérapie des victimes de violences sexuelles et familiales). Cette consultation de victimologie et de criminologie, créée par le docteur Roland Coutanceau, président de la LFSM depuis 2000, est destinée aux femmes victimes de violences conjugales, et prend aussi en charge les hommes violents dans des groupes de parole.

sensibilisation

Pour rester fidèle à l'article 1 de ses statuts, la LFSM contribue à « l'établissement d'un niveau de santé mentale aussi élevé que possible » en assurant de nombreuses formations et en multipliant les actions de sensibilisation visant à « faire tomber le "mur du silence" autour de la maltraitance, de l'inceste, de la pédophilie ». Organisées à la demande, les formations s'articulent autour des thèmes suivants : « clinique de la famille », « clinique du traumatisme », « clinique de l'enfant » et « clinique de la relation d'aide ».

« trop flou »

En matière d'information, Nataline Alessandrini « regrette que l'on ne puisse pas sensibiliser les pouvoirs publics et l'opinion à la prévention, pour qui cela reste trop flou, surtout pour la maladie mentale, encore largement taboue en France : les médias interrogent bien plus facilement un cancéreux ou un malade du sida qu'un malade mental ». Le prochain colloque organisé par la Ligue se déroulera les 10 et 11 décembre à l'Espace Reuilly à Paris, autour du thème : « L'enfant, l'adolescent... l'adulte et la loi - Éduquer ? Soigner ? Humaniser ? Le petit homme ».

1- LFSM, 11 rue Tronchet, 75008 Paris. Tél. : 01 42 66 20 70.

Internet : http://www.lfsm.org.

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