Désirs en résidence - L'Infirmière Magazine n° 231 du 01/10/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 231 du 01/10/2007

 

sexualité

Dossier

La vie sexuelle des personnes âgées en maisons de retraite médicalisées reste un sujet délicat pour les soignants.

«C'était mes débuts en gérontologie. Je faisais la toilette d'un monsieur, quand celui-ci a eu une érection. J'ai paniqué et je suis partie en l'abandonnant sous la douche, se souvient, encore honteuse, Carole Taoussi, aide-soignante à la Résidence verte, à Sucy-en-Brie (Val-de-Marne). J'avais eu une formation technique, mais on ne m'avait jamais préparée à cette réalité humaine. Au sein du service, je n'ai jamais pu en parler avec mes collègues. C'est encore trop tabou. »

Comme Carole, c'est souvent avec stupeur que le personnel, aides-soignantes en première ligne, découvre lors de ses débuts en gériatrie que l'activité sexuelle des personnes âgées ne s'éteint pas avec l'entrée en institution d'accueil. Lorsque le sujet est abordé entre collègues, c'est généralement avec de la gêne ou des rires. La sexualité des résidents se manifeste pourtant au quotidien, surgissant durant les soins, derrière une porte mal refermée, ou encore au détour d'une plaisanterie un peu osée lancée par un vieux monsieur. Loin du cliché de l'amour tendre entre vieilles personnes, les sexologues nous rappellent que la sexualité « meurt avec la mort » et prend de nouvelles formes au troisième âge. « En vieillissant, les rapports deviennent plus sensuels, mais le corps est encore capable d'entretenir une activité sexuelle et d'atteindre l'orgasme », explique Yvon Dallaire, sexologue canadien, auteur de La Sexualité de l'homme après 50 ans (à paraître en janvier 2008, éd. Jouvence).

Les travaux des Américains William Masters et Virginia Johnson (Human Sexual Response, 1966, puis Human Sexual Inadequacy, 1970) ont montré que les besoins orgasmiques se maintenaient au grand âge et ne disparaissant qu'avec la maladie ou la sénilité. D'après l'étude américaine Multinational Survey of the Aging Male, la fréquence moyenne des rapports sexuels d'un couple âgé de 80 ans est de trois fois par mois, et au-delà de 80 ans, 63 % des hommes et 30 % des femmes continuent d'avoir une activité sexuelle. Grâce à l'arrivée du Viagra®, des hommes qui se croyaient devenus impuissants retrouvent une vie sexuelle active.

Les couples sont encore peu nombreux à entrer ensemble en résidence pour personnes âgées, et tous les établissements ne sont pas en mesure de leur proposer une chambre double. De plus, nombre de couples âgés ne souhaitent plus partager le même lit, en particulier si l'un est malade ou handicapé, et l'autre valide. Deux lits jumeaux ou une chambre séparée et communicante peuvent alors être proposés. Tout ceci n'empêche pas, en établissement comme ailleurs, que de nouvelles idylles se nouent, que des couples se reforment et que les gestes d'affection s'accompagnent de passages à l'acte. Quelles réponses apporter dans un cadre institutionnel aux besoins affectifs et sexuels des personnes âgées ?

En institution, intimité et sexualité sont étroitement liées et souvent sacrifiées au profit du soin et des contraintes du milieu. Reprenant un passage de son ouvrage La Vie en maison de retraite (Albin Michel, 2003), la psychologue Claudine Badey- Rodriguez illustre ce problème : « Un couple faisait beaucoup parler de lui dans mon établissement, le monsieur emmenant régulièrement son amie dans les toilettes de la cafétéria pour avoir des rapports avec elle. Toutes les chambres avaient des portes vitrées : la cafétéria était le seul lieu où les fenêtres étaient obstruées. Le personnel répondait qu'il fallait bien pouvoir les surveiller, au cas où il arriverait quelque chose. »

Concilier sécurité et respect de l'espace privé n'a rien d'évident. La loi sur les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) du 2 janvier 2002 institue la chambre du résident comme un lieu de vie privée, un domicile, où la personne est libre d'agir selon son bon vouloir et où l'on n'entre pas sans autorisation. Mais les portes des chambres ferment rarement à clef, laissant la possibilité aux soignants de faire irruption à tout moment. Attendre la permission avant d'entrer, après avoir frappé, n'est toujours pas inscrit dans les habitudes, notamment parmi le personnel habitué à travailler en milieu hospitalier. « La sexualité est rapide et craintive en institution, même la masturbation, car elle se pratique au risque d'être surpris », remarque Francis Bedd, directeur de la Maison du laurier noble à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

Désir refoulé

Alors que le désir perdure au grand âge, l'absence d'espace et de lieux à soi en résidence ne permet généralement pas de le satisfaire. Et les représentations de la vieillesse contraignent les personnes âgées à se conformer à l'image qu'on attend d'eux. « Les vieilles personnes doivent affronter le jugement de leur entourage, celui des autres résidents, et en dernier lieu le regard qu'elles portent sur elles-mêmes », résume Irène Raharivololona, sexologue et médecin coordonnateur de la résidence Notre maison, à Nancy.

Dans une société qui prône le jeunisme et le culte du corps, attribuant une limite d'âge à la sexualité, les personnes âgées, surtout lorsqu'elles sont malades ou invalides, refoulent et taisent leur désir, renonçant à leur identité d'être sexué. La grande majorité des femmes prétendent ne plus penser à la sexualité, et la masturbation des vieilles dames se vit dans la culpabilité. « Chez les femmes, en particulier, l'impact d'une image du corps négative a des répercussions directes et tout aussi négatives sur l'excitation sexuelle », note Marie-Hélène Corson, directrice d'enseignement en sexologie, dans un article à paraître dans la revue n° 122 de Gérontologie et société.

Attitudes provocantes

Du côté des hommes, si l'arrivée du Viagra® a permis de bousculer les mentalités en prouvant que la sexualité pouvait se poursuivre jusqu'à un âge très avancé, les médecins n'en proposent pas toujours en institution. « J'ai entendu des médecins dire qu'ils n'étaient pas là pour donner du Viagra® à des vieillards », rapporte Francis Bedd. Privés d'espaces de parole pour dire leurs besoins, écrasés par un sentiment de dévalorisation, les résidents vont affirmer par des attitudes provocantes le fait d'être encore des hommes. Et, chez les résidents des deux sexes, va se développer un langage du corps laissant transparaître des plaintes somatiques. Ou alors, un monsieur désorienté se trompera systématiquement de chambre en rentrant se coucher. Mais, comme par hasard, il n'entrera que chez des dames !

Un droit comme un autre

En renvoyant à l'image de nos parents vieillissants ou de nos grands-parents, la sexualité du troisième âge reste mal acceptée et continue à déranger, même en milieu professionnel. « Faire accepter que la sexualité puisse être un droit comme un autre en résidence est encore un combat de tous les jours, rappelle Denis Lhuillier, directeur de l'établissement Notre maison, à Nancy. J'entends que "ça ne se fait pas" ou que "tous les messieurs sont des vicieux ou des violeurs potentiels, et les dames des victimes." » Des fantasmes contre lesquels ce professionnel de la santé s'insurge : « Notre projet de vie a pour valeur de fond le respect de la liberté de choix des résidents, de leur vie privée, y compris affective et sexuelle, souligne-t-il. Pourquoi l'entrée en établissement devrait-elle être une rupture par rapport à l'extérieur ? »

La commission Droits et libertés de la Fondation nationale de gérontologie rappelle dans l'article IV de sa charte que « la vie affective existe toujours et la vie sexuelle se maintient au grand âge. Il faut les respecter. » En filigrane, la charte des droits et libertés de la personne dépendante mentionne le respect de la vie affective et sexuelle, indiquant qu'« une personne âgée doit être protégée des actions visant à la séparer d'un tiers ». Mais le respect du droit à une vie affective et sexuelle épanouie en institution est avant tout politique et doit être insufflé à toute l'équipe par la direction, en l'inscrivant par exemple dans le projet d'établissement et le livret d'accueil. Certains directeurs, avec l'accord des résidants, vont jusqu'à programmer des films érotiques ou inclure, comme cela se fait au Danemark (lire l'encadré ci-dessus), des films pornographiques dans la vidéothèque de leur institution.

Dérision

Sans réponse professionnelle, le personnel se trouve souvent seul et très démuni face à ces questions. Infirmière dans un Ehpad de Nevers, Jacqueline Gueniffet a participé à une journée de formation sur le thème « Droit à l'intimité et à l'expression de la sexualité », organisée par l'association Les Petits Frères des pauvres. Elle s'y est inscrite afin de mieux répondre et se positionner face aux sarcasmes de ses collègues. « Je travaille avec des soignantes plus jeunes qui réagissent par l'ironie, réprimandent ou séparent les résidents, rapporte-t-elle. Chez nous, la sexualité des pensionnaires reste un tabou, et on n'en parle que sur le mode de la dérision. » En se retrouvant face à une situation à connotation sexuelle, le jugement moral peut se substituer au professionnalisme, comme pour se protéger soi-même. « Ces situations sont autant d'échos intimes de notre propre histoire, des valeurs qu'on nous a transmises et du rapport à notre propre corps et à notre sexualité », note la psychologue Claudine Badey-Rodriguez.

Désinhibition

Dans l'établissement dont Emmanuelle Conreau(1) est directrice adjointe, une résidente entourée de nombreux hommes suscite la désapprobation d'une partie du personnel : « L'un des messieurs est son partenaire officiel et son amant la nuit, un autre lui fait ses courses, l'autre arrose ses plantes... Certains trouvent que cela fait bordel. Pourtant ils ne font rien de mal et ne s'exhibent pas ! »

Mal acceptées par les familles et déstabilisantes pour le personnel soignant, les relations homosexuelles nouées sur le tard sont également observées par de nombreux professionnels de la gériatrie. Les vieilles dames démentes notamment, désinhibées par la maladie, ne cachent plus leur attirance pour d'autres femmes. Une formatrice et consultante en gérontologie se souvient du rejet qu'avait provoqué la liaison entre deux bonnes soeurs dans un établissement où elle intervenait. « Une violence psychologique s'exerçait au sein de la résidence. Elles brisaient un double interdit, religieux et sexuel. J'ai dû leur faire entendre que ce n'était pas aux soignants de dire aux gens comment ils devaient vivre. » Couples séparés, moqueries, tape sur le sexe en érection d'un monsieur en lui demandant ce qui lui prend... Le rejet peut aller parfois jusqu'à la maltraitance lorsque le soignant se trouve livré à lui-même et cède à des préjugés moraux, religieux ou sociaux.

Faut-il intervenir ?

Les soignants ayant travaillé en institution auprès de jeunes handicapés - où les questions liées à la sexualité sont systématiquement soulevées - s'étonnent que ce chapitre soit ainsi éludé en maison de retraite : « On parle beaucoup d'hygiène, mais très peu de vie sexuelle avec le personnel, déplore Étienne Hervieux, directeur de l'accompagnement des personnes malades chez les Petits Frères des pauvres. Or, les soignantes sont témoins de plein de choses dans les chambres, qu'elles gardent pour elles. Les jeunes qui font la toilette, notamment, sont en souffrance. Leurs collègues plus âgées se contentent de leur répondre que cela va passer. » Prenant conscience du déficit de paroles échangées sur le sujet, des établissements pionniers ont créé des groupes de discussion où le personnel est invité à venir s'exprimer. Car aborder ces questions en équipe, dialoguer, entendre les arguments des uns et des autres - et notamment les soupçons de contrainte - est une démarche essentielle permettant de désamorcer les situations de malaise.

Les personnes désorientées ou handicapées peuvent être victimes d'individus mal intentionnés, dont elles doivent être protégées. Chaque situation doit donc être questionnée afin d'évaluer si toutes les personnes impliquées dans une relation affective sont bien consentantes. Biolo Meta, cadre de santé au sein de la maison Lumières d'automne, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) a dû ainsi séparer un couple. « Une de nos résidentes est malvoyante, elle était toujours accompagnée d'un monsieur que l'on trouve un peu chaud. Un jour nous avons demandé à la dame : "Vous aimez bien monsieur Untel ?" "Ah bon, vous croyez ?", nous a-t-elle répondu. "Il n'y a que lui qui m'aide, alors je suis bien obligée de me laisser faire..." Nous avons aussitôt éloigné le monsieur. »

Face à des pensionnaires atteints de dégénérescence cérébrale et de troubles du comportement, les soignants se demandent dans quelles circonstances il est de leur devoir d'intervenir. Si l'exhibitionnisme sur un lieu public (parc, salle commune...) peut nécessiter un rappel à l'ordre, il n'a pas toujours une connotation sexuelle chez les personnes désorientées : un monsieur peut se déshabiller parce qu'il a chaud, une dame peut relever ses jupes car elle veut aller aux toilettes...

La famille en porte-à-faux

Des personnes atteintes par la maladie d'Alzheimer peuvent voir leurs besoins sexuels augmenter sans plus ressentir d'interdits, certaines personnes se détournant d'un époux qu'elles ne reconnaissent plus, pour rechercher la compagnie d'un autre partenaire. Faut-il alors les éloigner ? Le rôle du personnel encadrant est d'être attentif afin de prévenir tout abus, jamais de s'ériger en censeur cherchant à séparer des gens. Notamment gênés ou choqués par les relations extraconjugales, les membres du personnel peuvent ressentir l'obligation morale de prévenir époux ou enfants lorsqu'une relation se noue. « Les familles réagissent souvent très mal et demandent même à ce qu'on intervienne pour séparer les personnes, certains enfants y voyant un préjudice financier. » Pour Francis Bedd, « tant qu'il n'y a pas de violence, il n'est pas question de prévenir les familles ».

Si certains établissements choisissent de protéger la vie privée et les choix de leurs résidents, d'autres réagissent au cas par cas. « Généralement il y a débat avec le personnel avant de prendre une décision, précise Denis Lhuillier. Nous avons deux hommes d'un âge avancé, par exemple, qui entretiennent une relation. Il était délicat de prévenir leurs enfants. Mais le couple s'affichait et ne souhaitait visiblement pas garder cette relation secrète, sans toutefois oser en parler à leur entourage. Nous avons apporté un soulagement en évoquant la situation avec leurs enfants. Dans la vie normale, la famille est informée par le voisinage ou l'entourage, pourquoi en serait-il autrement en résidence ? »

Jusqu'au seuil de la mort, les pensionnaires doivent être reconnus comme des êtres adultes et sexués. À ce titre, la toilette, pendant laquelle peuvent s'éveiller les sens, est un moment particulièrement délicat pour les aides-soignantes. « Afin d'éviter des remarques telles que "c'est la bonne hauteur, tu peux continuer !", on joue beaucoup sur la position du soignant, en évitant de mettre sa tête devant le sexe, par exemple », indique Emmanuelle Conreau.

Positionnement du soignant

Si un comportement inadéquat se manifeste - érection par exemple -, se concentrer sur une conversation banale permet d'évacuer l'embarras créé des deux côtés par la situation. Face à un monsieur qui se masturberait, par contre, il est nécessaire de rappeler qu'on est là pour un soin. Si les propositions directes de rapports sexuels sont rares, les pensionnaires s'essaient parfois au flirt avec les employées. Dissimulées sous des plaisanteries ou des comportements déplacés, se cachent des préoccupations affectives qui doivent être entendues. Les compliments en réponse, s'ils n'encouragent à rien, ne sont pas inadaptés puisqu'ils replacent le résident dans son identité d'homme sexué.

Quand la situation va trop loin cependant, mieux vaut passer alors le relais à une collègue plutôt que de tomber dans la maltraitance. « C'est difficile d'être à la fois chaleureux, humain et savoir poser des limites, reconnaît la psychologue Claudine Badey-Rodriguez. On travaille dans un milieu particulier, avec des individus fragilisés qui continuent d'avoir des besoins. Il est important de les entendre, de ne pas occulter une souffrance. Sans être dans l'entretien d'un rêve. » Dans son livre, elle raconte qu'une employée ne pensant pas à mal avait offert à un résident une photo d'elle. Celui-ci, très amoureux, guettait les moindres faits et gestes de la jeune fille et espérait l'épouser. Blessé, le résident manifesta ensuite des tendances suicidaires.

Le cas de figure inverse est aussi observé : le fait de tomber amoureux, de nourrir des fantasmes ou de rentrer dans une relation affective avec un membre du personnel comble un vide affectif et aide des résidents à sortir de leur état dépressif. « Lors de notre formation, on nous apprend qu'être un bon professionnel, c'est conserver une distance. Je crois pour ma part qu'il faut adopter une proximité adaptée qui ne crée pas de confusion : nous ne sommes ni les enfants, ni les partenaires sexuels potentiels des résidents. Mais considérer que l'affectif ne nous regarde pas et ne relève que de la famille, c'est négliger une part importante de notre travail social », considère Juan Vasquez, psychologue à la résidence Cité verte, où s'est monté un groupe de réflexion sur le respect de la vie affective et sexuelle en établissement.

Réconciliation

À l'institution Notre maison, à Nancy, petits mots et clins d'oeil circulent entre résidents. « Les femmes redeviennent coquettes et des couples se reforment, faisant de nous leurs complices », rapporte Irène Raharivololona, médecin coordonnateur de l'établissement. « On observe que les résidents qui sont amoureux se débarrassent de leur tristesse, reprennent du tonus et demandent moins de médicaments. Les couples s'entraident et sont plus indépendants. » « Une personne âgée a besoin de tendresse et d'affection, d'être touchée, cajolée pour se sentir vivante », souligne Marina Bresson, une formatrice animant un stage intitulé « Besoins affectifs et sexualité des personnes âgées ».

La résidence Notre maison, qui propose à son personnel des formations sur le toucher relationnel, a décidé de l'étendre aux résidents cette année. Au sein de la Résidence verte, c'est un atelier massage qui a été créé. « La personne âgée n'est plus touchée que pour des soins techniques, regrette Juan Vasquez. La toilette en est un exemple. Utiliser des gants durant tout le soin, comme à l'hôpital, c'est mettre une distance entre soi et la personne âgée, comme si ce corps ne pouvait plus être touché. » Car la toilette n'est pas simplement un soin d'hygiène, c'est aussi un moment émotionnel durant lequel les sens sont stimulés, où la personne âgée retrouve son identité et se réconcilie avec son corps.

(I) Emmanuelle Conreau est aussi l'auteur d'un mémoire de DU intitulé Sentiments, sexualité de la personne âgée en institution. Parlons-en !

témoignage

«RENONCER À L'IMPOSSIBLE»

« J'ai rêvé de ce jeune homme qui m'avait fait la toilette, je l'ai désiré mais je me suis dit que ce n'était pas possible de l'avoir parce que je suis trop vieille. Bien sûr, les personnes âgées hospitalisées ont des désirs sexuels, exactement comme le personnel, comme les jeunes, avec la même vigueur, le même désespoir, le même manque. On peut parler de désespoir parce qu'il y a aussi la question de la personne âgée hospitalisée qui a un peu honte de tout ce qu'elle désire et qui ne se permet pas de pousser ses désirs très loin jusqu'à les réaliser, surtout si ce désir est conditionné par la présence d'un jeune soignant. C'est rare qu'elle arrive à les réaliser et ceci n'est pas de son fait. C'est impensable d'ailleurs, dans un hôpital, qu'une personne âgée puisse faire l'amour avec un jeune, vraiment impensable ; la sagesse de l'âge joue un rôle à ce moment-là et nous insuffle le courage de renoncer à ce qui est impossible. »

Témoignage d'une dame de 88 ans, extrait du numéro 82 de la revue Gérontologie et société.

à l'étranger

« CHAMBRES D'INTIMITÉ »

En Allemagne, des associations ont fait l'actualité en avril dernier en invitant des prostituées à se reconvertir pour apporter « des soins » en maisons de retraite.

Des établissements de l'État de Victoria, dans le sud-est de l'Australie, font appel depuis des années aux services de prostituées pour leurs résidents âgés. Certains établissements australiens auraient même mis en place des salles réservées à cet effet. Sur le même principe, des « chambres d'intimité » sont expérimentées dans des centres québécois, des personnes handicapées pouvant réserver un lieu doté d'un lit médicalisé pour y faire l'amour avec le partenaire de leur choix.

En France, un établissement qui organiserait la venue d'une professionnelle du sexe pourrait être condamné pour proxénétisme. Au Danemark, certains établissements ont trouvé un moyen de contourner la loi en permettant des rencontres entre patients et prostituées en hôtel ; quand d'autres institutions danoises proposent des cassettes pornographiques ou des plaquettes « Ne pas déranger » à accrocher sur les portes des chambres.

À lire

> Besoins affectifs et sexualité des personnes âgées en institution : le savoir et le "comment faire" face à un tabou, Lucette Holstensson et Marie-Odile Rioufol, édition Masson, 2000.

> Gérontologie et société n° 82 (1997) : « Sexualité en institution gériatrique et formation du personnel », par René Laforestrie et Caroline Geoffre ; « Les Mots des soignants pour dire la sexualité des vieux », par Monique Durieux.

formation

DE TIMIDES AVANCÉES

À l'exception de certains diplômes universitaires de gérontologie, comme ceux de Lyon ou de Reims, la question de la sexualité des personnes âgées reste absente des cursus d'étude des professions médico-sociales. Dans la plupart des Ifsi, qui font référence aux 14 besoins fondamentaux de Virginia Henderson, la sexualité est rattachée au besoin de communiquer avec ses semblables (même si l'auteur elle-même n'y faisait pas référence).

Mais les Ifsi en restent là et n'intègrent pas de modules sur la sexualité dans leur programme. Preuve cependant que le monde médico-social commence à bouger sur ce point, certains établissements de formation invitent désormais des intervenants à aborder ces questions. « Pour ces futurs professionnels de la santé, c'est une énorme surprise d'apprendre que les personnes âgées continuent d'avoir une sexualité », note Lucette Holstensson, formatrice. De même, de plus en plus d'organismes de formation continue intègrent aujourd'hui un volet sur les besoins affectifs et sexuels de la personne âgée.

Contacts

> Bresson Formation Conseil, formation de trois jours : « Besoins affectifs et sexualité des personnes âgées », Tél. : 01 42 94 80 56, Mél. : marina.bresson @libertysurf.fr

> La Cité verte, Tél. : 01 55 12 17 20.

> Lucette Holstensson, cadre infirmier intervenant en formation initiale en Ifsi. Tél. : 03 44 53 67 04. lucettehol@wanadoo.fr.

> Dominique Lopez, sexothérapeute intervenant en maisons de retraite dans le Sud-Ouest, Tél. : 05 63 59 96 79, dominiquelopez@free.fr.

Articles de la même rubrique d'un même numéro