Le devoir de réserve - L'Infirmière Magazine n° 231 du 01/10/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 231 du 01/10/2007

 

Liberté d'expression

Juridique

Le devoir de réserve oblige les fonctionnaires à exprimer leurs opinions de façon prudente et mesurée. L'obligation est proportionnelle à la position hiérarchique de l'agent public.

L'infirmière, agent public, est tenue à un certain nombre de devoirs liés à son statut de fonctionnaire. Ainsi, la déontologie administrative suppose le respect d'obligations par l'infirmière dans l'exercice de ses fonctions, mais aussi dans la façon de se comporter dans sa vie privée.

libre expression

Conformément à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». La liberté d'expression peut donc être définie comme le droit d'exprimer librement sa pensée. Elle est le prolongement naturel de la liberté d'opinion, elle-même garantie aux fonctionnaires à l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983.

L'infirmière hospitalière, comme tout fonctionnaire, est soumise à l'obligation générale de servir, ce qui suppose de sa part un exercice personnel, continu et désintéressé de ses fonctions. Par ailleurs, la fonction publique hospitalière suppose le respect d'un certain nombre d'obligations liées à la morale professionnelle, avec notamment les obligations de loyauté, de neutralité, de réserve, de discrétion professionnelle et bien évidemment, de secret professionnel.

Selon l'article 26 alinéa 2 du titre I du statut de la fonction publique, « les fonctionnaires doivent faire preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions [...] et ne peuvent être déliés de cette obligation de discrétion que par décision expresse de l'autorité dont ils relèvent ».

L'obligation de discrétion professionnelle se rapproche ainsi de l'obligation pénale de secret, lorsque le but est de protéger les tiers et notamment les malades. Néanmoins, l'obligation de discrétion vise aussi, contrairement à l'obligation de secret, à protéger l'administration. Notons d'ailleurs que seul le patient, et en aucun cas l'établissement, peut lever l'obligation de secret.

limite déontologique

L'obligation de réserve constitue la limite déontologique à la liberté d'expression du fonctionnaire en dehors du service.

Il s'agit plus concrètement de ne pas se livrer au dénigrement de l'établissement de soins. Selon la formule retenue par les juges, « un fonctionnaire viole son obligation de réserve lorsque l'expression de ses opinions est de nature à compromettre le bon fonctionnement du service ». Ainsi et au sens strict, le devoir de réserve ne concerne que les opinions émises en dehors de l'exercice des fonctions.

Évidemment, l'obligation de réserve se trouve atténuée lorsque l'agent exerce un mandat syndical, qui suppose une liberté d'expression relative.

On se souvient de cette infirmière hospitalière dans le département de l'Essonne, qui avait dénoncé en 2004, à visage découvert dans Le Parisien, les conditions de travail du personnel et l'insécurité qui en découlait pour les patients. Elle fut d'abord mise à pied et menacée de licenciement par l'établissement. Le personnel avait dû se mettre en grève pour tenter de faire annuler l'avertissement finalement retenu à son encontre.

Non loin de l'obligation de réserve, on peut évoquer l'obligation de neutralité qui concerne tous les fonctionnaires. Cette obligation est un principe de valeur constitutionnelle qui s'impose à tout agent public relevant de la fonction publique d'État, territoriale, ou hospitalière. Elle suppose que tout fonctionnaire doive assurer sa mission de service public de manière neutre et laïque.

neutralité

Les fonctionnaires hospitaliers doivent impérativement éviter toute marque distinctive de nature philosophique, religieuse ou politique. Ainsi, l'infirmière qui ferait du prosélytisme pour une secte ou une appartenance religieuse pendant son service violerait son devoir de neutralité, et serait passible de sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu'à la révocation de l'agent.

Le devoir de réserve imposé à tout fonctionnaire résulte d'un nécessaire équilibre entre la liberté d'expression et les exigences du service public. Si le fonctionnaire dispose d'une liberté d'expression et d'une certaine indépendance, son statut l'oblige à une certaine réserve dans l'exercice de cette liberté. Ces deux exigences sont aujourd'hui de plus en plus difficilement conciliables au vu des conditions de travail imposées au personnel hospitalier. Les cadences et le manque de personnel conduisent à des situations parfois dangereuses qui, dans l'intérêt des patients, doivent être dénoncées, mais dans l'intérêt du service public, sont couvertes par le devoir de réserve.

À RETENIR

> Le devoir de réserve imposé au fonctionnaire résulte d'un nécessaire équilibre entre la liberté d'expression et les exigences du service public.

> Les conditions de travail menacent cet équilibre lorsqu'elles se dégradent.

> Les fonctionnaires hospitaliers doivent impérativement éviter toute marque distinctive de nature philosophique, religieuse ou politique.

> L'obligation de réserve se trouve atténuée lorsque l'agent exerce un mandat syndical.

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