Les patients témoignent - L'Infirmière Magazine n° 231 du 01/10/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 231 du 01/10/2007

 

hygiène

Conduites à tenir

Les infections nosocomiales sont la première cause d'inquiétude des patients hospitalisés. Dans les services, l'information est parfois donnée au compte-goutte.

SONDAGE

En janvier 2006, l'institut de sondage Ipsos a interrogé un échantillon représentatif de 502 Français, âgés d'au moins 15 ans, à propos des infections nosocomiales. Voici quelques résultats.

Les risques d'infection constituent l'élément qui inquiète le plus les Français dans le cadre d'une hospitalisation (73 %), devant les erreurs médicales (67 %) et la découverte d'une autre maladie à l'occasion de cette hospitalisation (62 %). Les professionnels de santé pensent que c'est l'anesthésie (75 %) qui inquiète le plus leurs patients, devant le risque d'infection (59 %) et la découverte d'une autre maladie (57 %). Il existe donc un décalage entre le grand public et les professionnels de santé dans la hiérarchie des inquiétudes des Français.

42 % des Français associent spontanément le mot « nosocomial » aux infections que l'on peut contracter à l'hôpital. Cependant, les trois quarts de l'échantillon se sentent mal informés sur ces infections.

À 96 %, les personnes interrogées estiment que l'hygiène est le principal moyen de diminuer le risque d'infections nosocomiales. Pour 73 %, « on peut mourir d'une infection nosocomiale ». Pour 61 %, plus la durée d'hospitalisation est longue, plus le risque de contracter une infection nosocomiale augmente. Et enfin, pour 58 %, les infections nosocomiales constituent le principal danger lié à la fréquentation des hôpitaux.

Exemplaires, les témoignages recueillis permettent notamment de mesurer l'importance de l'information délivrée aux patients.

DOUBLEMENT VICTIME DU STAPHYLOCOQUE DORÉ

« Dans les instituts de formation des infirmières, les cours devraient insister sur l'hygiène, estime Bernard. En dix ans, j'ai passé 300 jours à l'hôpital et pris 39 sortes d'antibiotiques. J'ai été opéré à trois reprises du nez. C'est à la suite de la quatrième opération, en 1998, que j'ai contracté une infection. L'état des chambres était déplorable et les principes d'hygiène de base manquaient chez les internes, les médecins, et les professeurs aussi : on était revenu à l'hôpital du temps de Zola. C'est inadmissible de voir que les professeurs ne se lavent pas les mains. Après cette opération des sinus, alors que je mouchais du sang et du pus, j'ai été renvoyé à la maison. De retour à l'hôpital, huit jours après l'intervention, il m'a été dit que c'était normal et je suis donc reparti avec du Doliprane®. Cela continuait à empirer de jour en jour. J'ai pris l'initiative de me rendre dans un laboratoire d'analyse. Résultat : une infection de staphylocoques dorés. Je suis alors retourné à l'hôpital : on m'a expliqué que ces germes appartenaient à la flore naturelle. Les médecins ont admis qu'il s'agissait bien d'une infection, mais jamais le mot "nosocomial" n'a été prononcé. Finalement, les staphylocoques ont provoqué une gangrène de la mâchoire. Ce que je ne supporte pas, c'est d'avoir été pris pour un con. Les médecins ont bien vu qu'il y avait une infection puisqu'il y avait du pus. Pourtant, quand je leur téléphonais pour dire mon inquiétude, ils s'obstinaient à me conseiller un lavage du nez au sérum physiologique. Ensuite, entre 1999 et 2004, chaque mois, je retournais dans un service de médecine interne pour recevoir des perfusions d'antibiotiques et être pris en charge pour une maladie de Wegener. J'ai vraiment l'impression d'avoir été un cobaye. En 2004, lors d'une opération du pancréas, j'ai de nouveau été infecté par la même souche qu'en 1998. Je suis doublement victime du staphylocoque doré. Aujourd'hui, je me bats pour que les patients aient accès à l'information. »

ABERRATIONS

« Alors que j'étais hospitalisée depuis le 1er juin, la surveillante générale m'a annoncé le 13 juin ma mise en isolement à cause d'un germe, raconte Françoise. Selon elle, je n'avais pas à m'inquiéter puisqu'il ne s'agissait pas du staphylocoque doré. Malgré mes demandes répétées auprès des chirurgiens, des anesthésistes et de la surveillante générale, je n'ai jamais su ce que j'avais jusqu'à la fin de mon hospitalisation. Aujourd'hui, je ne trouve pas de mot pour décrire le cynisme et le laconisme des chirurgiens, ainsi que la pression qu'ils ont exercée pour que les infirmières se taisent. Mais j'ai tout de même résisté moralement et ai continué à poser des questions qui les dérangeaient. Les chirurgiens refusaient de me parler. J'étais très consciente que mon état déclinait. Un jour, une infirmière m'a tendu une feuille pour que j'y note, à l'intention du chirurgien, les questions que je me posais. C'était sa façon à elle, qui ne pouvait rien dire, de m'aider. Mais le fait de tendre un stylo n'excuse en rien le manque total d'hygiène que j'ai connu pendant mon isolement. Les infirmières ne se lavaient pas les mains et ne venaient pas changer mon pansement à l'heure voulue. La même surblouse jetable servait pour toutes les équipes pendant plusieurs jours, accrochée à l'entrée, sur un pied de perfusion. Des draps souillés ont été laissés dans la salle de bain pendant trois semaines. Des seringues remplies de pus et des poches contenant les matières fécales restaient deux à trois jours dans des sacs poubelles à l'intérieur de ma chambre. J'ai vécu toutes ces aberrations, alors que les infirmières rappelaient à mon mari les règles d'hygiène strictes auxquelles il devait se conformer. Ce n'est que quelques mois plus tard, à la lecture de mon dossier médical à l'occasion d'un contrôle de l'Assurance maladie, que j'ai appris que j'avais contracté une infection nosocomiale, avec cinq germes, et que le chirurgien avait procédé à l'ablation d'une trompe et d'un ovaire sans m'en informer. »