« Ne pas culpabiliser l'enfant » - L'Infirmière Magazine n° 232 du 01/11/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 232 du 01/11/2007

 

Énurésie

Questions à

Pour le docteur Philippe, la meilleure façon d'aider les enfants qui souffrent d'énurésie est de les responsabiliser, en leur apprenant à contrôler leur corps.

Qu'est-ce que l'énurésie ?

On distingue deux types d'énurésie. L'une est primaire, et concerne les enfants qui n'ont jamais cessé de faire pipi au lit. L'autre est secondaire, et touche ceux qui recommencent à mouiller leur lit alors qu'ils étaient complètement propres la nuit, depuis au moins six mois.

Touche-t-elle beaucoup d'enfants ?

On estime que plus de 450 000 petits Français de 5 à 6 ans font pipi en dormant, soit 15 à 20 % de leur tranche d'âge. 70 % des enfants énurétiques sont des garçons et 30 % des filles. Encore 8 à 10 % des 8-10 ans sont concernés. À 15 ans, ils ne sont plus que 1 à 2 %. Malgré sa fréquence, le sujet reste tabou pour les parents, qui n'osent pas toujours demander de l'aide à un médecin...

Connaît-on les causes de ce mal ?

Elles restent difficiles à cerner. Une partie des médecins pensent qu'il s'agit d'une maladie et prescrivent des médicaments pour déculpabiliser l'enfant. Je ne partage pas ce point de vue. Dire à l'enfant qu'il est malade peut l'inquiéter encore plus. Je dis souvent que je soigne l'enfant énurétique, et non pas juste son énurésie.

Cependant, il ne faut pas nier qu'un diabète ou une maladie rénale puissent en être la cause. Il faut donc toujours dire aux parents de consulter un médecin. Certaines causes, telles qu'une production importante d'urine la nuit, un réveil difficile, une vessie hyperactive, sont avancées pour expliquer cette énurésie et sont souvent intriquées.

Pensez-vous qu'une part du problème soit dans la tête ?

Bien entendu, le facteur psychologique ne doit pas être négligé, tant dans la genèse de l'énurésie que dans son retentissement. C'est évident pour les enfants qui recommencent à mouiller leur lit lors de périodes traumatisantes : déménagement, divorce, naissance d'un petit frère, difficultés scolaires, hospitalisation, etc. Cela peut aussi s'expliquer par le plaisir inconscient qu'a l'enfant de voir sa mère s'occuper particulièrement de lui : lui changer ses draps, nettoyer ses fesses, changer sa couche, tous les jours. Cette régression est nécessaire pour que l'enfant ne s'effondre pas.

Observez-vous des conséquences pour l'enfant et sa famille ?

Oui, et elles sont importantes. Elles expliquent aussi les troubles psychologiques générés par l'énurésie. Celle-ci a un retentissement sur la vie relationnelle et sociale de l'enfant. Ces enfants ont souvent honte ; ils se sentent coupables d'une faute qu'ils n'ont pas commise, de par ses conséquences qui sont gênantes. Mais la souffrance de l'enfant dépend aussi du climat familial : certains parents humilient leurs enfants, les grondent, car ils ne supportent plus de laver les draps chaque jour et de vivre dans une odeur d'urine...

Êtes-vous pour l'emploi des « couches » ?

C'est un grand débat ! Je ne suis pas contre, particulièrement si l'enfant dort mal parce que son lit est trempé. Et surtout si cela lui permet de participer à certaines activités hors de la maison (classes de découvertes, colonies de vacances, famille...). Je propose toujours aux parents de le laisser choisir. Je ne parle d'ailleurs plus de « couches » à cet âge, mais de « culotte de nuit » ou de « protection ». L'important, c'est qu'il se gère tout seul ! Eh puis, je remarque qu'avec ce système, les parents se plaignent moins et que l'enfant est plus serein. Et quand on ne parle plus de lessive, on recommence à parler de l'enfant !

Alors, existe-t-il des solutions ?

La première chose, c'est de ne jamais empêcher l'enfant de boire et d'aller faire pipi quand il en a besoin, même à l'école, car cela risque d'aggraver les troubles mictionnels et l'énurésie. De même qu'on ne le torture pas en le réveillant la nuit pour faire pipi... Le sommeil de l'enfant doit toujours être respecté. Il faut dédramatiser et responsabiliser. Je dis toujours à l'enfant que ce n'est pas grave, mais que si ça le gène et s'il le désire, cela peut changer car c'est lui, finalement, qui détient la solution à son problème ! Je donne des missions à l'enfant et aux parents : chacun les siennes.

En outre, avant de parler « pipi au lit » à l'enfant, je lui explique ce qu'est l'urine, à quoi servent les reins et la vessie... Je lui apprends à contrôler son corps en faisant le lien entre son cerveau et sa vessie. En définitive, je constate qu'en rendant l'enfant acteur et responsable de son traitement, l'énurésie finit par disparaître.

Contact : christophe.philippe@avc.aphp.fr

À lire : « Soigner l'enfant énurétique sans en faire une maladie », Christophe Philippe et al., in Médecine et enfance, vol. 27, n° 3, mars 2007, p. 139-146.

Christophe Philippe Pédiatre, spécialiste de l'énurésie

Le docteur Philippe assure une consultation spécialisée dans la prise en charge de l'énurésie et des troubles mictionnels de l'enfant à l'hôpital Louis-Mourier de Colombes (Hauts-de-Seine). Il s'intéresse également aux maladies rénales de l'enfant.