Sur la voix de la guérison - L'Infirmière Magazine n° 232 du 01/11/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 232 du 01/11/2007

 

Nadia Pézeril

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Rencontre avec

De chambre en chambre, munie de son « chariot musical », Nadia Pézeril fait chanter et danser les enfants du CHU d'Angers. Et sensibilise ses collègues aux bienfaits thérapeutiques de la guitare et du djembé.

Derrière son chariot digne d'une femme-orchestre tant il contient d'instruments de musique, Nadia Pézeril, infirmière de son état, va aux nouvelles en parcourant le couloir du service de chirurgie pédiatrique. Elle passe la tête à chaque porte, interpelle les enfants : « As-tu envie de venir jouer de la musique avec moi ce matin ? » Les agents d'entretien croisent les infirmières et aides-soignantes. Des parents sont auprès de leur enfant. On se rencontre dans le couloir décoré par les dessins d'enfants, on se relaie dans les chambres. Le temps n'est pas vraiment propice à une parenthèse musicale.

«détournement de préoccupations »

Pourtant, parce que Nadia Pézeril est infirmière, qu'elle travaille dans ce service depuis plus de vingt ans et, surtout, parce que la musique est pour elle une seconde nature, cette grande femme énergique au regard clair réussit à créer un moment à part. Où soignante et musicienne ne font plus qu'une. « Quand un enfant me propose, pendant une piqûre ou une toilette, que l'on rechante ensemble la chanson entonnée la veille en séance musicale, je me dis : "J'ai réussi !" », raconte Nadia Pézeril, qui use d'une belle expression pour qualifier sa démarche : « un détournement de préoccupations ».

bâton de pluie

Ce matin-là, comme c'est le cas depuis dix ans à raison d'une fois par mois au deuxième étage du bâtiment Robert-Debré du CHU d'Angers, Nadia s'adapte au contexte. Mathéo et Aaron, deux jeunes garçons hospitalisés dans la même chambre, accueillent le duo composé par l'infirmière et l'éducateur de jeunes enfants, ce jour-là Matthieu Bizet. Nadia va faire leur connaissance, car elle ne travaillait pas les jours précédents. Une « séance de jeux instrumentaux et de chant » va pouvoir commencer.

« Voulez-vous que je vous montre les instruments que j'ai apportés avec moi ou simplement que l'on chante ? », demande Nadia. Aaron dit qu'il a un bâton de pluie chez lui. Nadia en a un, justement. Raison de plus pour le lui mettre dans les mains.

éléphants et girafes

La conversation se prolonge. L'infirmière mélomane sort des appeaux de son « chariot musical » ; on imite le coucou. Mathéo, allongé le long de sa maman sur son lit, entre peu à peu dans le jeu. Nadia sort alors l'artillerie lourde : les djembés et autres percussions. Malgré le pansement qui lui entoure la main droite, Aaron tape sur le djembé, au rythme des pas d'éléphants et de girafes. Et dans la foulée, propose de chanter Aux arbres citoyens de Yannick Noah. Nadia soumet ensuite son répertoire de chansons. Allez ! c'est parti pour J'traîne des pieds d'Olivia Ruiz. La guitare en bandoulière, l'infirmière, en blouse blanche, se mue en chanteuse.

« favoriser le soin »

« Ma mère était institutrice, j'allais en colonie... J'ai toujours chanté, raconte Nadia. Mais, comme j'ai commencé tôt, à l'âge de 10 ans, à apprendre la guitare, j'ai toujours associé le chant et l'instrument. » La seule période où la vocation de soignante aura contrarié son amour pour la musique correspond à ses études d'infirmière et à ses trois premières années d'exercice professionnel, de 1983 à 1986, déjà au centre hospitalier d'Angers.

Ensuite, Nadia a toujours porté les deux casquettes, et a réussi à les assortir à l'hôpital. « Pour moi, cette activité autour de la musique favorise le soin, explique-t-elle. En pédiatrie, on comprend facilement l'intérêt de la musique, car tout ce qui est autour du soin fait soin. »

matériel hi-fi

Après ses trois premières années de métier en cardiologie, Nadia rejoint la chirurgie pédiatrique. Et, un an après, en 1987, un projet musical, novateur pour l'époque, est lancé dans tous les services de la pédiatrie par une cadre supérieur et la responsable de la formation continue. Il s'agit alors de sensibiliser les personnels à l'utilisation de la musique dans le cadre des soins.

Nadia suit une formation avec ses collègues. C'est le déclic. L'idée est orientée autour de l'écoute musicale, des cassettes sont créées, une subvention est obtenue grâce à un concours national de projets de soin. Du matériel hi-fi est acheté pour chaque salle de jeu, des instruments aussi. Faire écouter de la musique à un bébé devient familier dans le service. « Mais les instruments étaient peu utilisés, observe Nadia. Il faut dire que le turnover était très important à cette époque, ce qui ne facilitait pas l'investissement dans le projet. »

Nadia commence alors à suivre des conférences et des congrès sur le sujet. Elle entend parler de musicothérapie. En 1995, elle obtient une formation complémentaire : quatre semaines pour approfondir ses connaissances en pédagogie musicale, en animation et en musicothérapie.

Si elle crée des cassettes destinées à la détente ou à l'endormissement pré et post-opératoire, elle vise toujours à développer une dynamique autour des instruments et des chansons. Ce qu'elle commence à réaliser depuis 1996, quand l'hôpital lui octroie quatre heures par mois.

danser malgré les perf'

« Par cet échange, on renforce la relation soigné-soignant, se félicite Nadia. Ces séances individuelles ou collectives sont un moyen de susciter la communication avec l'ensemble du personnel, mais aussi vers les autres enfants, entre les enfants et leurs parents. Tout cela va dans le sens d'un mieux pour le soin : quand Aaron tape sur le djembé, il évacue le stress lié à l'hospitalisation. Si l'on choisit bien l'instrument, les enfants peuvent être incités à se mouvoir, à améliorer leur motricité... On peut danser malgré les perf' ou un fauteuil roulant ! »

Dans le même temps, grâce à un programme culturel financé par une banque, Nadia intervient également, depuis 2005 et jusqu'en 2008, en réanimation pédiatrique et en maternité, auprès des femmes concernées par une grossesse pathologique.

moments clés

- Enfance musicale : solfège, guitare classique et conservatoire de musique.

- 1983 : diplômée d'État.

- 1987 : projet musical en pédiatrie ; première formation.

- 1995 : seconde formation en pédagogie musicale.

- 1996 : bénéficie de quatre heures par mois pour animer les « séances de jeux instrumentaux et de chant ».

- Depuis 2005 : intervient aussi en réanimation pédiatrique et en maternité ; formatrice interne au CHU en guitare d'accompagnement et auprès du personnel de la crèche.