Heure de grande écoute - L'Infirmière Magazine n° 233 du 01/12/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 233 du 01/12/2007

 

Plans sociaux

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Santé

Quand l'infirmière accompagne le salarié traumatisé par un plan social.

« La perte du lien social n'est jamais prise en compte dans les plans sociaux, déplore Nicole Jolimoy, infirmière de santé au travail à Toulouse. Elle a pourtant un grand impact sur la santé. » Souvent peu aidée par les dirigeants, l'infirmière peine à accompagner les salariés exposés à des vagues de licenciement massives. Les témoignages recueillis par le GIT à l'occasion de ses 8es journées nationales sont unanimes(1).

aucune formation

« L'employeur ne souhaitait pas que je mette en place un soutien psychologique, explique une infirmière. C'était avouer qu'il avait provoqué une souffrance... » Finalement, la soignante a fini par l'imposer via l'Inspection du travail, mais il s'est mis en place tardivement. Elle a dû pallier ce manque sans être spécifiquement formée.

Les dirigeants se contentent souvent de créer des antennes emplois, soucieuses de faire du chiffre et assez indifférentes au sort des « inclassables ». Prisonniers d'une culture d'entreprise paternaliste (voir ci-dessous), les salariés doivent « réapprendre à penser », remarque Jean-Yves Dubré, médecin inspecteur du travail.

Dans les ateliers, sur les chaînes, l'infirmière s'efforce de nouer des contacts. Sa présence sur le terrain, sa neutralité hiérarchique facilitent une relation de confiance. Elle repère les personnes en détresse, guette les signes révélateurs de troubles physiques (digestifs, cardio-vasculaires) et psychiques (modifications du comportement, repli, recours aux médicaments, conduites addictives).

ambiguïté

Salariée de l'entreprise et donc elle-même menacée de licenciement, l'infirmière se trouve dans une position ambiguë, à la fois actrice et « victime ». Plus encore que d'ordinaire, elle doit s'associer avec le médecin et l'assistante sociale, et requérir, si possible, les services d'un psychologue pour animer des groupes de parole avec les salariés. Car, souligne Nicole Jolinoy, « personne ne peut travailler seul dans un tel climat ».

Derrière le reclassement, la souffrance

Parfois, un plan social « exemplaire » (96 % de salariés « reclassés ») s'avère illusoire... En 1999, deux ans après la fermeture des usines Chausson de Creil (Oise), une étude sociologique menée auprès de 100 ouvriers reclassés révèle l'ampleur des dégâts : dépression, prise de médicaments, traumatismes psychosociaux... ils n'ont pu compenser le drame de la fermeture. La gestion paternaliste et l'organisation de travail taylorienne ont entretenu l'idée de compétence collective (« hors de l'entreprise, point de salut »). Barbara Rist, sociologue invitée par le GIT pour évoquer l'accompagnement lors d'un plan social, distingue trois profils de salariés. Peu qualifiés, entrés très jeunes dans l'entreprise, les « fusionnels » sont les plus touchés. Au contraire des « pragmatiques », moins sensibles à la culture d'entreprise, qui ont parfois devancé les licenciements. Quant aux « entrepreneurs », très tôt impliqués dans la lutte sociale, ils sont les plus épargnés. A.T.