Les anticorps monoclonaux - L'Infirmière Magazine n° 233 du 01/12/2007 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 233 du 01/12/2007

 

pharmacologie

Conduites à tenir

Des greffes à la lutte contre le cancer en passant par la dermatologie, ces « missiles biologiques » sont désormais utilisés dans de nombreux domaines médicaux.

DÉFINITION

Un anticorps monoclonal est un anticorps artificiellement produit contre un antigène spécifique lié à une pathologie. Il est produit à partir d'un clone d'une cellule appelée hybridome. Celle-ci est issue de la fusion de deux cellules: l'une d'elle est productrice d'anticorps (lymphocyte B), l'autre est une cellule de tumeur. Les anticorps ainsi produits seront dirigés contre l'antigène auquel a été exposé l'hybridome.

Un fois dans l'organisme, l'anticorps reconnaît la protéine (antigène) pour laquelle il a été produit, et s'y lie. Il inhibe son activité fonctionnelle, avec l'aide du système immunitaire.

MÉCANISME D'ACTION

Les anticorps monoclonaux bloquent ou encouragent les réponses du système immunitaire lorsque des cellules ou des substances doivent être identifiées comme étrangères. Plusieurs mécanismes d'action sont possibles :

- toxicité directe de l'anticorps, qui bloque un récepteur membranaire essentiel au processus vital cellulaire.

- activation des cellules NK (les médiateurs de l'immunité anti-tumorale naturelle), qui se fixent au complexe cellule tumorale-anticorps et qui le détruisent.

- induction de l'apoptose (mort programmée).

INDICATIONS

On retrouve les anticorps monoclonaux dans de nombreux domaines. Ils sont utilisés lorsque la réponse aux traitements de fond classiques de la pathologie est inadéquate. Ils sont donc destinés aux patients qui n'ont pas répondu, montrent une intolérance aux autres traitements, ou présentent une contre-indication.

Cancérologie

Traitement du cancer du sein et du cancer colorectal. L'anticorps « anti- facteur de croissance tissulaire » bloque ce facteur de croissance impliqué dans le contrôle de la survie et de la croissance des cellules normales, mais surtout des cellules cancéreuses. L'anticorps permet de neutraliser leur activité biologique par réduction de la vascularisation de la tumeur.

Il en résulte une inhibition de la croissance tumorale locale et un blocage de la progression des métastases. De plus, l'anticorps inhibe la prolifération des cellules tumorales en activant la réactivité immunitaire, qui s'exerce préférentiellement contre les cellules cancéreuses.

Traitement des lymphomes et des leucémies lymphoïdes chroniques. L'anticorps monoclonal « anti-protéine CD » se lie spécifiquement à cette protéine, située à la surface des lymphocytes malins dont la prolifération est responsable des lymphomes ou de la leucémie. Cette liaison génère l'activation du système immunitaire qui entraîne la mort de ces lymphocytes prolifératifs anormaux.

Transplantation. Les anticorps monoclonaux contribuent à prévenir le rejet des greffes de reins. L'anticorps monoclonal « anti-interleukine 2 » empêche la liaison de l'interleukine 2 avec le lymphocyte T. C'est un immunosuppresseur spécifique. Il bloque le signal de prolifération des lymphocytes T, réponse immunitaire à l'origine du rejet d'allogreffe. Ce traitement permet de réaliser la transplantation sans qu'il y ait myélosuppression.

Rhumatologie. L'anticorps monoclonal « anti-TNF » se lie avec le TNF (facteur nécrosant des tumeurs) présent dans les articulations en cas de polyarthrite rhumatoïde (inflammation chronique). Il module les réponses biologiques induites par le TNF (diminution des taux d'interleukine et de protéine C réactive, migration des leucocytes). Il suspend la dégradation tissulaire et la destruction cartilagineuse dues au TNF alpha. Il permet aux articulations lésées de cicatriser. Les capacités articulaires sont ainsi améliorées.

Dermatologie. Au niveau des plaques de psoriasis, l'anticorps monoclonal « anti-LFA-1 » se lie spécifiquement à la protéine de surface LFA-1 des lymphocytes T activés contre les cellules endothéliales et les kératinocytes. Il inhibe la liaison de LFA-1, interférant ainsi avec l'adhésion des lymphocytes T aux cellules de la peau. Il permet d'atténuer les signes et les symptômes du psoriasis. Un autre anticorps monoclonal, l'anticorps anti-TNF, conduit lui aussi à une diminution de l'inflammation de l'épiderme et à une normalisation de la différenciation des kératinocytes des plaques de psoriasis.

Cardiologie. Les anticorps monoclonaux contribuent à prévenir les thromboses. L'anticorps monoclonal « anti- protéine IIb/IIIa (alphaIIbß3) » est un inhibiteur de l'agrégation plaquettaire. Il empêche la liaison du fibrinogène avec une protéine située à la surface des plaquettes. Il bloque ainsi la brusque formation de thrombine qui suit l'activation plaquettaire lors des angioplasties coronariennes à ballonnet et pose de stent.

Gastro-entérologie. Les anticorps monoclonaux contribuent au traitement de la maladie de Crohn active et sévère. L'anticorps monoclonal « anti-TNF » se lie avec le TNF (facteur nécrosant des tumeurs) présent dans les zones inflammatoires de l'intestin (inflammation chronique) et inhibe son activité. Il module les réponses biologiques induites ou régulées par le TNF (diminution des taux d'interleukine et de protéine C réactive, migration des leucocytes). Il réduit l'infiltration des cellules inflammatoires et favorise la cicatrisation des régions atteintes de l'intestin.

Ophtalmologie. Les anticorps monoclonaux interviennent dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA). L'anticorps monoclonal est dirigé contre le facteur de croissance des cellules endothéliales vasculaires de type A (VEGF-A). Il empêche la liaison du VEGF-A à ses récepteurs rétiniens. Il en résulte une stabilisation de la baisse de vision (tache devant l'oeil, ondulation) et une amélioration de l'acuité visuelle à long terme.

Neurologie. Dans le cadre du traitement de la sclérose en plaques, l'anticorps monoclonal est dirigé contre une intégrine lymphocytaire (molécule d'adhérence), pour paralyser la communication entre la cellule endothéliale et le lymphocyte. Cela empêche la migration du lymphocyte vers les neurones, qui cause leur destruction.

MODALITÉS D'EMPLOI ET RÉGLEMENTATION

Ils sont administrés en injection car les anticorps sont des protéines qui seraient détruites, en voie orale, par les enzymes digestifs. Il s'agit en majorité de médicaments rencontrés à l'hôpital, mais certains d'entre eux sont sortis de la réserve hospitalière et sont disponibles en ville (ordonnance initiale hospitalière).

EFFETS SECONDAIRES

- Syndrome pseudo-grippal : fièvre, maux de tête, frissons, nausées et myalgies.

- Réactions d'intolérance immédiate s'exprimant par des tremblements, nausées, voire vomissements, rash, céphalées et plus rarement hypotension et asthénie, bronchospasme. Le traitement repose sur les antihistaminiques, l'injection de bronchodilatateurs, voire d'adrénaline.

- Réactions allergiques : urticaire, éruption cutanée, réaction anaphylactique.

- Risque infectieux : la pneumonie, les infections virales et les septicémies sont les infections graves les plus fréquentes.

- Troubles hématologiques. Certains anticorps monoclonaux peuvent dérégler le système sanguin (rare).

- Réactions au site d'injection : érythème, prurit, saignement, douleur ou tuméfaction.

- Tumeurs malignes et troubles lymphoprolifératifs (rares).

CONCLUSION

Les anticorps monoclonaux représentent une importante avancée thérapeutique, appelée à se poursuivre. L'évolution des techniques a déjà permis de mettre au point des médicaments de plus en plus efficaces et mieux tolérés, car moins allergisants. Il est donc important, pour les infirmères, de se familiariser avec leur utilisation.

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