Dans le piège du travail - L'Infirmière Magazine n° 235 du 01/02/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 235 du 01/02/2008

 

santé publique

Dossier

Stress, burn-out, troubles musculo-squelettiques... La transformation des conditions de travail engendre une souffrance qui touche désormais tous les secteurs professionnels.

«Le travail c'est la santé, ne rien faire, c'est la conserver » : le refrain ne date pas d'hier, mais aujourd'hui, le constat d'Henri Salvador (« Les prisonniers du boulot ne font pas de vieux os ») donne de plus en plus de grain à moudre aux spécialistes. Dans les domaines médical, social et politique, la question de la souffrance au travail est devenu un vaste champ de réflexion, d'action et de médiation.

Pourtant, d'après une enquête de l'Insee, le travail arrive en deuxième position comme condition du bonheur après la santé et 60 % des Français considèrent que le travail est très important dans leur vie (CNRS). Essentiel dans la construction identitaire, il permet de montrer aux autres ses capacités, de répondre à un projet de vie, de trouver une place dans la société et bien sûr de gagner sa vie. Comment se fait-il alors que le travail soit devenu un facteur de souffrance psychique ? Que malgré les avancées technologiques, sociales et économiques, l'idée même d'aller travailler puisse déclencher pour certains des angoisses, voire des idées de suicide ?

Plusieurs décennies de crise et de chômage massif ont modifié les rapports sociaux. Elles ont entretenu, chez les salariés, une forme de peur et de soumission. Et les entreprises ont changé de visage : « Il y a eu une rupture dans les années 1990-1995. Nouveaux patrons et logiciels, nouvelles technologies et méthodes de management, pressions financières et consignes contradictoires ont entraîné la disparition des valeurs communes qui existaient en général au sein des groupes », constate Bernard Salengro, président du syndicat des médecins du travail, secrétaire national CFE-CGC en charge de la santé au travail et fondateur de l'Observatoire du stress.

« Yoyo permanent »

La restructuration, sous toutes ses formes, s'est accompagnée d'un climat de compétition généralisé... lequel ne peut exister sans un investissement illimité de soi. Et cela a atteint des seuils pathogènes dans nombre de métiers. « Travailler ainsi implique d'aller chercher en soi des ressources indicibles », commente le Dr Marie Pezé, psychanalyste et docteur en psychologie. Le secteur public n'est pas non plus indemne. « Dans le cas du personnel hospitalier, on modifie très souvent la répartition des tâches, les horaires, les frontières entre les différentes professions, remarque Philippe Askenazy, économiste et directeur de recherche au CNRS. C'est un yoyo permanent. Plutôt que de la souffrance, moi j'appelle cela des éléments de charge mentale. »

Intensification des tâches, objectifs irréalistes... Autant de facteurs qui, cumulés, provoquent angoisse, épuisement émotionnel, perte d'identité, de confiance et donc d'estime de soi. Le psychiatre Patrick Légeron, comme la plupart des experts, note une hausse de la souffrance au travail mais aussi une diversification des sources de stress : « Pression du temps, manque de reconnaissance, violence des relations entre les individus, obligation d'en faire toujours plus avec moins de ressources et de maîtrise... » C'est ce que raconte l'un des managers d'un des leaders mondiaux des infrastructures de télécommunications : « Au moment des entretiens annuels et des évaluations, la direction en profite pour mettre des objectifs impossibles à atteindre. Résultat : les primes sautent, les sanctions pleuvent... »

Absentéisme, conflits...

Les révélateurs de problèmes liés aux troubles psychologiques sont l'augmentation de l'absentéisme dans 72 % des entreprises. Les difficultés relationnelles avec les collègues touchent 59 % d'entre elles, et 50 % notent une augmentation des conflits avec la hiérarchie (étude Ifop). « La souffrance au travail, c'est le vécu qui surgit lorsque le sujet, après avoir épuisé ses ressources personnelles pour tenir au travail, se heurte à des obstacles insurmontables », poursuit le Dr Pezé.

Même les cadres, jusqu'ici privilégiés, sont touchés : « Au cours d'une de mes études, j'avais interrogé un ingénieur de 35 ans, payé 35 heures, et qui travaillait plutôt 70 heures. Ses responsabilités se chiffraient en millions d'euros. Il était joignable sur son téléphone portable professionnel jusque dans sa vie privée. Le lien ne se rompait jamais », raconte Astrid Fontaine, ethnologue. Le sentiment d'exploitation, qui semblait jusqu'alors réservé aux ouvriers, touche désormais les cadres supérieurs et les professions intermédiaires. Tout le monde est donc concerné, même si certaines catégories professionnelles sont plus fragilisées : les salariés situés tout en bas de l'échelle, l'encadrement intermédiaire, les plateformes téléphoniques, le personnel d'accueil, les femmes immigrées employées dans des travaux domestiques, de nettoyage et d'hôtellerie...

Pathologies nombreuses

On aurait pu espérer que l'essor du secteur tertiaire entraîne une baisse de la souffrance au travail. Mais même dans ces activités moins physiques, on voit apparaître des pathologies, souvent d'origine psychique, qui touchent tous les niveaux de la hiérarchie. Eczéma, insomnies, alertes cardiaques, troubles musculo-squelettiques (TMS), ulcères, cancers, dépressions, tentatives de suicide sont les conséquences les plus fréquentes des conditions de travail éprouvantes. « D'après le baromètre du stress [de la CFE-CGC], explique Bernard Salengro, le sentiment d'être débordé, contraint, écrasé, concerne les salariés de 60 à 70 % des entreprises. Maux de dos et migraines sont monnaie courante. Pour moi, le symptôme le plus fort, c'est le formidable succès de tout ce qui ressemble à une préretraite. »

Pour le Dr Pezé, la situation ne fait que s'aggraver, sous forme de violences, de suicides, d'homicides. Elle a choisi de classer les nouvelles pathologies du travail en trois catégories : psychique (burn-out, bouffées délirantes, troubles cognitifs), organique (TMS, lombalgies, accidents vasculaires, karoshi) (1) et comportementale (violence retournée contre soi comme le suicide et contre les autres : collègues, hiérarchie).

Mais qu'est-ce qui a vraiment changé et pourquoi des ressentis douloureux, mais somme toute inhérents à la vie en général, sont-ils devenus insupportables, voire insurmontables ? 28 % des salariés souffrent de stress, ce qui en fait le deuxième problème de santé au travail après le mal de dos. Le coût du stress d'origine professionnelle est d'environ 20 milliards d'euros par an dans l'Union européenne. D'après l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, le stress survient « lorsqu'il y a déséquilibre entre la perception qu'une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu'elle a de ses propres ressources pour y faire face ». Le stress déstabilise le terrain et au travail, selon une étude du mensuel britannique Psychological Medicine, il peut précipiter une dépression, des troubles anxieux ou provoquer des désordres psychiatriques chez des individus auparavant en bonne santé.

Maltraitance

« Les salariés nous disent "Je suis harcelé", alors qu'avant ils disaient "Je suis fatigué" », constate Ginette Francequin, psychologue du travail. Dans 90 % des cas, le harcèlement managérial est utilisé dans la dynamisation du travail. Concertations entre professionnels (médecins du travail, inspecteurs, syndicalistes, juristes, chefs d'entreprise), création d'associations, nombreux colloques... le harcèlement moral sucite aujourd'hui des débats et, en 2001, cette notion a été introduite dans le Code du travail. Le Dr Pezé, elle, juge cependant que « le concept de maltraitance au travail est plus intéressant ».

Peut-on aussi parler de peur ? Et qu'engendre- t-elle ? Pour Alain Touraine, sociologue, « la peur est partout car une forme de pouvoir est partout. Mais de quoi a-t-on peur et qu'est-ce que cela touche ? On ne peut s'en protéger qu'au niveau le plus global : syndicats, décisions politiques positives, nouveaux emplois... » Dans les pays scandinaves, un vrai accompagnement est proposé quand une personne perd son emploi. En France, une démission fait perdre les avantages sociaux. Par ailleurs, « l'instauration de la peur rend les personnes très zélées et conduit à des situations d'isolement ou à la mise en oeuvre de conduites déloyales pour rester en place. La rivalité s'installe et on peut faire faire ce que l'on veut aux gens, indique le Dr Pezé. On les amène à se comporter de manière dure alors que chez eux, ils savent distinguer le bien du mal ».

Face au manque de solidarité et de coopération, quels sont les nouveaux modes de prise en charge ? « On a un rôle, pas seulement celui de s'occuper des victimes et de les traiter lorsque le mal est fait, explique le Dr Hirigoyen, psychiatre et psychanaliste. On nous écoute, et, parce qu'on sonne l'alarme, peut-être peut-on arriver à changer les choses. En revanche, je pense que les séminaires de gestion du stress proposés aux salariés pour leur apprendre à le supporter vont à l'encontre de leur bien-être et sont très dangereux. » Quelle solution apporter pour en finir avec une situation délitée ? Pour éviter des décompensations graves, faire l'analyse de la situation et essayer d'obtenir un licenciement dans de bonnes conditions peut permettre d'éviter le pire. Il faudrait aussi intégrer des formations à la santé et aux pathologies du travail dans l'entreprise.

Franck Vassal, philosophe, anime des formations sur la souffrance et la violence au travail à l'hôpital : « Lorsque j'interviens, si je m'adresse à un infirmier en difficulté, je lui dis : tu éprouves ça, c'est de l'épuisement professionnel. Pour chercher les moyens de s'en sortir, je propose de prendre de la distance. Quel sens peut avoir d'avoir la tête dans le guidon ? Que faites-vous de votre vie ? Penser est une forme de résistance. » L'attente de chacun dans son environnement professionnel est une équation simple : un équilibre entre travail, sens et reconnaissance.

Rôle infirmier

L'employeur doit prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, y compris les travailleurs temporaires » en se fondant sur une évaluation des risques, prévoit le Code du travail (art. L. 230-2). Quant aux services de santé au travail, leurs missions sont l'analyse des situations et des postes de travail (loi de modernisation sociale de 2002), les conseils au salarié et à l'employeur, le suivi médical de l'état de santé et le contrôle de l'aptitude des salariés à leur travail. Il s'agit aussi de permettre aux salariés de parler, les aider à changer de poste, signaler une trop grande charge de travail ou trop de pression dans un service.

L'infirmière de santé au travail, au sein de cette équipe pluridisciplinaire, doit avoir un rôle de garant (maîtrise des examens complémentaires, connaissance des pathologies, élaboration et utilisation de protocoles), d'expert dans le domaine de l'ergonomie, de la psycho-dynamique du travail et de l'évaluation des risques (TMS, risques chimiques...). Mais « nous sommes dans un système de prévention en mutation, explique Jeanne-Marie Brillet, médecin du travail. L'entrée des infirmiers dans les services de santé au travail est récente ».

Le Code du travail réglemente pourtant le nombre d'infirmiers par salariés dans une entreprise. Dans l'industrie : un pour 200 à 800 salariés et un de plus par tranche de 600 salariés. Dans le tertiaire : un pour 500 à 1 000 salariés et un de plus par tranche de 1 000 salariés. Dans les PME, enfin, cela se fait à la demande du médecin du travail. Mais comment aborder ce type de mission en service interentreprise ? En créant une permanence téléphonique, de type numéro vert, permettant de contacter une infirmière en cas de problème ? Cela n'est pas évident, déplore un infirmier du travail en poste depuis sept ans. « J'ai suivi la formation du Diust (diplôme interuniversitaire de santé au travail) car le DE ne nous donne pas toutes les clefs pour déchiffrer le monde de l'entreprise. Je me suis rapidement trouvé dans une position assez délicate : comment trouver une place entre un médecin du travail interentreprise - présent deux jours par mois - et une DRH qui ne communique que par courriers avec accusés de réception ? Et, au fond, quel rôle devons-nous jouer ? » (2)

Cellules psychologiques

Parallèlement à cela, malgré dix ans de retard sur les pays scandinaves et anglo-saxons, les entreprises cherchent à favoriser la prévention et à se faire accompagner en matière de traitement des questions psychosociales. Les services de ressources humaines se mobilisent depuis quelques années en ce sens, même s'il existe parfois un écart entre les discours et les actes. Comme ils manquent parfois de recul ou de compétences, des organismes spécialisés répondent à l'appel. C'est le cas de la société Psya(3), un cabinet de prévention et de gestion des risques psychosociaux. Un centre téléphonique, tenu 24 heures sur 24 par des psychologues cliniciens, apporte une écoute anonyme aux employés. L'équipe peut intervenir en situations de crise, à la demande des représentants syndicaux. Pour Emmanuel Charlot, directeur du développement, « les médecins du travail ont parfois une méconnaissance de ce qui relève de la santé mentale. Les problèmes de santé se déplacent des activités industrielles vers les services, comme les centres d'appels. Et puis, le cadre législatif évolue. Avec les suicides sur le lieu de travail reconnus comme accidents du travail, on touche directement au portefeuille des entreprises. Pour celles-ci, le combat le plus difficile pour les années à venir sera de faire leur propre autocritique et d'être capables de se remettre en question sur le plan de l'organisation ».

Reconnaissance

Face à ces évolutions des formes de souffrance psychologique au travail, médecins du travail, psychologues du travail, juristes peuvent travailler de concert. C'est le cas, par exemple, à l'association Mots pour maux au travail (4), créée en 1997 à Strasbourg, qui oeuvre à améliorer l'accueil des personnes en difficulté au travail et à leur apporter un soutien juridique. Les témoignages recueillis par l'association sont éloquents : « Mais qu'est ce que je peux faire, mais qu'est ce que j'ai encore fait ? Il n'y a pas d'issue, sauf d'avaler un petit Lexomil® avant d'aller bosser pour me donner du courage... » « Quand je lui ai annoncé que j'attendais un bébé, le pire est arrivé... Aujourd'hui, je suis en congé maternité et ma seule angoisse, c'est de me dire que je vais devoir y retourner. »

Seule la reconnaissance peut transformer cette souffrance. Fatima Elayoubi, 55 ans, femme de ménage, a tenu plus de quinze ans, à coups de tranquillisants, niant fatigue, douleurs physiques, insomnie et angoisses. Jusqu'au jour où son corps a lâché... C'est à l'hôpital de Nanterre, ouvert aux pathologies sociales (Samu social, consultation sur la précarité), que le Dr Marie Pezé se préoccupe enfin de sa situation sociale. La psychanalyse qu'elle entame se double de l'écriture d'un long poème qui raconte sa souffrance : « Cet art, auquel je m'applique neuf heures par jour durant toutes ces années, personne ne le voit./Lorsque je reviens, le lendemain, je recommence à faire souffrir mon âme et mon corps. » (5) C'est le début de la délivrance.

« Savoirs croisés »

Le Dr Pezé est une pionnière des consultations Souffrance et travail. Dans son service, qui prenait initialement en charge les TMS, elle reçoit 900 personnes par an. « Face à la montée des plaintes, j'ai essayé de comprendre ce qui se passait. D'après le tableau clinique de névroses traumatiques, pour beaucoup de mes patients, en allant travailler huit heures par jour, leur état correspondait à un tableau clinique aigu (comparable à celui qui suit un hold-up ou un attentat). Dans certaines situations de contexte hostile, un individu met en scène sa propre disparition. L'urgence est de sortir les patients de ce contexte par un arrêt de travail immédiat. Certains pensent à se suicider rien qu'à l'idée de retourner travailler. C'est difficile à comprendre. La pluridisciplinarité est essentielle : avocats, médecins du travail, juristes, psychanalystes, doivent mettre en commun des savoirs croisés. »

Il existe vingt-cinq consultations de ce type en France, qui rencontrent une réelle demande car elles sont plus à même de répondre aux situations difficiles que les consultations ordinaires. Mais les délais d'attente peuvent atteindre six mois. Une majorité de femmes y sont généralement adressées par le médecin du travail (l'article R. 241-52 du Code du travail permet de demander un avis extérieur). Ce sont les postes les plus déqualifiés qui reviennent, ceux qui exigent méticulosité et endurance, et où les personnes sont interchangeables. « Nous analysons l'organisation du travail afin de faire comprendre au patient le système dont il a subi les effets. Les décoller de leur propre histoire, et pas seulement en prenant en compte leur histoire infantile », observe Marie Pezé. L'objectif : identifier, au travers du récit, la raison pour laquelle l'entreprise a voulu se séparer de lui ou d'elle.

1- Burn-out : stress émotionnel et mental prolongé. Karoshi : terme japonais signifiant la mort par excès de travail.

2- Le rôle de l'infirmière de santé au travail n'est pas détaillé plus avant car il fera l'objet d'un dossier dans notre numéro de mai.

3- http://www.psya.fr.

4- http://www.multimania.com/xaumtom.

5- Fatima Elayoubi, Prière à la lune, éditions Bachari, 2006.

À retenir

> Le déclin et de l'industrie et l'essor des services, au lieu de soulager la souffrance au travail, en ont diversifié les formes.

> Après le mal de dos, le stress est le deuxième problème de santé au travail en France.

> La fréquence accrue des troubles psychiques amène à renouveler les méthodes de prévention, d'écoute et de prise en charge.

> La pluridisciplinarité (médecins, juristes, psychanalystes...) permet de mieux faire face aux situations difficiles.

addictions

ALCOOL, DROGUES, MÉDICAMENTS...

Doit-on parler d'usagers de drogues qui travaillent ou de salariés qui se droguent ? « On met la charrue avant les boeufs. Il n'y a aucune donnée sur les gens qui consomment des drogues et qui travaillent », tranche Astrid Fontaine, ethnologue. Pourtant, ce type de consommation vient souvent en compensation du déplaisir, pour supporter contraintes et problèmes relationnels. « Ce n'est pas un phénomène nouveau, ce qui est nouveau c'est le type de drogue que l'on consomme », dit-elle. « La consommation d'alcool a reculé dans les entreprises. Elle est davantage liée à des angoisses, au stress », note pour sa part Annie Le Fessant, animatrice à l'Anpaa (1). C'est du côté des antidépresseurs et des anxiolytiques que l'on trouve une majorité de consommateurs : « Cela m'aide à supporter ma charge de travail et le stress de mon chef », reconnaît une secrétaire juridique. Par ailleurs, cocaïne et de cannabis sont en constante augmentation, ce qui inquiète les médecins du travail. Les premières mesures de dépistage des drogues en entreprise ont été mises en place par la SNCF en 2004. Pour Astrid Fontaine, « c'est surtout un enjeu commercial de grande envergure... Et cela soulève un réel souci d'éthique ».

1- Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie.

En chiffres

> 10 % des dépenses de la Sécurité sociale sont directement liées aux maladies professionnelles.

> Le coût global cumulé des accidents et maladies professionnelles s'élève à 3 % du PIB par an.

> En 2006, la Cnam (régime général de la Sécurité sociale) a indemnisé 1,4 millions d'accidents du travail. Parmi eux, près de 700 000 ont donné lieu à un arrêt de travail. La caisse a reconnu, cette même année, 47 000 maladies professionnelles.

désespoir

LE SUICIDE AU TRAVAIL

« Le suicide sur le lieu de travail est un phénomène récent. Cela montre que quelque chose s'est transformé dans l'organisation du travail. On se sent jetable, manipulable. C'est l'impuissance qui amène à se suicider », estime Christophe Dejours, psychiatre, psychanalyste et professeur au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam). L'acte peut prendre un aspect militant, en espérant qu'il libérera la parole. Les récents suicides chez PSA Peugeot-Citroën, Renault ou à la centrale nucléaire de Chinon semblent avoir réveillé les consciences et alerté les pouvoirs publics. Mais d'après une étude Ifop, 57 % des entreprises se déclarent peu concernées par la question du suicide. « Depuis plusieurs années, quelque chose a changé, souligne le Dr Font Le Bret, psychiatre. Le nombre de suicides ou de tentatives (plus de 1 000 en cinq ans) sur le lieu de travail a explosé. Or, ce n'est pas anodin, un acte a toujours un sens. » Fabienne Godet, réalisatrice et psychosociologue, analyse : « Souvent, les personnes qui en arrivent au suicide sont caractérisées par la droiture, l'exigence personnelle, presque une rigidité. Cela fait penser au chêne et au roseau de La Fontaine : le chêne rompt, le roseau ploie. Le suicide peut être un acte politique. À un moment donné, les idéaux que l'on défend deviennent plus importants que de le fait de vivre, et surtout de vivre mal. »

politique

LE PLAN « SANTÉ AU TRAVAIL »

Les nouvelles formes d'organisation professionnelle influent sur les conditions de travail, génèrent une détérioration de la santé mentale des salariés et engendrent des coûts sociaux importants vis-à-vis des entreprises. C'est dans ce contexte que s'inscrit le plan Santé au travail 2005-2009, présenté le 17 février 2005 au Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels. « Son but est de faire reculer ces risques, sources de drames humains et de handicaps économiques, et d'encourager la diffusion d'une véritable culture de la prévention dans les entreprises », explique le Dr Pezé, psychanalyste. Les contrôles exercés par l'Inspection du travail font état d'une augmentation significative des observations et verbalisations mettant en cause une exposition aux risques : en 2004, plus de 440 000 observations ont été motivées par un motif de santé ou de sécurité au travail, soit 55 % du total. Mais pour Philippe Askenazy, économiste, « en France, on dispose d'une des législations les plus contraignantes au monde en termes de santé et de sécurité au travail. Mais le droit n'est pas appliqué. Les inspecteurs n'ont pas les moyens d'infliger des amendes aux employeurs qui mettent en danger les salariés ».

En savoir plus

> Les Désordres du travail, Philippe Askenazy, Seuil, 2004.

> Malaise dans le travail, Marie-France Hirigoyen, Syros, 2006.

> Double Vie. Les Drogues et le travail, Astrid Fontaine, Les Empêcheurs de penser en rond, 2006.

> Bernard Salengro, Le Management par la manipulation mentale, L'Harmattan, 2006

> Sauf le respect que je vous dois, film de Fabienne Godet, 2006.

> J'ai très mal au travail, film de Jean-Michel Carré, 2007.

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