L'hôpital avec mention - L'Infirmière Magazine n° 235 du 01/02/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 235 du 01/02/2008

 

Scolarité

Du côté des associations

L'Aiscobam, à Nancy, dispense toute l'année des cours à des adolescents hospitalisés, leur permettant de conserver leur vie sociale et d'éviter la rupture scolaire.

Obtenir le baccalauréat à l'hôpital ? L'an dernier, ils sont quatre jeunes Lorrains à l'avoir fait, avec mention très bien pour l'un d'entre eux. Leur centre d'examen : l'hôpital pour enfants du CHU de Nancy. L'Aiscobam (Aide scolaire bénévole aux adolescents malades) (1) y a ses locaux.

bénévoles

L'association a vu le jour en 1991 au lycée Poincaré de Nancy, après le décès d'un élève de seconde qui n'avait pu suivre aucun cours pendant sa longue hospitalisation. L'idée a alors germé d'organiser des enseignements dans le service de cancérologie du CHU. La mobilisation fut rapide et entièrement bénévole. Depuis, la structure a évolué, en se professionnalisant. En 2002, elle a obtenu trois postes d'enseignants de l'Éducation nationale. « Les profs de lettres, de maths et d'anglais travaillent la moitié du temps en structure de soin, l'autre moitié en lycée ou en collège, pour rester en contact avec le terrain », explique Anicet Uhring, président de l'Aiscobam.

Une enseignante assure la coordination de l'enseignement et le suivi des relations avec l'institution hospitalière et l'Éducation nationale. Deux auxiliaires de vie scolaire sont chargés, entre autres, d'accompagner les jeunes en informatique ou de leur apporter un soutien scolaire.

Aujourd'hui, environ 200 bénévoles dispensent plus de 2 500 heures de cours par an, de la sixième à la terminale, au CHU et dans deux autres établissements de soins de l'agglomération. L'organisation est assez simple. Le lundi, les profs détachés font la « tournée des popotes ». Dans chaque service, en lien constant avec les soignants, ils font le point sur les entrées et les sorties, et déterminent quels patients vont bénéficier de cours, en fonction de leurs demandes. L'emploi du temps fixé, on appelle les bénévoles : des professeurs retraités ou en activité. Ceux-ci remplissent au préalable une fiche de disponibilité exprimant leurs souhaits - certains ne veulent pas intervenir en cancérologie ou en pédopsychiatrie.

chacun à sa place

« Pour les jeunes, ces cours dans toutes les matières sont un bol d'air, même pour ceux qui n'aiment pas l'école, observe M. Uhring. C'est pourquoi nous intervenons même en soins palliatifs. Jusqu'au bout. Mais là comme ailleurs nous nous limitons à notre métier d'enseignant. Nous ne prenons aucune initiative, nous nous référons systématiquement au chef de service ou à l'infirmière. Chacun doit rester à sa place. » L'intervenant signe une charte qui l'engage à respecter secret médical et règles d'hygiène, mais aussi à rencontrer la surveillante du service avant chaque intervention au chevet d'un malade.

à domicile

Si le jeune ne va pas bien, le cours est reporté. Il faut s'adapter en permanence. Et notamment aux nouvelles formes de prise en charge, comme l'alternance entre séjours à l'hôpital et à domicile. Mais là, pas de rupture non plus, puisque l'Aiscobam y intervient dans les cas où le Sapad (le Service d'aide pédagogique à domicile, mis en place par l'inspection académique) ne prévoit pas de prise en charge. Ainsi, « le jeune n'a rien perdu à sa sortie de l'hôpital. Nous travaillons toujours en relation avec son professeur principal, en suivant pas à pas le programme de sa classe. En général, on progresse même plus vite, car s'il y a beaucoup moins d'heures, ce sont des cours individuels. »

centre d'examens

Brevet, BEP, bac de français... l'Aiscobam fait passer tous les examens, y compris en chambre stérile. « On a le statut de centre d'examens, mais aucun moyen de l'Éducation nationale, sauf les postes d'enseignants. Nous avons dû acheter sur nos propres deniers le coffre-fort dans lequel nous enfermons les sujets... » Or, plus que la question financière, c'est celle du statut qui préoccupe l'Aiscobam. Il existe en effet, dans les hôpitaux, des établissements scolaires primaires dépendant entièrement de l'Éducation nationale. « La loi les prévoit aussi pour le secondaire ; pourquoi n'est-elle pas appliquée, alors que c'est une période charnière, sanctionnée par des examens importants ? »

« combat »

L'association porte depuis plusieurs années un projet de création d'un établissement secondaire à Nancy et dans chaque grand CHU. Un projet « ni compliqué, ni très coûteux », estime M. Uhring : « Il suffirait de cent postes d'enseignants dans toute la France, et d'un réseau de bénévoles dans chaque région. » L'Aiscobam sollicite régulièrement les politiques à ce sujet, et ne compte rien lâcher. « La plupart d'entre nous n'agissent pas par charité. C'est un combat politique que nous menons. Il est juste, et mérite d'être gagné. »

1- Aiscobam. 2, rue de la Visitation,

54042 Nancy cedex.

Mél : contact@aiscobam.asso.fr