La tuberculose - L'Infirmière Magazine n° 235 du 01/02/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 235 du 01/02/2008

 

pneumologie

Cours

Même si, en France, la tuberculose a quasiment disparu des consultations, elle reste fréquente parmi certaines populations. La vaccination systématique étant à présent suspendue, le dépistage précoce des malades et des sujets contacts est devenu le fer de lance de la lutte contre cette maladie. Les soignants doivent connaître ce nouveau dispositif pour qu'il puisse porter ses fruits.

La tuberculose représente l'une des causes principales de morbidité et de mortalité d'origine infectieuse dans le monde. En 2004, l'OMS estimait à 9 millions le nombre annuel de nouveaux cas de tuberculose maladie. Elle considérait par ailleurs qu'un tiers de la population mondiale était infecté par le bacille tuberculeux (1). En France, l'incidence de cette maladie décroît régulièrement depuis 2000 [lire l'encadré p. V].

L'analyse des données épidémiologiques récentes montre pourtant que la tuberculose n'est pas encore maîtrisée en France dans certains groupes de population et dans certaines zones géographiques. Ainsi, une forte augmentation du nombre de cas déclarés chez des personnes nées en Afrique subsaharienne a été enregistrée entre 2000 et 2003 pour se stabiliser ensuite. En 2005, l'Île-de-France, avec 2 154 cas recensés, représentait 40 % des cas déclarés en France. Cette région et la Guyane sont les plus touchées par la maladie dans le pays : on y recense respectivement 19,7 cas pour 100 000 habitants et 44 cas pour 100 000 habitants.

VIGILANCE

En raison de sa forte contagiosité, la tuberculose, maladie à déclaration obligatoire depuis 1964, demeure un risque sanitaire majeur. Les observations faites à New York en témoignent. À la suite d'un affaiblissement de la lutte antituberculeuse entre 1985 et 1992, l'incidence de la tuberculose y a augmenté de 20 % (2).

En France, cette maladie requiert une vigilance soutenue. La tuberculose a quasiment disparu des consultations et s'est progressivement imposée comme une maladie « sociale ». Ce phénomène a favorisé une certaine distanciation du corps médical et soignant, préjudiciable au diagnostic précoce de la maladie.

Qui plus est, l'arrêt de la vaccination obligatoire, décidé par les pouvoirs publics en juillet 2007 dans le cadre du Plan tuberculose, risque d'engendrer une recrudescence des cas. Ceci impose d'optimiser, d'une part, l'efficacité de la prévention vaccinale, et d'autre part de renforcer le dépistage, le diagnostic et la prise en charge des tuberculoses actives pour diminuer la transmission interhumaine.

Surtout, la détection de l'infection chez les populations à haut risque [lire l'encadré p. IV] est primordiale (3) pour éviter qu'une épidémie de tuberculose ne survienne. D'autant que la couverture vaccinale est faible (75 %) et ses effets limités, puisque la plupart des tuberculoses maladies dépistées par les Centres de lutte contre la tuberculose (Clat) ont touché des sujets qui étaient vaccinés.

VACCINATION

Suite aux expertises scientifiques et aux recommandations du Conseil supérieur d'hygiène publique de France (CSHPF), l'obligation de vaccination par le BCG (bacille de Calmette et Guérin) chez l'enfant et l'adolescent a été suspendue en juillet 2007 au profit de dispositions visant à protéger les enfants les plus exposés et à intensifier la lutte antituberculeuse.

Rappels sur le BCG. Depuis le 30 juin 2004 (décret n° 30-0604), seule la primo- vaccination par le BCG demeurait obligatoire chez l'enfant avant l'entrée en collectivité, ou dans le cadre d'une profession exposant au risque chez l'adulte. La commercialisation du vaccin BCG par multipuncture (Monovax ®) ayant été arrêtée en décembre 2005, il ne reste plus en France depuis 2006 que le vaccin BCG SSI ® (Staten Serum Institute de Copenhague) par voie intradermique.

Efficacité. Le vaccin BCG SSI ®, vaccin vivant atténué, dispose d'une efficacité estimée entre 75 % et 85 % pour les formes graves du nourrisson et du jeune enfant, et entre 50 % et 75 % pour la tuberculose de l'adulte. Il ne permet donc pas d'empêcher la transmission de la maladie. Les limites d'efficacité de ce vaccin, les effets indésirables plus nombreux avec la forme intradermique et la stabilité de l'incidence de la tuberculose dans notre pays ont donc conduit les autorités françaises à lever l'obligation vaccinale pour les enfants, mais à recommander la vaccination chez les enfants à risque élevé de tuberculose.

Enfants à risque élevé :

- enfants nés dans un pays de forte endémie tuberculeuse ;

- enfants dont au moins l'un des parents est originaire de l'un de ces pays ;

- enfants devant séjourner au moins un mois d'affilée dans l'un de ces pays ;

- enfants ayant des antécédents familiaux de tuberculose (collatéraux ou ascendants directs) ;

- enfants résidant en Île-de-France ou en Guyane ;

- enfants vivant dans des conditions de logement défavorables (habitat précaire ou surpeuplé) ou socio-économiques défavorables ou précaires (en particulier parmi les bénéficiaires de la CMU, de la CMU complémentaire, de l'AME...) ou en contact régulier avec des adultes originaires d'un pays de forte endémie. Chez ces enfants, la vaccination BCG doit être réalisée au plus tôt, si possible à la naissance ou au cours du premier mois de vie. Dans ce cas, il n'est pas nécessaire de réaliser préalablement une intradermoréaction à la tuberculine. En revanche, à partir de l'âge de 3 mois, un test tuberculinique doit être pratiqué avant la primovaccination pour vérifier que l'enfant n'a pas été contaminé après la naissance. En dehors de ce cas, le contrôle systématique, autrefois obligatoire après vaccination et tous les ans pour les écoliers de tous âges, est supprimé. Il n'a plus d'intérêt dans la mesure où l'on ne revaccine plus (arrêté du 13 juillet 2004).

Technique d'injection. L'injection du vaccin doit se faire par voie intradermique stricte. Le site d'injection recommandé (pour tous les groupes d'âge) est la région deltoïdienne du bras. Chez les nourrissons de moins de 12 mois, la dose recommandée est de 0,05 ml de vaccin reconstitué. Chez les enfants de plus de 12 mois et les adultes, la dose recommandée est de 0,10 ml de vaccin reconstitué. La réponse habituelle après vaccination est l'apparition d'une papule au point d'injection suivie parfois d'une induration pouvant ulcérer quelques semaines plus tard et cicatriser spontanément après quelques mois, sans aucun soin particulier.

Cette vaccination peut également induire le développement d'un ganglion lymphatique régional de moins de 1 cm. Pour l'heure, les professionnels et étudiants des professions de santé visés par les articles L.3112-1 et 2 du Code de la santé publique demeurent soumis à l'obligation vaccinale par le BCG. Une vaccination, même ancienne, est exigée à l'embauche.

MÉCANISMES D'INFECTION

La tuberculose est une infection mycobactérienne liée, dans la majorité des cas, à Mycobacterium tuberculosis hominis ou bacille de Koch (BK) et plus rarement à Mycobacterium tuberculosis bovis ou africanum. Elle se transmet uniquement par voie aérienne suite à l'émission d'un aérosol de particules contenant des bacilles tuberculeux. La contamination est directement corrélée à la proximité et la promiscuité des contacts et à la charge bactériologique de l'aérosol. Les bacilles se déposent au niveau des alvéoles pulmonaires et sont phagocytés par des macrophages dans lesquels ils meurent, restent au repos ou se multiplient (3). La dissémination se fait d'abord par voie lymphatique et ganglionnaire, puis sanguine avec localisations secondaires (4).

Dans la plupart des situations, le développement en un à deux mois d'une immunité cellulaire spécifique s'oppose à la réinfection et limite la multiplication et la dissémination des bacilles. Cet état, au cours duquel le sujet est asymptomatique, est défini comme la « tuberculose infection » ou « primo-infection ». Dans 90 % des cas, cette réaction immunitaire amène la guérison définitive des lésions. Dans 10 % des cas, les sujets développent la tuberculose maladie, pour moitié, de façon précoce dans les cinq ans qui suivent la primo-infection, et pour moitié plus tardivement au cours de leur vie.

Dans les pays où la prévalence est faible, les tuberculoses sont généralement consécutives à une réactivation de la maladie et les tuberculoses par réinfection exogène [lire l'encadré p. VI] sont rares. Elles concernent principalement les sujets à risque du fait de leurs conditions de vie ou de leur origine ethnique (sans domicile fixe, hygiène précaire, immigrés récents), les sujets âgés infectés dans leur jeunesse et les sujets immunodéprimés. Une fois infectée, une personne est susceptible de développer une maladie tuberculeuse en fonction de différents facteurs de vulnérabilité. Au-delà des facteurs génétiques de susceptibilité mis en évidence par certaines études (5), l'affaiblissement des défenses immunitaires constitue le principal facteur favorisant la multiplication bacillaire et le développement de la maladie.

DES FORMES VARIÉES

Chez l'adulte comme chez l'enfant, la tuberculose peut prendre la forme d'une tuberculose pulmonaire (environ 70 % des cas) ou d'une tuberculose extra-pulmonaire (tuberculose pleurale, péricardique, ganglionnaire, osseuse, méningite tuberculeuse, miliaire tuberculeuse (6)...). Tout organe peut être atteint par la tuberculose. La tuberculose de l'enfant témoigne toujours d'une infection récente à partir d'un adulte qui présente la forme pulmonaire de la maladie, car une personne atteinte d'une tuberculose extra-pulmonaire n'est pas contagieuse.

« Plus l'enfant est jeune, plus le risque de passage du stade infectieux à la maladie est important, indique l'expertise de l'Inserm (3). Il est de 43 % avant l'âge d'un an, de 24 % entre 1 et 5 ans et de 16 % entre 14 et 15 ans. Les nourrissons risquent particulièrement de développer une forme grave. La recherche d'un "contamineur" dans l'entourage proche de l'enfant suspecté de présenter une tuberculose est essentielle pour confirmer le diagnostic et prendre en charge la personne contaminante ainsi que les autres enfants et personnes de l'entourage susceptibles d'avoir été contaminées. » C'est la raison pour laquelle le programme national 2007-2009 de lutte contre la tuberculose [lire l'encadré ci-dessous] met particulièrement l'accent sur le diagnostic précoce des tuberculoses actives et sur la détection de l'infection chez les sujets à risque ayant été en contact étroit avec les malades.

DÉPISTAGE ET DIAGNOSTIC

Sujets malades. Le diagnostic des tuberculoses pulmonaires repose sur un faisceau d'éléments cliniques non spécifiques : toux persistante de plus de trois semaines, douleurs de poitrine, fatigue anormale, perte de poids et d'appétit, fièvre, frissons et sueurs nocturnes. Il est confirmé par l'examen bactériologique (recherche de bacilles de Koch dans les expectorations). Actuellement, un délai moyen de trois mois s'écoule entre l'apparition des symptômes et le diagnostic de la tuberculose maladie (7).

Plusieurs facteurs entrent en jeu pour expliquer ce délai, notamment la lenteur de développement du bacille de Koch. Cela est également dû au fait que les médecins, rarement confrontés à ce diagnostic (8), n'ont pas d'emblée le « réflexe tuberculose » lorsqu'ils sont en présence d'une symptomatologie pouvant suggérer de nombreux diagnostics. Il est donc indispensable d'améliorer le dépistage de la maladie chez les populations à risque en favorisant le partenariat entre les équipes de lutte antituberculeuse, les médecins de ville (généralistes et spécialistes) et les personnels assurant l'accueil dans les foyers d'urgence, les centres d'hébergement sociaux ou les centres d'accueil des demandeurs d'asiles (5 000 par an), entre autres.

Au-delà du dépistage proprement dit, ce travail présente l'intérêt d'informer les personnes exposées, d'améliorer leur connaissance de la maladie, de ses risques et des conditions de prise en charge. Des informations capitales car, ainsi qu'en témoignent les experts du Comité national d'élaboration du programme de lutte contre la tuberculose, la méconnaissance de la gratuité des soins et du devoir de confidentialité des professionnels de santé est un frein au recours aux soins et favorise l'augmentation du nombre de cas de tuberculose, ainsi que l'émergence de souches résistantes [lire l'encadré p. VIII]. Au-delà des personnes cibles, il convient également de renforcer l'information des professionnels (9) exerçant au contact des groupes de population exposés car il est avéré que cela raccourcit le délai diagnostique et facilite leur recours aux soins.

Sujets contacts. On appelle sujet contact toute personne de l'entourage d'un malade tuberculeux contagieux (cas index) qui est présente simultanément avec lui dans la même pièce ou qui est exposée au cas index dans une « bulle » de 2 m de diamètre en milieu extérieur.

Parmi les sujets contacts d'un cas index atteint de tuberculose respiratoire, 20 à 30 % présentent une infection tuberculeuse latente. En l'absence de traitement de l'infection tuberculeuse latente, 1 % d'entre elles développeront une tuberculose maladie, qui surviendra dans 80 % des cas dans les deux ans suivant la contamination. « En moyenne, dans notre recrutement, l'enquête autour d'un cas de tuberculose pulmonaire contagieuse met en évidence une infection tuberculeuse latente chez 25 à 30 % des sujets contacts, confirme Nathalie Ronsin, faisant fonction de cadre au sein du Clat 94. Toutefois, si le cas index est très contagieux, la proportion des sujets contacts contaminés peut atteindre 50 %. » Sachant que le traitement de l'infection tuberculeuse latente diminue considérablement le risque de développer une tuberculose maladie, on mesure l'intérêt d'avoir systématisé le travail d'enquête autour d'un cas. Ce travail est orchestré par les Clat (10).

« À partir d'un signalement communiqué au Clat par un laboratoire de bactériologie ou un médecin, explique Nathalie Ronsin, notre équipe mobile, après avoir recueilli l'accord du malade (cas index), se déplace à son chevet et réalise un entretien ayant pour objectif d'identifier tous les sujets contacts durant la période de contagiosité dans le but de leur proposer un dépistage. Les entretiens sont réalisés par les infirmières. Elles établissent un compte rendu validé par les médecins. » Lorsque le cas index est un enfant scolarisé ou un étudiant, l'équipe du Clat entre en contact avec l'établissement pour organiser le dépistage. Celui-ci présente d'autant plus d'intérêt que les jeunes porteurs d'une infection tuberculeuse latente récemment acquise répondent particulièrement bien au traitement préventif de la tuberculose maladie.

Dépistage et traitement des infections tuberculeuses latentes.

Le test de référence utilisé pour le dépistage des infections tuberculeuses latentes est l'intradermoréaction à la tuberculine. Son interprétation dépend d'une lecture différée par rapport à l'injection (elle doit être effectuée entre 48 et 72 heures après), ce qui représente un handicap (perdus de vue notamment). En outre, l'intradermoréaction à la tuberculine est difficile à interpréter chez les sujets vaccinés par le BCG et les personnes qui ont été sensibilisées aux mycobactéries environnementales. C'est la raison pour laquelle, en décembre 2006, la HAS a rendu un avis favorable à l'utilisation d'un nouveau test basé sur la détection de l'interféron gamma (11). Ce test serait nettement plus spécifique (surtout en cas de vaccination antérieure par le BCG), et au moins aussi sensible et plus reproductible que l'intradermoréaction à la tuberculine. Pour l'heure, la HAS autorise son utilisation dans quatre indications :

- enquête autour d'un cas avéré ;

- embauche des professionnels exposés, selon les mêmes indications que l'intradermoréaction ;

- avant traitement par des anti-TNF alpha ;

- pour aider au diagnostic des tuberculoses extra-pulmonaires.

« Le traitement des infections tuberculeuses latentes fait appel à deux schémas principaux, explique le Pr Fraisse, pneumologue à l'hôpital de Hautepierre (Strasbourg) et responsable du groupe tuberculose de la Société de pneumologie de langue française (SPLF) : isoniazide en comprimés (Rimifon ®) à 5 mg/kg/jour en une prise durant six à neuf mois ou association isoniazide- rifampicine (Rifinah ®) pendant trois mois (plus court, mieux accepté mais plus d'interactions médicamenteuses et un peu plus de toxicité hépatique). Chez l'enfant, on utilise une préparation magistrale d'isoniazide poudre en sachets contenant la dose journalière et une solution buvable de rifampicine (Rifadine ®). »

Cependant, pour éviter qu'une infection tuberculeuse latente n'évolue en maladie, il ne suffit pas de prescrire le bon traitement, il faut s'assurer qu'il est bien observé. Or, la durée du traitement, les effets indésirables associés (intolérance digestive, troubles hépatiques et ophtalmologiques, polyarthralgies, atteintes cutanéo-muqueuses) et les conditions de vie précaires de la majorité des patients ne favorisent pas l'observance. C'est la raison pour laquelle il faut assortir le traitement d'une éducation thérapeutique minimum au moment de la prescription. « Une surveillance rapprochée n'est pas recommandée dans ce cas, dans la mesure où les personnes atteintes de tuberculose latente ne sont pas contagieuses (trop peu de bacilles dans les poumons) et ne développent la tuberculose maladie que dans 10 % des cas », explique le Pr Fraisse.

ACCOMPAGNER LE TRAITEMENT

En revanche, en cas de tuberculose active, la mise en place d'un traitement doit être associée à un suivi rapproché des patients. Dans ce cas, les autorités internationales recommandent la méthode du « traitement directement observé » : une personne formée (en général un soignant) s'assure jusqu'à la fin du traitement que le patient prend quotidiennement ses médicaments. Cette méthode lourde n'est pas utilisée en France. Les équipes des Clat suivent les recommandations du Conseil supérieur d'hygiène publique de France : une surveillance clinique et paraclinique rapprochée comprenant, au-delà du bilan initial, une radiographie thoracique, un bilan bactériologique sur expectoration et un dosage des transaminases à J10-15, J30, et M2. Ensuite, le suivi clinique et radiologique doit être poursuivi à M4, M6, M9 et M12-18 et un contrôle bactériologique réalisé à la demande en cas d'expectoration. Ces dispositions permettent de s'assurer qu'au terme du traitement, le patient est guéri. Depuis 2007, les autorités ont mis en place une « déclaration obligatoire des issues de traitement antituberculeux », adressée au médecin douze mois après son initialisation.

Bien que le recul soit insuffisant pour en apprécier les retombées, le nouveau plan de lutte antituberculeuse devrait permettre, si la montée en puissance de l'activité des Clat se poursuit, de stabiliser, voire de faire reculer cette maladie au sein des populations à risque, malgré l'arrêt de la vaccination. Mais pour y parvenir, il appartient à tous les soignants de prendre conscience qu'ils doivent désormais appréhender cette pathologie dans une dimension plus large, intégrant à la fois l'aspect curatif et la santé publique. Cela suppose une mobilisation générale du corps médical et paramédical et une harmonisation des pratiques des Clat. C'est à ce prix que l'on parviendra à faire encore reculer l'incidence de cette maladie dans notre pays. Un vrai challenge quand on sait qu'en Allemagne, l'incidence de la tuberculose est deux fois moins importante qu'en France !

1- Bulletin épidémiologique hebdomadaire n°11, 20 mars 2007.

2- Comité national d'élaboration du plan de lutte contre la tuberculose, juillet 2007.

3- Expertise collective de l'Inserm (novembre 2004).

4- http://www.medinfos.com.

5- La prédisposition génétique est aujourd'hui reconnue, mais il n'est pas encore possible de prédire par l'analyse génétique qui développera une tuberculose après une infection latente.

6- Forme grave de tuberculose qui correspond à une dissémination du bacille par voie sanguine.

7- Une étude de 1994 estimait le délai moyen entre le début des symptômes et la mise sous traitement à 98 jours, avec un délai médian de 52 jours (LAT 2007).

8- En moyenne, un médecin généraliste voit un cas tous les vingt ans, et un pneumologue trois cas par an (LAT 2007).

9- Documents disponibles auprès de l'Inpes, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, le Comité national contre les maladies respiratoires, le Comité médical pour les exilés, les conseils généraux...

10- Il existe environ 150 Clat en France. Liste et localisation sur http://www.splf.org.

11- L'utilisation de ce test n'est pas recommandée chez les enfants de moins de 15 ans.

Population à risque

La population présentant un risque accru de tuberculose est aujourd'hui bien cernée grâce à la surveillance épidémiologique.

Il s'agit principalement :

- des migrants venant de régions à forte prévalence (Guyane, Afrique subsaharienne, Asie...) ;

- des personnes sans domicile fixe ou vivant dans des conditions de précarité et de promiscuité importantes (comme les détenus) ;

- des personnes âgées ;

- des malades du sida ;

- des voyageurs se rendant en pays d'endémie.

Dans ces groupes, l'incidence est supérieure à la moyenne nationale.

En chiffres

- L'incidence de la tuberculose régresse en France :

- 11,2 cas pour 100 000 habitants en 2000 ;

- 10,2 pour 100 000 en 2003 ;

- 8,9 pour 100 000 en 2005.

- 5 374 cas de tuberculose ont été repérés en 2005, dont plus de 70 % pour la tuberculose pulmonaire.

Le programme de lutte

Le Programme national de lutte contre la tuberculose 2007-2009, élaboré par un comité associant l'ensemble des acteurs de la lutte antituberculeuse (experts, agences sanitaires, ministères concernés, assurance-maladie et usagers), est inscrit parmi les 100 priorités de la loi de santé publique de 2004. Il s'agit de « stabiliser l'incidence globale de la tuberculose en renforçant la stratégie de lutte sur les groupes et zones à risque ». Ce plan comprend un volant de mesures destinées à renforcer le dépistage et le diagnostic précoce, mettre en place un traitement adapté pour tous, optimiser la stratégie vaccinale, améliorer la prise en charge des tuberculoses multirésistantes pour contenir ce phénomène et consolider le dispositif de lutte antituberculeuse. Il propose un pilotage régional de la lutte contre la tuberculose articulé autour des Centres départementaux de lutte antituberculeuse (Clat).

Pour en savoir plus sur ce programme : http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/tuberculose/prog_tuberculose_2007_2009.pdf.

Réinfection, réactivation

- On parle de réinfection exogène lorsqu'un individu qui a déjà fait une primo-infection est à nouveau infecté, avec un autre bacille. À chaque fois, le principe est le même : contamination, phase d'infection latente, éventuellement tuberculose ultérieure.

- Il y a réactivation lorsque la tuberculose est liée à la multiplication non contrôlée de bacilles restés latents depuis leur acquisition.

- Une tuberculose peut ainsi résulter d'une infection récente, de la réactivation d'une infection ancienne et, en cas de deuxième épisode chez un même sujet, d'une rechute avec le même bacille, ou des suites d'une réinfection avec un nouveau bacille.

Source : Pr Fraisse, pneumologue à l'hôpital de Hautepierre (Strasbourg).

Les traitements

Le traitement de la tuberculose maladie est codifié au niveau international. En France, d'après les recommandations du Conseil supérieur d'hygiène publique de France (CSHPF) et de la Conférence d'experts de la Société de pneumologie de langue française (SPLF), le traitement standard de la tuberculose comporte quatre médicaments administrés le plus souvent en une prise orale (de préférence à jeun : une heure avant le repas ou au moins deux heures après) :

- isoniazide (Rimifon ®) : 4 à 5 mg/kg/jour ;

- rifampicine (Rifadine ®, Rimactan ®) : 10 mg/kg/jour ;

- éthambutol (Myambutol ®, Dexambutol ®) : 15 à 20 mg/kg/jour ;

- pyrazinamide (Pyrilene ®) : 25 mg/kg/jour, contre-indiqué chez la femme enceinte.

Les deux premières molécules sont prescrites pendant six mois, durée de traitement recommandée pour l'immense majorité des tuberculoses en France. Les deux autres sont associées aux précédentes pendant les deux premiers mois seulement (quadrithérapie initiale). En pratique, une trithérapie ne comportant pas d'éthambutol est souvent proposée aux patients estimés non à risque de tuberculose résistante à l'isoniazide (patients d'origine française n'ayant pas séjourné dans un pays à forte prévalence de tuberculose multirésistante et vivant dans des conditions favorables). Cependant, le taux de souches d'emblée résistantes à l'isoniazide étant estimé aux alentours de 5 %, cet usage n'est pas recommandé. En cas de tuberculose extra-pulmonaire, le traitement standard de six mois est recommandé. Toutefois, il est habituel, en cas de méningite tuberculeuse ou de tuberculose extra-pulmonaire grave, de prolonger le traitement sur 9 à 12 mois.

De même, une corticothérapie associée au traitement antituberculeux est recommandée dans certains cas de tuberculose extra-pulmonaire (tuberculose péricardique, méningite tuberculeuse, entre autres). L'adjonction de vitamine B6 (50 mg/jour) permet de prévenir la survenue de neuropathies périphériques dues à l'isoniazide chez les patients à risque (dénutris, alcooliques, femmes enceintes, malades du sida, diabétiques ou insuffisants rénaux). Pour simplifier la prise des traitements, des combinaisons de plusieurs molécules existent :

- Rifater ® : isoniazide + rifampicine + pyrazinamide ;

- Rifinah ® : isoniazide + rifampicine ;

- Dexambutol-INH ® : isoniazide + éthambutol.

Source : « Prise en charge thérapeutique d'une tuberculose », F.-X. Blanc, hôpital Bicêtre, Entretiens de Bichat, 11 septembre 2006.

Tuberculoses multirésistantes

Les tuberculoses multirésistantes sont des tuberculoses maladies qui ne répondent pas aux deux antituberculeux majeurs (isoniazide et rifampicine). Le Centre de référence des résistances (Pr Jarlier, laboratoire de la Pitié-Salpêtrière) recensait respectivement 79 et 77 cas en 2002 et 2003 en France. La prévalence des tuberculoses multirésistantes parmi les nouveaux cas de tuberculose (résistance primaire) reste peu élevée (environ 50 par an) (1).

« Ce taux relativement faible (1,4 % des souches testées en décembre 2005) est néanmoins inquiétant, indique le Pr Fraisse, car il s'agit d'un doublement par rapport aux années précédentes. En outre, les résistances se manifestent chez des personnes jamais traitées et les malades sont jeunes, ce qui prouve l'acquisition récente des bacilles multirésistants. » (2)

À titre préventif, la meilleure protection contre les résistances demeure un traitement conforme et bien suivi. L'observance du traitement inaugural est d'autant plus importante qu'une fois la résistance acquise, les traitements sont très lourds, longs (deux à trois ans) et grevés de nombreux effets secondaires et d'échecs (50 % de décès). Il est primordial de s'assurer que les cas index identifiés soient bien traités et suivis, et que les enquêtes diligentées par les Clat sur ces cas soient extrêmement performantes.

1- Source : expertise Inserm.

2- « Lutte antituberculeuse en France : les lacunes persistent », Dr Brigitte Némirovsky, 18 janvier 2006 (http://www.egora.fr).