Sous le soleil, le plomb - L'Infirmière Magazine n° 235 du 01/02/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 235 du 01/02/2008

 

Saturnisme

Du côté des réseaux

Dans les Bouches-du-Rhône, le réseau Saturne Sud prend en charge les familles concernées par le saturnisme, et coordonne des actions de prévention.

« En tant que cité portuaire, Marseille est particulièrement touchée. Autrefois, les ouvriers des chantiers navals, les pêcheurs, les dockers, ramenaient chez eux des peintures à bateaux, riches en plomb, pour repeindre leur maison, raconte Houria Boukhelifa, infirmière à la consultation saturnisme de l'hôpital de La Timone. Or, ces peintures subsistent dans les logements construits avant 1948, aujourd'hui dégradés, et intoxiquent les enfants qui ont l'habitude de tout porter à la bouche. »

consultations

Le réseau Saturne Sud a été fondé en 1991. Il réunit des soignants (infirmières, médecins et toxicologues), des ingénieurs de la Ddass des Bouches-du-Rhône et des représentants du service de protection maternelle et infantile du conseil général. « Les services de PMI orientent une partie des familles vers notre consultation pour un dépistage, explique Houria Boukhelifa. Lorsqu'une analyse de plombémie révèle une intoxication, le dossier est transmis au médecin-inspecteur de la Ddass. Le service santé-environnement est également prévenu afin d'enquêter sur le lieu de vie de la famille et de lancer la procédure qui permettra d'obtenir du propriétaire que l'habitation soit rénovée. »

Deux autres consultations ont été créées dans les centres hospitaliers de Salon-de-Provence et d'Aubagne, avec une infirmière en première ligne. « Nous recevons les familles, effectuons l'entretien sur leurs habitudes de vie et l'état de leur logement, et nous réalisons une prise de sang sur les enfants, détaille Houria Boukhelifa. Si la plombémie se situe en deçà de 100 microgrammes de plomb par litre, tout peut s'arrêter là. »

Par contre, si l'enfant présente des symptômes de type douleurs abdominales, constipation, pâleur, etc., ou une plombémie supérieure à 400 microgrammes, il est reçu par le médecin : « C'est lui qui prescrit la radiographie abdominale et le traitement chélateur (1). » Entre les deux, l'équipe conseille plutôt l'éviction de la source d'intoxication : « Le mieux, c'est que la famille s'installe chez des proches, le temps que les travaux soient réalisés, poursuit l'infirmière. Au besoin, ils sont hébergés à l'hôtel. Le problème, c'est que certains propriétaires refusent d'engager des travaux et jettent les familles à la rue. »

informer les médecins

Depuis 2006, le réseau s'est constitué en association. « Cela nous permet de voir nos projets mieux reconnus au niveau de l'hôpital, et de bénéficier de subventions pour nos campagnes d'éducation ou nos séances de prévention dans les écoles. » Car Saturne Sud déploie de nombreux efforts pour sensibiliser populations et professionnels de santé. « La plupart des gens n'ont jamais entendu parler de saturnisme, note Houria Boukhelifa. Même les médecins : le sujet est évoqué pendant leur formation, mais en précisant que c'est une maladie rare. C'est très insuffisant. »

Outre l'information diffusée via les PMI et les associations partenaires du réseau, Saturne Sud va désormais au devant des médecins libéraux. Les infirmières repèrent les rues « à risque » sur les cartes d'Aubagne et de Salon. « Je suis en train de travailler sur celle de Marseille, mais comme la ville est très étendue, c'est plus long, précise Houria Boukhelifa. Nous avons déjà répertorié quelque 6 000 adresses où des intoxications ont été diagnostiquées ou que les services de la Ddass ont repérées comme logements insalubres. »

outils de prévention

Les services de santé scolaire ont été contactés début 2007 afin d'inclure dans la visite médicale proposée à chaque enfant de cinq ans un questionnaire permettant au médecin d'apprécier s'il vit dans un environnement à risques. « Nous avons reçu beaucoup d'enfants après cette intervention », souligne l'infirmière.

Le réseau a créé différents outils de prévention : plaquettes, affiches, livrets à diffuser aux parents... Depuis octobre dernier, ses membres, notamment les puéricultrices, sont intervenus dans les écoles maternelles des vieux quartiers pour sensibiliser les enfants. « Karine Hadji, ingénieur à la Ddass, a créé un jeu de l'oie pour faire passer le message aux enfants », explique Houria Boukhelifa.

échanges

Enfin, le réseau a organisé l'an dernier, fin novembre, son premier colloque national, à l'hôpital de La Timone. « C'était le moyen, pour nous, de réunir des acteurs de la lutte contre le saturnisme en France afin d'échanger nos outils de prévention et de prise en charge », résume la soignante.

1- Le traitement chélateur consiste à fixer le plomb sous une forme non toxique, afin de l'éliminer par voie urinaire.