Une somme de sagesse - L'Infirmière Magazine n° 235 du 01/02/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 235 du 01/02/2008

 

Réflexion

Éthique

« Éthique, médecine et société », dont le premier tome vient de paraître, éclaire le soignant dans son questionnement professionnel. C'est un beau livre, qui parle sincèrement d'humanité.

« Comment faire pour bien faire ? » Cette question, qui sous-tend toute démarche éthique, nombre de soignants y sont confrontés chaque jour. Que le soin dispensé soit simple ou complexe, routinier ou singulier, le bien-être de l'autre n'est jamais acquis du seul fait de l'acte prodigué. Il l'est d'abord par la pensée qui le précède et le légitime.

aide précieuse

Alors que les espaces et les temps nécessaires au questionnement éthique se sont multipliés ces dernières années, les professionnels se sentent encore souvent isolés dans l'exercice de leur mission, ou désarmés face à la personne malade. Dans ce cadre, Éthique, médecine et société (1), sous-titré Comprendre, réfléchir, décider, devrait offrir à chaque soignant une aide précieuse. Les 108 auteurs - dans leur très grande majorité des soignants, dont trois infirmiers - puisent dans leur pratique, et leur expérience du doute, la matière qui fonde leur contribution et qu'ils livrent aujourd'hui en partage.

Les autres, sociologues, philosophes, juristes... dégagent des perspectives qui éclairent la nouvelle géographie du soin et le périmètre de la responsabilité des soignants, récemment dessinés sous les traits du droit des usagers, de l'évolution de la société et du progrès scientifique et biomédical. « Pour la première fois peut-être, les questions éthiques dans leur extrême diversité sont traitées avec la rigueur d'un traité scientifique et en même temps la profondeur d'un traité de philosophie », note dans sa préface Didier Sicard, président du Comité consultatif national d'éthique.

« L'idée qui nous a portés dans la réalisation de ce livre était de mettre à disposition des soignants - et plus largement même du grand public - des clés et des repères qui leur permettent de mieux comprendre et de mieux penser la réalité du soin. Cette volonté s'inscrit à un moment sensible où le "care" [prendre soin] s'affirme sur le "cure" [soin]. Une situation qui induit pour les professionnels d'être sans cesse exposés à des problématiques éthiques sur fond d'enjeu démocratique. Leurs difficultés sont d'autant plus prégnantes qu'elles s'exercent dans un environnement budgétaire contraint, souligne Emmanuel Hirsch, coordonnateur de l'ouvrage et directeur de l'Espace éthique de l'AP-HP de Paris. Il est important pour eux d'être rassurés en découvrant que d'autres soignants et professionnels sont aussi traversés par les mêmes questions et les mêmes exigences pour construire leur décision. »

pas prescriptif

La démarche adoptée par l'ouvrage n'est en rien prescriptive. Elle privilégie au contraire une approche multidisciplinaire et citoyenne d'une éthique profondément enracinée dans le soin. Le tome II est déjà en préparation.

1- Éditions Vuibert, collection Espace éthique, 892 pages, 49 euros.

TÉMOIN

Véronique Moulinat « Non aux ouvrages élitistes ! »

« Je viens de terminer mon DU en soins palliatifs et d'accompagnement, raconte Véronique Moulinat, infirmière coordinatrice du Réseau de soins palliatifs et de support en Essonne-sud. Durant cette formation de deux ans, j'ai pu lire des articles et des ouvrages sur l'éthique. J'ai suivi des cours de philosophie et de psychanalyse qui m'ont permis de mieux appréhender le respect de la personne et l'écoute de ses besoins. Toutefois, je pense que notre réflexion éthique se construit chaque jour grâce aux échanges que nous entretenons avec les professionnels qui participent à la prise en charge des patients. C'est une démarche permanente qui interroge sans cesse notre pratique. En revanche, il n'est pas facile de trouver le temps de nourrir cette dimension du soin par des lectures régulières. Je trouve aussi que les ouvrages qui traitent de l'éthique du soin sont insuffisamment vulgarisés. Dans l'ensemble même, je les juge élitistes car leur lecture fait appel à des références que l'on n'a pas toujours. »