Les étapes de la prise en charge - L'Infirmière Magazine n° 236 du 01/03/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 236 du 01/03/2008

 

douleur liée aux soins

Modes opératoires

Pour prévenir ou diminuer la douleur provoquée par les soins, les solutions sont connues et très souvent disponibles. Leur mise en oeuvre dans les unités de soins demande une réflexion à la fois collective et individuelle.

UNE DÉMARCHE COLLECTIVE

Identification des soins douloureux et des moyens antalgiques. Au niveau collectif, il est nécessaire :

- d'identifier et lister les soins douloureux qui sont couramment réalisés ;

- de mener une réflexion sur leur systématisation et d'envisager une indication individualisée ;

- de réfléchir à la technique de soin utilisée ;

- d'identifier les moyens de prévention des douleurs provoquées par les soins les plus fréquents ;

- de réaliser des protocoles de prescriptions d'antalgiques (Emla®, Méopa, etc.) ;

- de définir des procédures de soins incluant les moyens médicamenteux et non médicamenteux de prévention de la douleur provoquée ;

- de solliciter des prescriptions anticipées lorsque le soin est jugé douloureux ou inconfortable ;

- de développer l'utilisation systématique et adaptée des moyens non pharmacologiques ;

- d'inclure le paramètre de prévention de la douleur dans le choix des matériels utilisés.

Formation des soignants. Dans l'état actuel des connaissances et de la recherche, la formation concernant la douleur provoquée par les soins concerne à la fois la formation initiale (accompagnement des étudiants dans les unités de soins) et la formation continue des équipes. Cette formation porte sur les connaissances ainsi que sur la mise en oeuvre des techniques de soin (développement de l'organisation et de la dextérité par exemple) ainsi que des moyens de prévention et de prise en charge de la douleur provoquée (Méopa, hypnoanalgésie, etc.). Les formations peuvent aussi concerner les résistances aux changements qu'engendre la mise en place de pratiques nouvelles.

Développement de la réflexion éthique. Dans chaque équipe, des questions comme « comment ne pas nuire au patient ? » ou « identifier le rapport bénéfice-risque des soins mis en oeuvre » ne doivent pas être des réflexions réservées à des services spécialisés. La prise en charge de la douleur des patients renvoie chaque soignant à ses propres représentations. La réflexion en équipe permet également de clarifier les positionnements individuels et collectifs par rapport à la douleur des patients accueillis.

Évaluation des pratiques. Grâce aux enquêtes et audits réalisés dans les établissements, souvent à l'initiative des Comités de lutte contre la douleur (Clud), il est possible d'apprécier la qualité de la prise en charge de la douleur provoquée par les soins.

UNE MISE EN OEUVRE INDIVIDUELLE

Étapes de la prise en charge du patient lors d'un soin douloureux. Lors de la réalisation des soins, chaque soignant a une action individuelle privilégiée pour prévenir la douleur. De nombreux éléments concourent à cette prévention. Ils se complètent et ont tous leur importance.

L'indication du geste est pesée. S'il s'agit d'un acte diagnostic, une réflexion sur les moyens existants est menée (on choisira la méthode la moins invasive en première intention).

Comportement apaisant. Le comportement du soignant à l'égard du patient est le premier élément de prévention de la douleur ou de l'anxiété générées par les soins. Par son professionnalisme, le soignant transmet la sécurité nécessaire au patient.

Information adaptée. L'information, élément indispensable à la prévention de la douleur, sera adaptée aux capacités cognitives et de compréhension du patient. Elle doit être exacte, mais ne pas générer de crainte, de peur. Le moment de l'information est toujours délicat : trop précoce, il peut laisser place à l'anxiété ; trop tardif, il perd de son efficacité. Le temps d'information permettra également de préciser au patient les moyens antalgiques utilisés et comment le patient pourra participer activement au soin.

Pour informer l'enfant, l'infirmière pourra utiliser le jeu : représentation du soin sur une poupée, un ourson, manipulation du matériel, de jouets représentant l'hôpital.

Évaluation de la douleur et de l'anxiété avant le soin. L'infirmière évalue avec un moyen adapté au patient sa douleur avant le soin. Elle identifie également l'anxiété éventuelle du patient : sa perception du soin, son inquiétude par rapport à un vécu antérieur, sa méconnaissance du soin à venir. Le soignant favorise l'expression verbale du patient, mais repère également les signes comportementaux exprimés par le patient.

Présence d'une tierce personne pendant le soin. Trop souvent, les proches assistent aux soins en spectateurs impuissants, alors qu'ils peuvent être sécurisants pour le patient. Leur présence est proposée, sans obligation. Leur rôle pendant le soin leur est précisé (prendre la main du patient, lui parler, etc.). Concernant l'enfant, le parent doit pouvoir l'accompagner et contribuer à le rassurer par des moyens simples (jeu, histoire, chant, respiration, massage, etc.).

Organisation du soin. La prévention et la prise en charge de la douleur nécessitent un minimum d'organisation. Dans la mesure du possible, la planification du geste respecte le rythme du patient.

Ainsi, pour être efficace, une méthode d'antalgie doit en règle générale être mise en route avant le soin, voire à distance du soin (Emla ®). L'ensemble du matériel pour la prévention de la douleur ainsi que pour la réalisation du soin doit être prévu. La mise en place de procédures de soins incluant les moyens de prévention de la douleur facilitera le travail des soignants. L'organisation des soins se décline ainsi : anticipation, respect de l'efficacité des moyens antalgiques, travail en binôme, anticipation de la mise en oeuvre des moyens antalgiques, respect du délai d'efficacité des antalgiques.

Installation et environnement

Du patient. Quel que soit le soin, le soignant veillera à installer le patient dans une position confortable, évitant la fatigue et des douleurs supplémentaires. Toutes les stimulations, sonores ou visuelles, seront évitées.

Du soignant. L'installation du soignant lui permet d'avoir un geste plus sûr. Elle sera d'autant plus importante que le soin sera long. Pendant le soin, le soignant évitera d'être dérangé afin d'être totalement disponible pour le patient dont il s'occupe.

Choix du matériel. Le choix du matériel adapté s'effectue à plusieurs niveaux. Il revient au soignant de choisir le bon calibre de sonde, d'aiguille, le pansement adapté, pour limiter la douleur du patient.

CAS CLINIQUE

Nathalie, étudiante infirmière, se demande comment diminuer la douleur lors du retrait des adhésifs. Pour limiter la douleur lors du retrait des adhésifs, il faut d'abord en limiter l'utilisation. Les pansements peuvent par exemple être maintenus par l'utilisation d'une bande, d'un filet. Si le patient est porteur d'une sonde, on posera sur la peau une plaque de protection (de type Comfeel ® ou Tegaderm ®) qui restera en place plusieurs jours et sur laquelle on fixera l'adhésif qui maintient la sonde. Celui-ci pourra être changé aussi souvent que nécessaire sans léser la peau et sans provoquer de douleur. Le retrait de cette plaque ne se fera que lorsqu'elle se décollera d'elle-même. Lorsque le maintien d'un matériel ne peut pas se faire sans adhésif, on l'ôtera en se servant de sérum physiologique ou d'un produit adapté (Remove ® par exemple).

Il existe désormais des pansements hydrocellulaires siliconés (1) qui ont montré leur efficacité sur la réduction de la douleur lors de leur retrait.

Dextérité. La maîtrise du geste contribue à la prévention de la douleur. Il est important de connaître les techniques de soins et de les maîtriser (tamponner une cicatrice avec des fils ou des agrafes plutôt que de passer la compresse de droite à gauche et inversement). Le soignant doit également pouvoir passer la main quand il ne parvient pas à réaliser un geste (un prélèvement veineux par exemple).

Choix de l'analgésie. Le choix de l'analgésie est proposé en fonction :

- du soin ;

- de l'âge du patient ;

- de son état ;

- de son vécu antérieur ;

Divers moyens antalgiques pharmacologiques et non pharmacologiques sont disponibles. Il est souhaitable qu'un arbre décisionnel permette à l'infirmière de mettre en place ces différents moyens en fonction de la situation à laquelle elle est confrontée.

Association des moyens. Il n'existe pas actuellement un seul moyen permettant d'éviter la douleur provoquée par les soins. Seule l'association de moyens non médicamenteux (relevant le plus souvent du rôle propre) et de moyens médicamenteux adaptés se révèle efficace.

Évaluation de la douleur

Pendant le soin. Le soignant qui réalise le soin ou la personne qui l'accompagne évalue la douleur au cours du soin. Pour chaque soin, il peut être indiqué d'identifier les phases les plus douloureuses ou susceptibles de réveiller une douleur, afin d'adapter le moment de l'évaluation : par exemple, pendant le pansement, l'évaluation se fait au moment du retrait des adhésifs, au moment de l'ablation du pansement primaire, au moment de la détersion.

Après le soin. L'efficacité des moyens mis en oeuvre sera notée dans le dossier afin de renouveler ou de réajuster l'association des moyens mis en oeuvre lors du soin suivant.

1- Pansements hydrocellulaires issus de la technologie Safetac ® (laboratoire Mölnlycke Health Care).