Quête de réponses dans le flou génétique - L'Infirmière Magazine n° 236 du 01/03/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 236 du 01/03/2008

 

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Rennes compte l'un des huit centres de référence français spécialisés dans les anomalies rares du développement. Génétique y rime avec humain, examens avec annonce. Sur ce chemin escarpé, une infirmière joue les premiers rôles.

Les bienfaits d'un service se jugent-ils au standing de ses locaux ? Heureusement non... Implanté à l'entrée du site de l'hôpital Sud du CHU de Rennes, le préfabriqué qui abrite le centre de référence des anomalies du développement et syndromes malformatifs ne paie pas de mine. L'équipe du professeur Sylvie Odent assure pourtant chaque année entre 1 500 et 2 000 consultations auprès de personnes à la recherche d'un diagnostic, souvent après des années d'errance médicale. Il peut s'agir de femmes encore enceintes dont l'embryon présente une malformation à l'échographie, de nourrissons avec une hypotonie (1) ou une dysmorphie (2), de jeunes enfants souffrant d'une malformation avec ou sans retard psychomoteur, ou encore d'adultes handicapés venus consulter d'eux-mêmes.

maladies rares

Sans cela, ces personnes auraient poursuivi un parcours de santé chaotique et marqué par l'incertitude liée à l'absence de diagnostic. Car au handicap s'ajoute le fait que les patients sont touchés par une pathologie rare. Ce terme est employé lorsqu'une personne sur 2 000 en est atteinte, ce qui représente moins de 30 000 cas sur l'ensemble du pays.

Comme les sept autres structures spécialisées dans les anomalies du développement qui existent en France, le centre de référence de Rennes voit arriver des patients d'une zone géographique très étendue : Angers, Nantes, Brest, Tours, Poitiers... Les 13 professionnels de l'équipe doivent tout reprendre à zéro. « Il nous faut mener une véritable enquête généalogique, faire passer des examens ou encore prendre des photos, explique Sylvie Odent. Nous avons une vaste activité d'expertise sur des personnes dont le handicap n'est pas identifié. Pour les familles, le simple fait de poser un nom sur une maladie est une amorce de thérapie. Cela leur permet de se rapprocher d'une association, de chercher des informations. Et puis, on donne un conseil génétique pour d'éventuels enfants à venir. »

Grâce à la reconnaissance comme « centre de référence maladies rares (3) pour les anomalies du développement » à la fin 2005, l'activité initiée depuis vingt ans sur les anomalies chromosomiques, sur le syndrome de Williams, ou, depuis dix ans, sur une malformation cérébrale rare, l'holoprosencéphalie (4), est montée en puissance. L'effectif a été multiplié par deux. Généticien, neurogénéticien, conseillère en génétique, psychologue, neuropsychologue se passent maintenant le relais auprès des patients et de leur famille. Sans oublier l'infirmière puéricultrice, qui joue un rôle central dans le dispositif.

contact primordial

Jusqu'à l'embauche de cette soignante en mai 2006, parmi les tout premiers membres de l'équipe, les médecins devaient compter sur les infirmières des consultations pédiatriques pour procéder aux prélèvements. « Leur champ d'intervention était forcément limité, se souvient Sylvie Odent. Elles ne pouvaient pas travailler sur la communication avec les familles, sur leur accompagnement, notamment pendant et après l'annonce du diagnostic. » Aujourd'hui, c'est aussi elle qui assure la transmission d'informations entre le centre et les autres services, les autres CHU ou les médecins libéraux.

Marie-Cécile Olichon était une de ces infirmières qui effectuaient les prélèvements avant de se proposer pour rejoindre le centre de référence. Après dix années passées en oncopédiatrie et huit ans en consultation de pédiatrie, désireuse de « s'investir davantage auprès des patients handicapés », elle a quasiment changé de métier. « C'est un travail très particulier, remarque Joëlle Someveille, infirmière remplaçant sur ce poste sa collègue en congé de maternité. Habituellement, on a un contact avec le médecin dans le service. Ici, il s'établit aussi un contact primordial avec la famille. Et puis, il faut mener un gros travail de recensement des associations de patients, à actualiser en permanence en fonction des pathologies rencontrées. »

Avant le diagnostic, le cheminement peut être long. Après la première consultation assurée par le médecin, Marie- Cécile Olichon va être présente auprès des parents, dans le cadre de consultations prénatales ou concernant de jeunes enfants. D'abord pour régler les aspects administratifs, procéder aux gestes techniques (prises de sang - à effectuer parfois également sur les parents -, prélèvement salivaire, biopsies de peau) et s'assurer que les explications délivrées par le médecin ont été bien comprises. « Une biologie moléculaire, ça ne parle pas souvent. À moi de dire qu'il s'agit d'une prise de sang, constate Marie-Cécile Olichon. Je dois aussi préciser ce qu'est un caryotype ou en quoi consiste l'examen d'un gène moléculaire. »

réconfort et information

Programmer les rendez-vous avec les autres membres de l'équipe ou avec d'autres professionnels (hôpital de jour, PMI...) va également participer de la mise en route d'une relation reposant sur l'écoute. « Les familles sont souvent angoissées, effondrées. Elles ont besoin à la fois de réconfort et d'information, souligne l'infirmière puéricultrice. Il est par exemple très important de prévenir les parents que le résultat de certains examens génétiques demande un délai assez long, de deux à six mois, parfois plus encore. S'ils n'ont pas l'information, ils vont se faire des idées, interpréter négativement l'absence d'appel de notre part. »

Marie-Cécile Olichon constate que « lorsque le lien est établi avant l'annonce, la suite est plus facile car on est dans une continuité de soins, en quelque sorte ». Pour formaliser son intervention au sein de l'équipe et définir la place de l'infirmière dans le dispositif d'annonce du diagnostic, la puéricultrice rennaise a suivi un diplôme interuniversitaire consacré à « l'accompagnement des personnes atteintes de maladies génétiques et de leur famille ». (5)

réseau

Avec le temps, l'équipe du centre de référence se construit en interne, mais aussi avec des acteurs extérieurs. Le milieu de la recherche, bien sûr, dont le champ d'investigation est immense et en perpétuel mouvement. Mais aussi les sept autres centres labellisés dans le domaine des anomalies de développement, réunis au sein d'une fédération (6), et quatre centres pour polyhandicapés où des consultations avancées sont tenues. Encouragée par ce réseau, Sylvie Odent émet un voeu : « Chaque patient doit trouver des réponses au plus près de son lieu de vie. »

1- Insuffisance de tonicité musculaire.

2- Difformité d'une partie du corps.

3- Le plan « Maladies rares » 2005-2008 a labellisé 132 centres de référence.

4- Le centre de Rennes est référent européen pour l'holoprosencéphalie.

5- Le DIU a été suivi à la faculté de médecine de La Pitié-Salpêtrière.

6- La Fédération des centres labellisés pour les anomalies du développement (Feclad) va éditer prochainement une plaquette d'information sur les centres spécialisés dans les maladies rares. Un site Internet est également à l'étude.

témoignage

« Une onde de choc »

« En à peine deux ans au centre de référence, j'ai pris conscience de tout ce qu'engendre l'existence d'une pathologie rare sur une famille, explique Marie-Cécile Olichon.

L'annonce d'un diagnostic d'origine génétique provoque une vraie onde de choc car les parents deviennent à leur tour annonciateurs auprès du reste de la famille. Ce qui est particulièrement difficile. Flottent alors beaucoup de non-dits et un fort sentiment de culpabilité. On dit aux parents que les autres membres de la famille peuvent s'adresser à nous. Ce qu'ils font parfois.

Quand la maladie est évolutive, d'autres annonces peuvent suivre. Nous devons expliquer alors les différentes étapes de la maladie.

Mais comme il s'agit de pathologies rares, ce qui sous-entend des connaissances médicales non arrêtées, nous sommes quelquefois dans une incertitude telle que les annonces de la progression de la maladie se font au coup par coup. »

contact

- Centre de référence « Anomalies du développement et syndromes malformatifs », hôpital Sud, 16, boulevard de Bulgarie, BP 90347, 35203 Rennes cedex 2. Tél. : 02 99 26 67 44.