L'embryon de la révision - L'Infirmière Magazine n° 237 du 01/04/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 237 du 01/04/2008

 

Bioéthique

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Santé

En mettant à jour la loi de bioéthique, le législateur devra combler des vides juridiques et se prononcer sur la question des valeurs.

L'embryon est-il une personne ou une chose ? Qui doit avoir accès à l'assistance médicale à la procréation (AMP) ? En s'attelant à la révision de la loi de bioéthique, en 2009, le législateur devra trancher des questions hautement sensibles.

En 1994, date de la première loi de bioéthique, il s'agissait de répondre aux problèmes qui se posaient déjà à l'étranger : une Écossaise qui souhaitait avoir un enfant en restant vierge, une grand-mère italienne qui réclamait un don d'ovocytes...

« Pour éviter ces dérives, le législateur a voulu se conformer à un certain modèle familial, confirmé par la révision de 2004, rappelle Frédérique Dreifuss-Netter, professeur de droit à Paris-V. Aujourd'hui, ce système connaît des tensions liées à l'évolution de la science et à celle des valeurs. »

des situations limites

De fait, l'article 2 141-2 du Code de la santé publique restreint l'accès à l'AMP : « L'homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans. » Un texte qui n'empêche pas des « situations limites » : « À l'hôpital Cochin, les équipes ont été confrontées à un malade du cancer en phase terminale, dont la femme exigeait une fécondation in vitro avant qu'il ne meure », note Frédérique Dreifus-Netter.

En France, l'AMP est considérée comme un traitement de l'infertilité ou un moyen d'éviter la transmission d'une maladie grave, dans le cadre d'un dispositif très encadré et remboursé par la Sécurité sociale. « Dans le droit anglo-saxon, c'est le droit individuel de la personne qui compte, ce qui a ouvert la voie à un véritable business de la procréation », note François Thépot, de l'Agence de biomédecine. Le droit français, lui, refuse l'AMP aux célibataires et aux couples lesbiens. « On est un pays conservateur qui a mauvaise conscience, analyse François Thépot. Je pense qu'on doit évoluer sur la question. » « À travers une demande d'AMP, un couple homo ou une femme seule ne demandent pas qu'un geste médical, mais une reconnaissance de leur démarche par la société, nuance Pierre Jouannet, médecin à l'hôpital Cochin. C'est à la loi d'en décider, pas au médecin. »

l'exemple des voisins

La révision de la loi est d'autant plus nécessaire que des pays voisins, comme l'Espagne ou la Belgique, ont adopté des législations beaucoup plus libérales, attirant des Françaises candidates à l'AMP.

Autre problème posé au législateur : le statut du foetus. Le médiateur de la République s'est déjà saisi de la question, après l'arrêt de la Cour de cassation qui permet l'inscription à l'état civil des enfants mort-nés quel que soit leur âge(1). « L'embryon est dans l'angle mort du droit, souligne Grégoire Loiseau, professeur de droit à l'Université Paris-V. Il n'est ni un objet, ni un sujet de droit. »

1- « Statut instable », L'Infirmière magazine n°236 p. 17, mars 2008.