« Les places sont encore trop rares » - L'Infirmière Magazine n° 237 du 01/04/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 237 du 01/04/2008

 

Maintien à domicile

Questions à

Après une hospitalisation, le retour à domicile des personnes âgées est de plus en plus souvent demandé, mais sa mise en oeuvre dépend de multiples facteurs.

Quelles évolutions ont marqué le secteur du maintien à domicile depuis le début de votre activité professionnelle ?

En vingt ans, ce secteur s'est transformé, notamment avec la création et le développement des services de soins et d'aide à domicile. Cela s'est accompagné d'une professionnalisation croissante. Si l'on prend l'exemple des aides ménagères, elles sont aujourd'hui mieux préparées à leur action qu'il y a vingt ans. Même si leur formation n'est pas encore suffisamment reconnue.

Par ailleurs, les différents services sont mieux coordonnées entre eux dans les bassins de ville, et mieux articulés avec les hôpitaux. Cela a été rendu possible par la mise en place des réseaux gérontologiques, depuis les années 1990. Puis il y a eu une reprise plus pragmatique de la coordination à travers les Clic (centres locaux d'information et de coordination). La canicule de l'été 2003 a encore souligné la nécessité pour les services de mieux se connaître et se coordonner. Voilà pour les aspects positifs.

Mais depuis 2000, on constate que ces services ne suffisent plus. L'exemple le plus évident est celui des soins, qui souffrent d'une carence de prise en charge à domicile. Les personnes âgées restent plus longtemps chez elles. Elles le réclament et leurs familles aussi, notamment parce que l'information s'est améliorée. Rester au domicile devient un choix réalisable... encore faut-il que les services puissent répondre à cette demande croissante.

Or, le nombre de places n'est pas suffisant. Il faut établir des listes d'attente, et les délais se comptent parfois en mois. Il y a aussi des problèmes de recrutement et de pérennité du personnel, ces services n'étant pas assez attractifs en termes de salaires et de conditions d'exercice. Ce travail est difficile, parce que plus solitaire et moins protégé que dans une institution. Aussi, actuellement, ce qui relève du soin, donc des services de soins à domicile, comme la toilette d'une personne handicapée, bascule vers les assistantes de vie, ce qui alourdit le coût pour la personne !

Quelles sont les conditions d'un retour au domicile réussi et durable après une hospitalisation ?

Il faut d'abord entendre le désir du malade. Un projet de retour au domicile se construit, avant tout, là-dessus. Il est certain qu'un traumatisme, comme une chute à domicile, entraîne des angoisses et des inquiétudes qui empêchent le désir du retour à domicile de s'exprimer. La durée de l'hospitalisation doit être suffisamment longue pour le permettre.

Il faut recueillir l'adhésion du malade, tenir compte de l'environnement, des conditions de vie, savoir si le logement est adapté. Il s'agit également de faire le point sur les aides qui peuvent être proposées, et évaluer si le coût du maintien à domicile est supportable pour la personne. Il faut enfin connaître l'entourage, quand il existe, évaluer sa place et son rôle dans le dispositif, obtenir son adhésion, sinon sa collaboration. Car il est nécessaire que les proches soient d'accord, ou au moins qu'il ne soient pas franchement opposés au retour à domicile.

Quelles sont les limites du maintien au domicile ?

Quand l'état de santé justifie un nombre d'interventions supérieur à trois ou quatre par jour, le maintien à domicile devient difficile. Parce que la maison devient une sorte de « hall de gare », où les intervenants se succèdent. Inévitablement, cela diminue le plaisir d'être chez soi. Quand le malade ne peut plus rien faire seul, ou quand ses fonctions cognitives sont très altérées, on peut aussi se poser la question du bien- fondé du maintien à domicile.

Quand l'entrée en institution est-elle préférable ?

Cinq facteurs essentiels peuvent conduire une personne âgée et sa famille à demander une entrée en institution : un épuisement de l'aidant principal ; un état de santé de la personne justifiant des soins médicaux et une surveillance constants ; l'isolement et la solitude ; l'insuffisance des structures alternatives à l'institutionnalisation ; et enfin, un coût du maintien à domicile insupportable pour la personne et ses proches.

L'institution peut alors être vécue comme un « non-choix », et un échec pour la personne et sa famille. En revanche, elle procure une liberté et une autonomie plus grandes. Les familles observent souvent une amélioration de l'état de santé de la personne au bout de quelques semaines. L'institution est alors un lieu de vie plus adapté, où le malade jouit d'une qualité de vie supérieure et renoue avec les capacités qui lui restent. Enfin, cette solution est préférable quand la personne ne reconnaît plus du tout son domicile.

Pascale Renard Assistante sociale

Pascale Renard, 48 ans, est assistante de service social à l'hôpital Paul-Brousse de Villejuif (Val-de-Marne). Elle intervient auprès des patients hospitalisés en soins de suite, en soins de longue durée, en soins palliatifs, mais aussi auprès de ceux qui fréquentent l'hôpital de jour, consacré à l'évaluation gérontologique.