Les syncopes livrent leurs secrets - L'Infirmière Magazine n° 237 du 01/04/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 237 du 01/04/2008

 

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Certaines personnes sont parfois frappées par des évanouissements soudains. Ils ne savent pas pourquoi... et leurs médecins non plus. Au Centre de la syncope de Croix-Rousse, à Lyon, une série de tests permet d'y voir plus clair.

Les causes des syncopes, en France, restent trop souvent indéterminées, et leur prise en charge n'est pas assez précise. Tel est le constat que dresse le Dr Daniel Flammang, interniste et cardiologue de formation, également responsable du Centre de la syncope de Lyon.

« La syncope est une perte de connaissance transitoire, de courte durée et autolimitée, liée à une baisse temporaire du flux sanguin cérébral par hypotension systémique, résume-t-il. Beaucoup de patients eux-mêmes ne prennent pas en considération ce malaise lorsqu'il survient une première fois. Quant à sa prise en charge par le corps médical, elle est variable... Parfois, l'anamnèse est approximative et les investigations complémentaires peuvent n'être ni exhaustives ni contributives, ce qui conduit à une interprétation partielle des symptômes. Dans le cas de syncopes répétées, les examens deviennent même assez souvent redondants... En fin de diagnostic, il reste 40 % de syncopes inexpliquées : la plupart correspondent en fait à des syncopes réflexes, aussi dites vaso-vagales ou neurocardiogéniques. Leurs conséquences sont parfois graves, puisqu'elles peuvent conduire à des chutes, avec fractures et plaies. »

anglais pionniers

Afin d'optimiser toute la chaîne du diagnostic jusqu'au traitement, des gériatres anglais ont créé - c'est une première -, à Newcastle, un centre spécialisé dans les syncopes. « Il emploie dix médecins, un cadre infirmier, une psychologue, une rééducatrice, trois infirmières et deux aides-soignantes, indique Daniel Flammang. En 2002, sur la base de 3500 patients suivis par an, une étude a démontré qu'ils parvenaient à une économie de 6 616 jours d'hospitalisation, par rapport à un service normal de cardiologie. Sachant qu'en France, chaque jour d'hospitalisation coûte environ 1 200 euros, on comprend l'intérêt financier que cela représente. » L'exemple anglais a d'ores et déjà été suivi en Irlande et en Italie.

patients venus de loin

Ouvert depuis août 2006 dans le service de cardiologie de l'hôpital de la Croix-Rousse, le Centre de la syncope de Lyon vise, en 2008, à suivre 400 patients. La méthode est désormais rôdée. Un premier rendez-vous permet de déterminer si le malade fait partie ou non des fameux 40 % de cas inexpliqués. « Mes patients viennent déjà de loin, constate Daniel Flammang. Ils me sont souvent adressés par des cardiologues, des neurologues, des gériatres... Mais nous devons essayer de nous faire mieux connaître, notamment auprès des médecins généralistes, les premiers appelés en cas d'urgence. »

Employée depuis cinq ans dans le service de cardiologie, Laurence Le Vavasseur fait aujourd'hui partie du pool technique des infirmières qui partagent leur temps de travail entre les salles de coronarographie et d'électrophysiologie, la pose d'holters et l'« expertise syncope ». En ce début d'après- midi, elle accueille un jeune homme victime de mystérieux évanouissements. « En général, observe-t-elle, les patients n'ont pas vraiment idée de ce qu'on va leur faire, ni du temps que cela va durer. Je leur explique cela brièvement, en étant apaisante. Je les fais s'allonger sur la table, je leur pose les électrodes pour commencer l'enregistrement de la fréquence cardiaque, ainsi qu'une voie veineuse, pour pouvoir intervenir rapidement en cas de problème. Au bout d'environ un quart d'heure de repos, j'appelle le médecin pour commencer le programme des investigations. »

pause cardiaque

« L'infirmière doit être calme, attentive, pour permettre au malade de se stabiliser, observe Daniel Flammang. Grâce à l'informatique, nous observons alors, à chaque battement du coeur, comment évoluent différents paramètres. Car une syncope est provoquée soit par un ralentissement sévère du rythme cardiaque, soit par une chute importante de la tension, soit par une association de ces deux phénomènes. »

Le médecin procède ensuite au massage du glomus carotidien : « Si, au bout de quelques minutes, le geste entraîne une pause cardiaque supérieure à trois secondes, cela correspond à une indication validée d'implantation de pacemaker », précise t-il. Si le patient ne présente pas d'antécédent d'asthme, le médecin focalise ensuite son attention afin de permettre à l'infirmière de procéder discrètement et rapidement à un test à l'ATP (adénosine triphosphate) : il s'agit d'injecter en intraveineuse un bolus d'ATP afin de provoquer une réponse vagale bradycardisante, dont l'intensité sera appréciée sur l'électrocardiogramme. « Si cela entraîne une pause cardiaque supérieure à dix secondes, c'est aussi une indication reconnue de pose de pacemaker », conclut le médecin.

Si, à ce stade, le mécanisme de la syncope n'est toujours pas élucidé, le patient est soumis au test d'inclinaison, aussi appelé « tilt test » [photo ci-contre]. « Il s'agit d'un test provocateur, destiné à reproduire les symptômes spontanés du patient en plaçant son système nerveux autonome dans des conditions extrêmes de réactivité, commente Daniel Flammang. Pour avoir le moins d'interférences possible, tout doit se dérouler dans un environnement calme et dans des conditions de température et de lumière idéales. Je compare cette ambiance à celle d'un couvent... »

« Une longue surveillance commence alors, confirme Laurence Le Vavasseur. Nous demandons au patient de nous signaler tout début de symptôme et nous restons en alerte constante... » Après 45 minutes, si la syncope ne s'est toujours pas produite, il est procédé à un second « tilt test » avec sensibilisation par spray de trinitrine sublinguale, afin d'augmenter davantage la dilatation des artères et des veines. Et là, la majorité des patients syncopent rapidement...

« on a l'habitude »

N'est-il pas impressionnant d'observer ces syncopes brutales ? Comme elle travaille seulement depuis quinze jours dans ce service, Laurence Le Vavasseur avoue encore trouver l'exercice « long et angoissant, car il faut vraiment attendre que la syncope soit là pour en connaître le mécanisme intime ». Un autre de ses collègues infirmiers plus expérimentés, Daniel Minjat, rassure en observant que « généralement, la syncope n'est pas très profonde. Et le patient récupère très vite sa conscience dès son retour en décubitus. Il arrive que surviennent des malaises vagaux accompagnés de vomissements, mais c'est assez rare. Et puis, conclut-il philosophiquement, on prend l'habitude d'arrêter le coeur ! »

contact

Dr Daniel Flammang, Centre de la syncope de Lyon, 103, Grande-Rue de la Croix-Rousse, 69004 Lyon.

Tél. : 04 72 07 16 69.

témoignage

« 95 % de cas élucidés »

Les investigations menées au centre (qui correspondent à une demi-journée d'hospitalisation) permettent d'élucider « 95 % des cas de syncopes réflexes », évalue Daniel Flammang.

« On revoit environ la moitié des patients pour une expertise de contrôle, trois ou quatre semaines plus tard, afin d'affiner les prescriptions. Certains peuvent être traités simplement par de petits moyens physiques (bas de contention, exercices des muscles des jambes...), d'autres par des médicaments, d'autres enfin par la pose d'un pacemaker. »

Dans les 5 % de syncopes demeurées inexpliquées, il est proposé au malade d'être équipé d'un holter en sous-cutané, afin d'enregistrer son rythme cardiaque durant 36 mois.

« Chez les personnes âgées, précise le médecin, les chutes isolées sont plutôt liées à des problèmes de dégénérescence cérébrale. Par contre, les chutes répétées pourraient parfois correspondre à des phénomènes de pause cardiaque syncopale. Ce type de pathologies fera certainement l'objet d'une collaboration prochaine avec des gériatres. »