Réfléchir avant d'agir - L'Infirmière Magazine n° 237 du 01/04/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 237 du 01/04/2008

 

Humanitaire

Éthique

Les dérives mises au jour dans l'affaire de L'Arche de Zoé rappellent que l'action humanitaire doit se fonder sur le respect des populations secourues, et sur leurs véritables besoins.

« À eux seuls, quatre urgentistes énervés ne vont pas sauver 150 000 personnes des dégâts causés par une catastrophe naturelle !, lance Joseph Dato, membre du conseil d'administration de Médecins du monde. Il faut avoir conscience de ses limites techniques et opérationnelles... De plus, personne n'a appelé L'Arche de Zoé au secours. L'association est venue seule, dans un esprit de déni total, en jugeant que les autres acteurs de terrain étaient nuls et qu'ils étaient, eux, les Sauveurs. »

préparation

Pour cet ancien infirmier, qui compte plusieurs dizaines de missions à son actif, il est cependant possible de prévenir beaucoup de dérapages par le biais d'une formation préparant les candidats au départ. La plupart des grandes organisations non gouvernementales (ONG) qui oeuvrent sur le terrain offrent d'ailleurs « des formations maison » aux futurs humanitaires. Pour les autres, estime Joseph Dato, le postulant doit savoir « où il met les pieds ». Il doit connaître les buts de l'association, les moyens dont elle dispose et les principes éthiques qui guident ses actions.

héroïsme dangereux

« Quand on a peu de moyens, souligne-t-il, il faut se fixer des objectifs à hauteur d'homme. En toutes circonstances, l'adaptabilité au contexte géopolitique et le respect des personnes et cultures sont des clés essentielles pour bâtir et réussir une action. Il ne faut pas idéaliser la mission humanitaire. Les conditions d'exercice y sont souvent difficiles et l'on peut parfois être psychologiquement submergé. »

« Au nom d'une conception très occidentale du "faire le bien", certains s'estiment affranchis de toute règle sur le terrain, souligne quant à lui un ancien membre d'une ONG internationale de premier plan. L'attitude adoptée par L'Arche de Zoé, qui restera sans doute unique en son genre, renvoie à une dimension héroïque de l'humanitaire, issue d'une vision sansfrontiériste qui a valorisé cette posture. »

limites de l'ingérence

S'il estime que le principe du droit d'ingérence n'est pas forcément à remettre en cause, il juge que son application ne peut être systématisée : « L'aspect exceptionnel des dérives de L'Arche de Zoé ne peut pas occulter le fait qu'une fois sur le terrain, quelques humanitaires peuvent développer des conduites choquantes, voire condamnables. »

Pour Erwan Devèze, directeur de la communication de l'association Solidarités, qui a lui aussi participé à de nombreuses missions, « il faut partir pour de bonnes raisons. La meilleure étant sans doute de vouloir partager, sur la base d'un partenariat , ses compétences et son désir de venir en aide à l'autre ».

réflexion personnelle

« La compassion et la pitié sont parfois perverses car elles aboutissent à mettre l'humanitaire en situation de domination, poursuit-il. Or, les populations attendent de l'aide et du respect, pas des leçons. Partir, c'est constamment s'interroger et être inscrit dans une démarche d'honnêteté intellectuelle absolue. » Ainsi, si la responsabilité éthique d'une structure est engagée lors d'une opération, celle de chaque membre qui y participe l'est également.

TÉMOIN Sonia Courette

« J'ai commencé par me former »

« Depuis plusieurs années, j'avais pour projet de participer à une action humanitaire, explique Sonia Courette, infirmière de 29 ans. Ne connaissant pas suffisamment cet univers, j'ai voulu, avant de me lancer, suivre une formation auprès d'un organisme spécialisé, situé à Grenoble. Durant deux semaines, j'ai pu découvrir les multiples facettes de l'action humanitaire et la variété des acteurs de terrain. Je me suis aussi familiarisée avec la géopolitique, la sociologie ou encore l'anthropologie. La formation a répondu à beaucoup de mes questions, m'a rassurée dans mon choix, et m'a aidé à sélectionner les ONG avec lesquelles je souhaitais m'engager. Au final, j'ai opté pour Médecins sans frontières et suis partie durant six mois pour superviser l'organisation des soins de l'équipe infirmière d'un hôpital public en République démocratique du Congo. À titre personnel et professionnel, cette première expérience est très positive. Je réfléchis à une seconde mission, mais j'attends que mon entourage soit psychologiquement prêt ! »