Trop polype pour être honnête

Lundi 18 juin, lendemain de législatives : un camp exulte, l'autre déprime. Chacun son tour... Pour ma part, j'ai d'autres soucis. À mon âge, le cholestérol augmente, la testostérone diminue et si les enfants quittent le foyer par la porte, les polypes rentrent par la fenêtre... Comme tous les cinq ans, j'ai donc droit à une colonoscopie.

pédophilie génétique

J'arrive à l'hôpital, tout léger ; mes intestins sont aussi vides que les caisses de l'État. Devant moi, un vieux monsieur se débat avec les formalités administratives. Titulaire de la carte Vermeil depuis plusieurs décennies, il peine à répondre aux questions de la secrétaire. Interrogé sur sa date de naissance, il situe l'événement avant le sacre de Charlemagne. La préposée à l'interrogatoire, prise d'un doute, insiste gentiment. Le pauvre homme ne semble pas avoir la lumière à tous les étages et il fait la même réponse. Derrière moi, la file d'attente s'allonge ; si ça continue, on va devoir le dater au carbone 14... Heureusement, le taxi qui l'accompagne retrouve ses papiers et rétablit la vérité historique.

Arrive mon tour. Très en forme, je réponds sans faillir aux questions sur mon identité, puis j'attends dans le hall. J'ouvre un magazine qui doit dater du 1er avril. Il parle en effet du point de vue présidentiel sur la genèse de certaines perversions. J'apprends ainsi que, à l'instar des polypes, la pédophilie est d'origine génétique. Ben voyons... Mais il semblerait que les scientifiques ne s'intéressent guère au gène de l'évasion fiscale et de la prise illégale d'intérêts. La recherche sur ces maladies orphelines est au point mort...

délinquant in utero

J'en suis là de mes réflexions lorsqu'on m'autorise à rejoindre le service. Dans l'ascenseur, je croise une femme enceinte victime d'incivilités majeures ; son enfant lui donne des coups de pied in utero à un rythme soutenu. En attendant de trouver l'origine de cette délinquance amniotique, j'ouvre la porte de ma chambre. Un lit est déjà occupé : un gars dans mes âges m'accueille aimablement. Peu après, un brancardier vient le chercher.

Je suis réveillé par le retour de mon voisin... le préposé au transport change le drap et m'invite à grimper sur le chariot. J'appréhende alors le monde sous un angle inhabituel, par en dessous ; en chemin, j'ai tout loisir de détailler les narines de mon chauffeur. Cool... Mais l'épreuve est de courte durée et je me retrouve sur la table d'examen. L'infirmière anesthésiste, charmante, me met à l'aise : « Je vais vous endormir, pensez à quelque chose d'agréable ! » Très obéissant, je me remémore le dernier coup de fil de ma belle-mère (celui relatif à l'annulation de son week-end prévu chez nous). Yes ! Puis, c'est le trou noir.

spéléologie

Le toubib rentre alors dans le vif du sujet et entame son travail de spéléologie. La purge ayant été efficace, il doit se croire dans les grottes de Lascaux lessivées par une crue de la Dordogne. Les peintures rupestres en moins...

Quand je reviens à moi, j'ai la tête dans le pâté, mais je retrouve vite la sortie ; bientôt, je reconnais les fosses nasales du brancardier. Il me ramène vers mon compagnon de misère. La nature ayant horreur du vide, l'aide-soignante nous amène à tous deux un « plateau repas » ; de loin, je discerne une bouse de vache. Mais non ; en fait, de près, j'identifie nettement une purée de carottes. Dans la même situation, un lapin dépressif ferait sûrement une tentative de suicide.

Heureusement, le toubib arrive pour me libérer ; tout est OK. Ouf. Soulagé, je cours rejoindre Simone et ses compétences gastronomiques... Je suis heureux comme un roi. Mais je ne suis pas le seul : hier, des millions d'électeurs se sont fait également entuber, tout joyeux. C'que ça fait du bien quand ça s'arrête ! Allez, dans cinq ans on recommence, tous...