Démences et turbulences - L'Infirmière Magazine n° 238 du 01/05/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 238 du 01/05/2008

 

Psychogériatrie

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Dans la relation entre soignants et personnes âgées souffrant de troubles mentaux, une certaine conflictualité doit être prise en compte.

« Travailler avec des personnes âgées souffrant de troubles du comportement engage le personnel soignant aussi bien d'un point de vue psychologique que dans le corps-à-corps qu'il implique », explique Majid Safouan, psychanalyste de l'unité psychogériatrique du Dr Pellerin, à l'hôpital Charles-Foix d'Ivry-sur-Seine. Lors des 2e rencontres Géroscopie, le 10 avril dernier, ce praticien s'est exprimé sur les problématiques liées à la psychopathologie du vieillissement.

délitement des liens

Que faire face à une personne âgée qui affirme que sa mère va lui rendre visite ? Faut-il rentrer dans son jeu ? Comment gérer les relations avec les proches de ces patients - souvent leurs enfants -, qui nourrissent parfois inconsciemment une rivalité provenant de la culpabilité d'être moins présents que les soignants auprès de leurs vieux parents déments ?

Le soignant se retrouve souvent dans une relation bidimensionnelle. D'une part, il peut être confondu avec les enfants des patients, à cause du délitement des liens de reconnaissance et des liens de filiation de cette population âgée. D'autre part, ces troubles des comportements peuvent aussi être l'écho des troubles familiaux vécus par les soignants.

« Enfin, le soignant va se reconnaître dans cette personne âgée et son propre narcissisme sera mis à l'épreuve », poursuit Majid Safouan. Il est confronté à une réalité où sa propre mort est sans arrêt face à lui. Un tel travail nécessite des espaces de parole pour les soignants, afin que ces préoccupations ne se ressentent pas dans leur vie, ou dans les soins. Ils sont encore trop rares aujourd'hui. Ces malades déments nous surprennent encore et toujours, et il faut que les soignants puissent garder leur potentiel d'étonnement au quotidien face à ces personnes âgées. »

« Confronter nos pratiques »

Pour Marie-Jo Guisset, gérontologue et responsable du pôle initiatives locales à la Fondation Médéric Alzheimer, « les professionnels travaillant auprès des personnes âgées souffrant de la maladie d'Alzheimer ont besoin de moments de confrontations des pratiques, pour qu'ils ne s'épuisent pas et pour qu'ils ne deviennent pas maltraitants. Il faut des formations qualifiantes et spécifiques à ce domaine ».

« Les professionnels ont besoin d'un cadre de travail et d'un travail cadré, poursuit-elle.Il leur faut des valeurs partagées. Pour cela une approche pluridisciplinaire est nécessaire, car elle permet aux équipes de mettre en commun leur culture. Et ça, c'est le travail du directeur de l'établissement ! Nous encourageons les équipes à se doter de comités d'éthique. La réflexion éthique permet une prise de recul bien nécessaire, voire incontournable. Elle permet de trouver du sens, et ce n'est pas toujours évident ! »

« Ainsi, estime-t-elle, il faut s'adapter aux rythmes spécifiques de ces personnes et ne pas aller vers une profusion d'activités et d'ateliers qui ne conviennent pas toujours aux personnes âgées souffrant de la maladie d'Alzheimer. S'ils ne veulent rien faire, laissez-les tranquilles ! » C. I.