L'hôpital au diapason - L'Infirmière Magazine n° 238 du 01/05/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 238 du 01/05/2008

 

Culture

Du côté des associations

Pour aider la musique de chambre à sortir des cercles d'initiés, l'association Papageno propose des concerts en prison, dans les écoles... mais aussi à l'hôpital Trousseau, à Paris.

« Comment il s'appelle, ton instrument ? » Le trio vient à peine d'entrer dans la salle que la question a déjà fusé. C'est un jeune garçon, piaffant d'impatience, perfusion au bras, qui l'a posée. Devant une vingtaine d'enfants et d'adultes, les musiciens se sont installés dans la petite salle d'attente surchauffée des consultations du service de chirurgie maxillo- faciale. Les enfants, hospitalisés ou en visite, parfois accompagnés de leurs parents, sont aux premières loges.

dialogue

C'est Olivier Voize, musicien indépendant, qui répond à son jeune auditeur : « Mon instrument s'appelle une clarinette alto ». « Moi, j'aime bien l'accordéon », réplique aussitôt une petite brune assise au premier rang. Tandis que le dialogue s'engage, les deux autres clarinettistes, Jean-Noël Crocq et Pierre Ragu, ont ouvert leurs partitions. Ce dernier les donne à voir au public : « La musique est là-dedans. Ce sont de petits morceaux de Mozart, écrits pour vous. Vous connaissez des morceaux de Mozart ? »

Silence. Ils attaquent la Petite Musique de nuit, tandis que par la porte ouverte, on entend les bruits du couloir. Pas de quoi perturber ces clarinettistes qui jouent au sein de prestigieux ensembles... et donnent régulièrement des concerts bénévoles. Ils ont lieu dans les différents services de l'hôpital pédiatrique Trousseau, une fois par trimestre, mais aussi en prison, en maison de retraite ou dans des établissements scolaires, auprès d'élèves en difficulté.

« ouvrir les portes »

Dans la salle d'attente, chacun s'est tu quand le trio a commencé à jouer le premier des cinq Divertimenti de Mozart, au programme du concert d'aujourd'hui. Les enfants agitent les mains, certains battent la mesure, mais ils ne bougent pas de leur chaise. « Mozart est né en 1756 et mort en 1791. C'était bien avant Sarkozy ! », lance Pierre Ragu. « Et même avant Chirac ! » L'auditoire esquisse un sourire, puis la musique reprend. Chaque morceau est accompagné d'une explication : « Celui-ci, c'est un morceau pour prier. En voici maintenant un plus lent : c'est un morceau pour être amoureux. »

Une charmante pédagogie, destinée à mieux partager le plaisir de la musique. Car lorsque des musiciens de l'Opéra de Paris, avec quelques indépendants, ont créé au printemps 1998 l'association Papageno, l'objectif était bien celui-là : faire écouter de la musique « dans tous les endroits où se faisait sentir le besoin de réconfort, d'élévation spirituelle ». Et surtout, explique Jean-Noël Crocq, « ouvrir les portes de la musique de chambre à des couches sociales qui n'y ont pas accès ».

oeuvres exigeantes

Dix ans et des dizaines de concerts plus tard (à raison de quinze à vingt chaque année), l'association fédère à Paris, mais aussi à Lyon, plus de 200 musiciens professionnels. Lorsqu'ils se rendent à l'hôpital, trios ou quatuors se produisent dans des espaces communs, les couloirs ou même les chambres. « Nous faisons de la musique de chambre d'hôpital », plaisante Pierre Ragu, avant de souligner qu'au cours de ces concerts, « on joue de grandes oeuvres, pas forcément faciles, sans concession au répertoire. Et c'est beaucoup d'émotion : les enfants se montrent réceptifs, ils écoutent, totalement concentrés, un trio de Beethoven ».

Ou de Mozart, puisque c'est aujourd'hui de lui qu'il s'agit. Le temps de changer une perfusion, quelques airs plus connus ont succédé aux Divertimenti. L'air de Chérubin, tiré des Noces de Figaro, est l'occasion d'une petite mise au point. « Notre association porte le nom de Papageno. C'est un personnage de La Flûte enchantée, raconte Jean-Noël Crocq. C'est un vrai balourd. Mais grâce à ses clochettes magiques, il va être sauvé des animaux sauvages. Sauvé grâce à la musique ! »

temps suspendu

Par la porte ouverte, on entend des objets tomber, des chariots passer dans le couloir. De temps en temps, un soignant happé par les notes s'attarde un instant, puis retourne à ses activités. On appelle un jeune spectateur qui doit revenir à la réalité médicale : c'est l'heure de sa consultation. Un dernier morceau et le concert s'achève sous les applaudissements. Les enfants se lèvent, les parents s'ébrouent. L'espace d'une heure, la musique a suspendu le cours habituel du temps.

contact

Association Papageno : 72, rue Sébastien-Mercier, 75015 Paris asso.papageno@online.fr

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