La clause de conscience - L'Infirmière Magazine n° 238 du 01/05/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 238 du 01/05/2008

 

Libre arbitre

Juridique

Dans certaines situations, une infirmière peut refuser d'accomplir un acte contraire à ses convictions éthiques ou religieuses, même si cet acte est autorisé par la loi.

Selon la définition donnée par le dictionnaire permanent de bioéthique et de biotechnologies, la clause de conscience « concerne tous les actes médicaux non thérapeutiques, lorsqu'ils portent en germe un risque d'atteinte à l'intégrité ou la dignité de l'individu ou de "réification" (1) de la personne humaine. Seuls de tels actes sont en effet susceptibles de heurter la conscience du professionnel et les valeurs en jeu rendent légitime ce refus. »

La clause de conscience a été introduite en médecine en 1975 par la loi Veil sur l'interruption volontaire de grossesse (IVG), afin de permettre à un médecin ou à un auxiliaire médical de refuser de pratiquer une IVG ou d'y concourir, pour des raisons professionnelles ou personnelles. La clause de conscience peut également s'appliquer à l'interruption médicale de grossesse et, depuis 2001, être exercée en matière de stérilisations volontaires (art. L. 2123-1 du Code de la santé publique). Si la loi de 1975 permettait la mise en jeu de la clause à titre individuel comme collectif (un service, un établissement...), la loi du 4 juillet 2001 en a modifié les conditions d'application.

Si un médecin n'est jamais tenu de pratiquer une IVG (tout comme une stérilisation), il doit, en cas de refus, informer sans délai l'intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention.

Un établissement de santé privé, sauf s'il participe à l'exécution du service hospitalier public et dans la mesure où d'autres établissements répondent au besoin local, peut faire valoir la clause de conscience pour refuser de pratiquer des IVG. Et si le chef de service d'un établissement public de santé ne peut s'opposer à ce que des IVG soient effectuées dans son service, il conserve le droit de ne pas en pratiquer lui-même.

contraception

Dans le même sens, un médecin n'est jamais tenu de pratiquer des actes de ligature des trompes ou des canaux déférents à visée contraceptive (et l'infirmière ou la sage-femme ne sont jamais tenues d'y participer), mais il doit informer l'intéressée de son refus, et ce dès la première consultation.

Les pharmaciens, pour leur part, disposent du monopole de la délivrance des modes de contraception non urgents. À ce titre, ils ne disposent d'aucune clause de conscience les autorisant à refuser de délivrer des contraceptifs. Tous les pharmaciens qui ont un jour tenté de faire jouer cette clause en ce sens se sont vus condamner par les tribunaux. Rappelons enfin que les mineures sont dispensées de présenter une prescription pour se voir délivrer une contraception d'urgence.

Concernant la délivrance d'une contraception d'urgence en milieu scolaire, l'infirmière, dans tous les cas où un médecin ou un centre de planification ou d'éducation familiale n'est pas immédiatement accessible, est habilitée à délivrer une contraception d'urgence aux élèves (mineures ou majeures), et ce en l'absence de toute prescription médicale. Aucun texte ne lui accorde le bénéfice d'une clause de conscience.

diagnostic

Chez les médecins, le Code de déontologie médicale autorise à laisser un malade « dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic grave ». Mais ce principe se trouve aujourd'hui en totale contradiction avec la loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades. Or, du point de vue de la hiérarchie des normes, la loi l'emporte sur la déontologie. Dès lors, conformément à l'article L. 1111-2 du Code de la santé publique, « la volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée ». Ce n'est plus là une faculté offerte au médecin, mais une obligation que lui impose le patient. Ce dernier est désormais le seul à pouvoir décider de ce qu'il veut ou non savoir.

acte illégal

Et qu'en est-il lorsqu'une infirmière reçoit l'ordre de pratiquer un acte manifestement illégal ? En l'absence de clause de conscience insérée dans un texte, le simple droit d'alerte implique un devoir de désobéir dans cette situation. Il est bien évident qu'on ne saurait retenir une quelconque faute à l'encontre de celui ou celle qui aurait refusé d'accomplir un acte illégal. Ce refus et ses motivations devront être consignés dans le dossier de soins infirmiers. Reste que l'infirmière doit être sûre, au préalable, du caractère illégal du geste prescrit. Un exemple caractéristique est celui de l'euthanasie.

Dans le même sens, si l'acte prescrit ou ordonné n'est pas un acte infirmier (acte médical ou de kinésithérapie par exemple) l'infirmière qui, sauf cas d'urgence, refusera d'accomplir un tel geste ne commettra aucune faute. L'infirmière devra s'assurer de la continuité des soins en vérifiant que quelqu'un d'autre appliquera la prescription. Il est toujours utile de consigner ce refus par écrit dans le dossier de soins infirmiers.

1- « Réifier » une personne : la rabaisser au statut d'objet, de chose.

À RETENIR

> Aucune infirmière n'est tenue de participer à une IVG, ni de participer à des actes de ligature des trompes ou des canaux déférents.

> Une infirmière de l'Éducation nationale ne peut invoquer la clause de conscience pour refuser de délivrer une contraception d'urgence en milieu scolaire.

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