Le repositionnement - L'Infirmière Magazine n° 238 du 01/05/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 238 du 01/05/2008

 

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Féminisation de l'épidémie de sida, regain des pratiques à risques... Les politiques de sensibilisation doivent s'adapter à l'évolution des comportements sexuels des Français.

« Si vous avez des problèmes sexuels, allez vous tremper dans l'eau froide ! » Un ministre de la Jeunesse et des Sports oserait-il, comme François Missoffe en janvier 1968, répondre ainsi à un étudiant l'interrogeant sur la mixité des dortoirs ? « Depuis quarante ans, la façon d'appréhender la sexualité des Français a radicalement changé », remarque Nathalie Bajos, directrice de recherche à l'Inserm (1). L'amélioration du statut social de la femme, la contraception, l'IVG et le VIH sont passés par là, obligeant les politiques de santé à prendre en compte l'évolution de la sexualité des Français.

La féminisation de l'épidémie de sida questionne les politiques publiques de prévention. En France, 42 % des nouvelles contaminations concernent les femmes, et dans le monde, 48 % des personnes séropositives sont des femmes. L'inégalité hommes-femmes dans la société, plus particulièrement chez les migrants, rend la négociation autour du préservatif difficile. Il y a une dizaine d'années, les chercheurs pensaient pouvoir mettre au point des gels microbicides protégeant les muqueuses. Les essais entrepris ont tous échoué : le produit était toxique et parfois, augmentait le risque d'infection.

sale et gluant ?

Aujourd'hui, la recherche est au point mort : « Travailler sur les muqueuses des femmes, ce n'est pas très valorisé, parmi les chercheurs », regrette Geneviève Paicheler, directrice de recherche au CNRS. Les espoirs se sont alors tournés vers le préservatif féminin, peu populaire à cause du bruit et des sensations procurées par son utilisation. « Il y a un problème de marketing autour de son utilisation. Les professionnels de santé ne le présentent pas de manière très positive, déplore- t-elle. Il faut insister sur ses qualités, sur le fait qu'on peut le mettre longtemps avant le rapport sexuel, qu'il transmet bien la chaleur... Il y a vingt ans, le préservatif masculin était encore perçu comme "sale" et "gluant" ! »

Autre tendance de l'épidémie, qui se confirme : la reprise des pratiques à risques dans le milieu homosexuel masculin. Un tiers des personnes interrogées disent avoir pratiqué une pénétration non protégée avec un partenaire occasionnel au cours des douze derniers mois (ils n'étaient que 19 % en 1997). « Il faut repenser la prévention, ne plus considérer l'homosexualité comme une seule catégorie, ne pas exclure les lesbiennes des politiques de prévention parce que leur risque est faible, et accentuer la prévention en milieu scolaire », estime Nathalie Bajos.

Reste que la prévention ciblée rencontre parfois des difficultés : « Au collège et au lycée, il y a une contrainte psychologique très forte, il est pratiquement impossible d'inviter une association pour parler d'homosexualité, ça provoque à coup sûr un tollé chez les parents d'élèves », regrette Colette, infirmière dans un établissement scolaire des Hauts-de-Seine.

BVP choqué

Même les campagnes de prévention de l'État sont parfois mal perçues : en décembre 2007, le Bureau de vérification de la publicité demandait à l'Inpes de retirer une affiche « représentant très crûment deux personnages masculins nus en plein acte sexuel ».

1- Elle s'exprimait dans le cadre de la 69e rencontre du Centre régional de ressources et d'information sur le VIH/sida, le 3 avril à Paris.