Les principaux rhumatismes inflammatoires - L'Infirmière Magazine n° 238 du 01/05/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 238 du 01/05/2008

 

rhumatologie

Cours

Les rhumatismes articulaires peuvent être dégénératifs (telle l'arthrose, non traitée ici) ou inflammatoires (comme la polyarthrite rhumatoïde). Ils s'avèrent parfois très douloureux et invalidants. Contrairement aux idées reçues, ils concernent toutes les tranches d'âge. La prise en compte des dimensions médicale, infirmière, psychologique ou sociale est favorisée par les structures pluridisciplinaires.

LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDE

Définition. La polyarthrite rhumatoïde est le plus fréquent des rhumatismes inflammatoires. Affection de l'adulte, touchant le plus souvent la femme, elle semble liée à certains gènes HLA de classe II. La prolifération de la membrane synoviale (pannus) provoque la déformation puis la destruction des articulations.

Manifestations cliniques. Le début de la maladie est marqué par des douleurs et une raideur matinales des poignets et des articulations des mains respectant les interphalangiennes distales, et touchant parfois d'autres articulations : pieds, chevilles, genoux, épaules... Une asthénie et une fébricule s'y associent souvent. Les premières poussées peuvent être provisoirement résolutives. Sinon, la maladie prend d'emblée un cours continu marqué par l'atteinte de très nombreuses articulations, voire de leur totalité.

À ce stade, les douleurs nocturnes et la raideur matinale sont souvent importantes. L'examen montre le gonflement (synovite) des articulations intéressées, qui sont douloureuses à la pression et à la mobilisation. On constate également la symétrie très caractéristique des atteintes articulaires, et parfois l'inflammation des gaines synoviales des tendons.

Des déformations articulaires tendent à se constituer : déviation en « coup de vent » cubital et déformation en « col de cygne » ou en « Z » des doigts, poignet « en dos de chameau » par tuméfaction du carpe et des métacarpophalangiennes, flexum des genoux, déformation des pieds par affaissement de la voûte plantaire... Des ruptures tendineuses peuvent être observées, en particulier sur les extenseurs des doigts. Des nodosités sous-cutanées sont parfois visibles sur les crêtes cubitales, des adénopathies superficielles sont fréquentes.

Examens paracliniques

Radiographies. Elles restent souvent normales pendant les premiers mois ou les premières années d'évolution. Puis apparaissent des signes bien visibles sur les clichés des poignets et des mains : déminéralisation épiphysaire, pincement progressif des interlignes, destruction osseuse sous forme de géodes siégeant en périphérie des surfaces articulaires, ou sous elles. Ces altérations radiologiques progressent au cours de la maladie et, dans les formes évoluées, de véritables destructions articulaires (avec parfois des luxations) peuvent s'observer : fusion des os du carpe et de la radiocarpienne, destruction des métacarpophalangiennes et des interphalangiennes proximales, désaxation latérale des genoux, etc.

Examens biologiques. Ils montrent une anémie de type inflammatoire (fréquente dans les formes sévères), une hyperleucocytose à polynucléaires au moment des poussées évolutives, parfois une hyperplaquettose. La VS et la CRP sont habituellement augmentées. La présence du facteur rhumatoïde n'est pas spécifique de la polyarthrite rhumatoïde. Elle s'observe en effet chez quelques sujets normaux, dans certaines connectivites et maladies infectieuses.

Les anticorps antipeptides citrullinés (Ac anti-CCP) sont actuellement les marqueurs les plus spécifiques, et ont une valeur pronostique. Des anticorps antinucléaires peuvent être présents, mais les anticorps anti-ADN natif sont absents. Le complément sérique est normal. L'examen du liquide articulaire montre une richesse en cellules (plus de 1 000 ou 2 000 par mm3) et une prédominance des polynucléaires.

Évolution, complications. La maladie a une évolution chronique, l'état inflammatoire persiste entre les poussées, et les lésions articulaires s'aggravent régulièrement. Les rémissions, spontanées ou non, sont rares.

L'évolution peut être marquée par différentes localisations viscérales ou complications :

- syndrome de Felty, caractérisé par une splénomégalie et une leucopénie avec neutropénie et des accidents infectieux ;

- syndrome de Gougerot-Sjögren, caractérisé par le tarissement des sécrétions, en particulier lacrymales et salivaires ;

- vascularite, avec nécroses cutanées et multinévrite ;

- pleurésie et fibrose pulmonaire ;

- péricardite ;

- complications des thérapeutiques au long cours, en particulier les complications digestives des anti-inflammatoires et celles qui sont propres à la corticothérapie.

Traitement. Il fait appel à différents moyens, utilisés de manière coordonnée.

Traitements par voie générale

Traitements de la crise. Les antalgiques et surtout les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont utilisés, mais ils ont une efficacité mineure. La corticothérapie est très efficace et le plus souvent, dans la polyarthrite rhumatoïde, de petites doses suffisent. Elle peut être prolongée et agir alors comme un véritable traitement de fond.

Traitements de fond. C'est la pierre angulaire du traitement. Ils permettent une stabilisation voire, pour les plus récents, un arrêt du processus de destruction articulaire.

Les traitements de fond « conventionnels » sont utilisés en première intention. Leur délai d'action est de quelques semaines. Les sels d'or, l'hydroxychloroquine, la sulfasalazine et la ciclosporine sont maintenant moins utilisés, au profit du léflunomide et surtout du méthotrexate, qui est la molécule de référence, et qui a l'un des meilleurs taux de maintien thérapeutique au long cours.

Les biothérapies, révolution thérapeutique récemment apparue sur le marché, reposent sur des agents biologiques, administrés par voie parentérale. Ces agents sont conçus pour stopper un événement précis de la cascade inflammatoire conduisant à la destruction articulaire. Ils permettent bien souvent une rémission. Ils sont classés en fonction des cibles biologiques.

Sont actuellement disponibles :

- les anti-TNF : les premiers mis à disposition sont l'infliximab (Remicade®, perfusions IV, toutes les huit semaines, en hôpital de jour), l'adalimumab (Humira®, injections SC toutes les deux semaines), l'etanercept (Enbrel®, injections SC toutes les semaines) ;

- les anti-IL1-Rc : anakinra (Kineret®, injections SC quotidiennes, très peu utilisé) ;

- Ac anti-CD20 du lymphocyte B (rituximab, Mabthera®) : perfusion IV. En hôpital de jour : deux perfusions à deux semaines d'intervalle puis surveillance, et réinduction au besoin ;

- CTLA4 Ig : abatacept (Orencia®, perfusion IV).

Les anti-TNF ont essentiellement un risque infectieux (infections « classiques » à pyogènes, ou infections opportunistes : tuberculose, histoplasmose...). On effectue un dépistage systématique de la tuberculose et des maladies virales évolutives avant l'instauration du traitement. Le suivi doit ensuite être rigoureux et régulier. Il semble, malgré le risque théorique, que les anti-TNF n'augmentent pas le risque de développer un cancer « solide » (sein, rein, prostate, etc.), mais il faut se méfier en cas d'antécédent de cancer cutané. Leur utilisation ne remontant qu'à une dizaine d'années au plus, il faudra attendre pour avoir des chiffres définitifs.

Le rituximab (Mabthera®) est utilisé depuis quelques années dans le traitement des lymphomes. L'efficacité semble similaire à celle des anti-TNF, avec un moindre risque infectieux.

Traitements locaux. Ils sont utilisés dans les polyarthrites ne touchant qu'un petit nombre d'articulations, ou quand le traitement de fond a réduit le nombre d'articulations douloureuses.

Traitements médicaux. On utilise les synoviorthèses, qui consistent en l'injection intra- articulaire d'un corticoïde à longue durée d'action, d'acide osmique ou d'une substance radioactive dans le but de faire disparaître la prolifération synoviale. Les substances radioactives ne peuvent pas être utilisées pour les articulations des membres inférieurs des sujets en âge de procréer.

Traitements chirurgicaux. Les traitements chirurgicaux sont les suivants : synovectomie, correction de déformation, réparation de ruptures tendineuses, pose de prothèses. La chirurgie est essentielle au maintien de l'autonomie quand la destruction articulaire est importante.

Traitements physiques. Tout au long de l'évolution, des mesures doivent être prises pour éviter autant que possible les déformations et les altérations articulaires : ergothérapie, appel à des aides techniques pour certains gestes usuels, gouttières amovibles pour les mains et les poignets à porter au repos, semelles orthopédiques, kinésithérapie pour entretenir la mobilité articulaire.

Prise en charge globale. Les mises au point thérapeutiques, la prise en compte des dimensions médicale, chirurgicale, infirmière, psychologique, sociale, diététique, rééducative, ergothérapique de la maladie sont favorisées par les structures de prise en charge pluridisciplinaire où interviennent les différents acteurs.

LE LUPUS ÉRYTHÉMATEUX AIGU DISSÉMINÉ

Cette maladie touche le plus souvent les femmes. Elle peut survenir à tout âge, mais surtout à l'âge moyen. La population noire est particulièrement exposée.

Manifestations cliniques. Elles sont très nombreuses et se regroupent de manière variée selon les individus.

Fièvre. Elle apparaît au moment des poussées, accompagnée d'asthénie et d'amaigrissement.

Douleurs articulaires. Presque constantes, elles s'accompagnent le plus souvent de signes d'inflammation articulaire réalisant une polyarthrite, qui touche sélectivement les mains, les poignets et les genoux. Elle peut n'apparaître qu'au moment des poussées ou être chronique. Elle ressemble alors beaucoup à la polyarthrite rhumatoïde mais elle est peu déformante et la radiographie ne montre que peu de signes de destruction ostéo-cartilagineuse. Des douleurs musculaires accompagnent souvent l'atteinte articulaire.

Signes cutanés. Très fréquents, ils n'apparaissent le plus souvent qu'au moment des poussées. L'érythème facial disposé en ailes de papillon sur le nez et les pommettes est le plus caractéristique, mais des lésions érythémateuses peuvent être observées ailleurs, en particulier sur les oreilles, le front, le pourtour du cuir chevelu, le cou ou les mains. Ces érythèmes sont souvent provoqués ou aggravés par le soleil.

Une alopécie diffuse ou en plaques est fréquente. On peut aussi observer un phénomène de Raynaud, des nodosités sous-cutanées, des lésions des muqueuses buccales et nasales.

L'immunofluorescence directe d'une biopsie de peau montre des dépôts d'immunoglobulines et de complément à la jonction dermo-épidermique. Leur présence en peau saine est très évocatrice de la maladie.

Atteinte rénale. L'atteinte rénale intéresse la moitié des patients. Elle est la première cause de décès. Elle est recherchée de principe et se manifeste sous forme de protéinurie et d'hématurie microscopique. Elle peut aboutir à l'insuffisance rénale chronique hypertensive et au syndrome néphrotique. La ponction-biopsie rénale, en précisant le type histologique de la glomérulopathie, guide le traitement.

Manifestations cardiovasculaires. Elles sont dominées par les péricardites aiguës. Assez fréquentes, celles-ci sont sensibles à la corticothérapie mais volontiers récidivantes, généralement non compliquées. L'endocardite peut se manifester par un souffle, mais elle est habituellement bien tolérée.

L'atteinte myocardique peut entraîner des troubles du rythme ou de la conduction, plus rarement une insuffisance cardiaque. L'hypertension est liée en principe à l'atteinte rénale.

Pleurésie. Une pleurésie accompagne souvent la péricardite.

Troubles neuropsychiques. Ils sont assez fréquents : épilepsie généralisée, confusion mentale, état psychotique, dépression. Ils évoluent parallèlement aux autres signes. On peut aussi observer des douleurs abdominales, une hépatomégalie, une splénomégalie, des adénopathies, des thromboses artérielles ou veineuses dues à la présence d'un anticoagulant circulant.

Chez la femme. L'aménorrhée est fréquente lors des poussées. Celles-ci peuvent débuter lors d'une grossesse ou dans les suites de couches. Les avortements spontanés sont fréquents : la grossesse ne doit être « autorisée » que chez des patientes en rémission clinique et si possible biologique sans atteinte rénale ni cardiaque. Elle sera strictement surveillée. La contraception doit éviter les dispositifs intra-utérins, sources d'infection chez ces malades qui y sont très sensibles. Les oestroprogestatifs peuvent aggraver le cours de la maladie par leur contenu oestrogénique.

Signes biologiques. L'anémie est fréquente, de type inflammatoire. Parfois, on observe une anémie hémolytique auto-immune.

La leucopénie (moins de 4 500 globules blancs par mm3) s'observe dans la moitié des cas et porte essentiellement sur les lymphocytes. Une thrombopénie modérée est assez fréquente. La vitesse de sédimentation est augmentée lors des poussées et peut se normaliser en période de rémission.

Des anticorps antinucléaires sont retrouvés dans la quasi-totalité des cas au cours des poussées. Ils sont généralement présents à un taux élevé, et la fluorescence est habituellement de type homogène. Les anticorps anti-ADN natif s'observent dans deux tiers des cas environ lors des poussées. Ils sont quasi spécifiques du lupus érythémateux aigu disséminé.

Le complément sérique (complément hémolytique total et fractions C1q, C3 et C4) est généralement abaissé lors des poussées. Le facteur rhumatoïde est retrouvé dans un tiers des cas.

Évolution. Elle est imprévisible. Parfois bénigne, marquée essentiellement par les atteintes cutanées et articulaires, elle est d'autres fois très sévère, dominée par les atteintes rénales, cardiovasculaires ou neuropsychiques. Cependant, l'évolution se fait le plus souvent sur de nombreuses années, et est entrecoupée de rémissions. L'atteinte rénale, les infections, l'atteinte du système nerveux central représentent les principales causes de décès. Les poussées peuvent être déclenchées par la grossesse ou le post-partum.

Traitement. Il est difficile à codifier du fait même de la gravité très variable de la maladie. Les formes limitées à des atteintes cutanées et articulaires ne nécessitent souvent que des AINS, parfois de petites doses de corticoïdes. On y associe l'hydroxychloroquine.

Les formes sévères avec atteinte viscérale, en particulier l'existence d'une néphropathie, nécessitent une corticothérapie à forte dose (0,5 à 1,5 mg/kg/jour) au moment des poussées. Les traitements immunosuppresseurs (fondés sur le méthotrexate ou le cyclophosphamide) ont des indications dans les formes sévères.

Au cours des poussées, le repos est indispensable ; les malades doivent se protéger du soleil et traiter toutes les infections par les antibiotiques.

Lupus érythémateux induit par les médicaments. Il s'observe chez des sujets souvent plus âgés. Les manifestations cliniques sont dominées par la fièvre, des lésions cutanées, les arthralgies, les pleurésies et les péricardites ; en revanche, l'atteinte rénale est rare. Les anticorps antinucléaires sont présents, mais les anticorps anti-ADN natif généralement absents. L'évolution est favorable en quelques jours ou semaines après la suppression du médicament inducteur.

Les médicaments incriminés sont très nombreux. Parmi les plus souvent en cause, citons : l'isoniazide, la procaïnamide, l'hydralazine, la D-pénicillamine, les anticonvulsivants à l'exception du phénobarbital, les bêtabloquants.

Syndrome des antiphospholipides (SAPL). Le syndrome des antiphospholipides est défini par l'association de manifestations thrombotiques veineuses et artérielles ou de fausses couches spontanées et d'un anticorps antiphospholipide (anticoagulant circulant). Celui-ci, généralement une antiprothrombinase, est responsable de la dissociation de la sérologie syphilitique.

Les phlébites, souvent récidivantes, se compliquent d'embolies pulmonaires et peuvent intéresser les territoires cérébraux.

Les thromboses artérielles sont plus rares. Ce syndrome a été décrit essentiellement au cours du lupus érythémateux, mais peut être observé dans les cancers, les lymphomes, des maladies infectieuses, en particulier par le VIH, et la polyarthrite rhumatoïde (SAPL secondaire). Il peut être isolé (SAPL primaire). Son traitement nécessite des anticoagulants et, au cours de la grossesse, un recours à la corticothérapie.

LA SCLÉRODERMIE GÉNÉRALISÉE

Affection à prédominance féminine, elle s'observe surtout chez l'adulte et associe une sclérose cutanée et des atteintes viscérales.

Manifestations cliniques. Le syndrome de Raynaud est souvent le premier signe.

Atteinte cutanée. L'atteinte cutanée est dominée par la sclérose des téguments débutant généralement aux doigts, puis envahissant les membres, et enfin le visage, le cou et le tronc. Parfois, elle est précédée d'un oedème. La sclérose se traduit par un aspect mince et effilé des doigts, dont la peau sèche perd ses poils, ses plis et adhère aux plans profonds. Au visage, on note un amincissement des lèvres entourées de plis radiés, la gêne à l'ouverture de la bouche, la disparition des rides, l'effilement du nez. Des télangiectasies sont fréquentes. Des calcifications sous-cutanées peuvent être observées, surtout aux doigts. Elles peuvent s'ulcérer, laissant s'écouler une bouillie blanchâtre.

Manifestations articulaires. Les manifestations articulaires réalisent des arthralgies simples, plus rarement une polyarthrite chronique, généralement non déformante et non destructrice. L'ostéolyse des phalanges distales et une atteinte musculaire sont assez fréquentes.

Manifestations digestives. Elles sont le plus souvent latentes. L'atteinte oesophagienne peut entraîner une dysphagie. Le diagnostic de l'atteinte oesophagienne est affirmé précocement grâce à la manométrie. L'atteinte du grêle, souvent tardive, peut entraîner une malabsorption.

Atteinte du poumon. L'atteinte du poumon réalise une fibrose interstitielle diffuse pouvant se compliquer en cancer alvéolaire du poumon.

Atteinte du coeur. L'atteinte du coeur se manifeste le plus souvent par une péricardite.

Atteinte rénale. L'atteinte rénale, de fréquence discutée, entraîne une protéinurie, une insuffisance rénale généralement hypertensive. Son pronostic est sombre.

Signes biologiques. Le syndrome inflammatoire est modéré. Des anticorps antinucléaires sont retrouvés dans la majorité des cas ; la fluorescence est habituellement de type moucheté ; il n'y a pas d'anticorps anti-ADN natif. La recherche de facteur rhumatoïde est positive dans un tiers des cas.

Évolution. Elle est généralement très lente, marquée par une aggravation progressive et l'extension de la sclérose cutanée, l'apparition des atteintes viscérales. L'atteinte rénale peut être très rapidement mortelle.

Traitement. Les anti-inflammatoires risquent d'aggraver l'atteinte rénale. Le phénomène de Raynaud, peu sensible aux vasodilatateurs conventionnels, est souvent atténué par les inhibiteurs calciques.

LA SPONDYLARTHRITE ANKYLOSANTE

Également appelée pelvispondylite rhumatismale, c'est l'entité la plus fréquente des spondylarthropathies. Elle intéresse un peu plus souvent l'homme et peut succéder à une arthrite réactionnelle. Les premiers symptômes se développent le plus souvent avant l'âge de 30 ans.

Manifestations cliniques. On peut différencier trois syndromes pouvant regrouper la majorité des manifestations cliniques de la maladie.

Atteinte axiale :

- des sacro-iliaques : responsable de fessalgies inflammatoires, typiquement à bascule (droite ou gauche), descendant parfois à la racine postérieure de l'une ou l'autre cuisse, mimant une sciatalgie tronquée ;

- du rachis lombaire, dorsal et cervical : rachialgies d'horaire inflammatoire.

Atteinte périphérique. Oligoarthrite asymétrique : arthrite de l'une ou l'autre articulation (cheville, poignet, genou...). L'atteinte à la hanche est un facteur de mauvais pronostic.

Syndrome enthésopathique. Il s'agit d'une atteinte inflammatoire des insertions ligamentaires ou tendineuses. La plus fréquente est l'enthésopathie achilléenne, responsable de talalgies inflammatoires.

Examens paracliniques. En ce qui concerne les signes biologiques, l'hémogramme est généralement normal, la vitesse de sédimentation et la CRP sont augmentées dans la plupart des cas. Les réactions de recherche du facteur rhumatoïde sont négatives. Les patients appartiennent dans plus de 80 % des cas au groupe HLA-B27 (contre 5 à 10 % de la population en France). Les signes radiologiques sont souvent tardifs.

Atteinte des sacro-iliaques. L'atteinte des sacro-iliaques (sacroiliite), en règle générale bilatérale, débute par un flou de l'interligne et des érosions des surfaces articulaires suivies d'une condensation. À un stade tardif, l'interligne disparaît et on observe la fusion du sacrum et de l'os iliaque.

Atteinte du rachis. Elle associe :

- des ossifications ou syndesmophytes reliant les angles des corps vertébraux et réalisant au maximum l'aspect en colonne de bambou ;

- une érosion des coins antérieurs des corps vertébraux leur donnant une forme carrée ;

- des ossifications des ligaments interépineux et interapophysaires et une déminéralisation.

Arthrites des membres. Les arthrites des membres entraînent déminéralisation et pincement de l'interligne.

Évolution. Elle reste en général bénigne, marquée de poussées douloureuses et de périodes de rémission, avec un enraidissement modéré. Certaines formes évoluent vers un enraidissement progressif et ascendant du rachis, qui peut être total, et s'accompagner de déformations (délordose lombaire, cyphose dorsale, projection du cou en avant) et d'un blocage du jeu costo-vertébral, source d'insuffisance respiratoire.

Traitement. Les AINS sont souvent très efficaces et suffisent dans les formes les moins sévères. Leur efficacité est souvent remarquable. Leur posologie, volontiers forte en début de traitement, sera ensuite adaptée à l'importance des douleurs et de la raideur résiduelle. Leur utilisation continue n'est pas toujours nécessaire.

La sulfasalazine (Salazopyrine®) est plus active sur les manifestations périphériques que sur les manifestations axiales. Les anti-TNF sont de plus en plus utilisés dans les formes sévères, notamment axiales, qui résistent aux autres traitements.

Les arthrites des membres peuvent bénéficier des infiltrations de corticoïdes et de synoviorthèses. La rééducation de la mobilité du rachis et du jeu costo-vertébral, la prévention des déformations rachidiennes doivent être régulièrement poursuivies.

LES ARTHRITES RÉACTIONNELLES

Ce sont des arthrites aseptiques succédant à une infection, le plus souvent du tractus uro-génital ou digestif et partageant les caractéristiques des spondylarthropathies.

Tableau clinique. Il associe une oligoarthrite non symétrique, plus rarement une mono - ou une polyarthrite, touchant plus volontiers les membres inférieurs : chevilles, pieds, genoux, et pouvant s'accompagner de douleurs rachidiennes et des articulations sacro-iliaques.

Il faut rechercher à l'interrogatoire d'autres manifestations évocatrices pouvant précéder les arthrites de plusieurs jours ou semaines : diarrhée, plus rarement syndrome dysentérique, urétrite traduite par un écoulement ou des brûlures à la miction, lésions muqueuses buccales et génitales à type d'érosions propres, superficielles, non indurées. Les lésions cutanées (kératose palmoplantaire) et cardiaques (troubles du rythme, péricardite) sont plus rares. L'association urétrite + irritation conjonctivale + synovite constitue le syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter, souvent lié à une bactérie spécifique du tractus uro-génital (chlamydia).

Examens biologiques. Ils montrent une franche augmentation de la vitesse de sédimentation, une hyperleucocytose à polynucléaires ; le complément sérique est normal ou élevé. Le liquide articulaire est riche en éléments cellulaires. Dans 80 % des cas, on retrouve l'appartenance au groupe HLA-B27.

Germes en cause. Très souvent, il s'agit de Chlamydia trachomatis, responsable lui-même de la plupart des urétrites non gonococciques.

D'autres germes peuvent être incriminés, en particulier Salmonella enteridis et S. Typhi-murium, Ureaplasma urealyticum, Yersinia enterocolitica, Yersinia pseudotuberculosis, Shigella flexneri, Campylobacter jejuni...

Évolution. L'évolution immédiate est généralement favorable ; en quelques semaines ou mois, les arthrites disparaissent, les autres manifestations (génitales, digestives, oculaires) guérissant en quelques jours. Des rechutes sont assez fréquentes ; elles peuvent survenir des années plus tard et se limiter à une atteinte articulaire, urétrale ou oculaire. Dans un tiers des cas environ, une spondylarthrite ankylosante apparaît dans les années suivant l'arthrite réactionnelle.

Traitement. Il fait appel aux AINS et si besoin aux injections locales de corticoïdes ou aux synoviorthèses (injections d'acide osmique ou d'isotopes radioactifs). Les antibiotiques sont utilisés en cas d'urétrite ou d'infection intestinale récente. Leur utilisation n'influence pas de façon nette l'évolution des arthrites. Par contre, une infection à chlamydiae peut conduire à la stérilité chez la femme si elle n'est pas traitée.

Autres rhumatismes postinfectieux. D'autres rhumatismes d'origine infectieuse se distinguent par l'absence des caractéristiques des arthrites réactionnelles, en particulier le lien avec HLAB27.

Les rhumatismes streptococciques sont les plus fréquents et les plus anciennement connus. Le type en est le rhumatisme articulaire aigu. La forme la plus fréquente est celle de l'enfant. Le rhumatisme articulaire aigu de l'adulte est rare, touche rarement le coeur, et les arthrites sont moins souvent mobiles que celles de l'enfant. On observe plus souvent le « rhumatisme subaigu curable », peu migrateur, touchant surtout les membres inférieurs et épargnant le coeur. Il guérit en quelques mois. Son traitement nécessite la pénicilline, le traitement des foyers streptococciques, l'aspirine ou les AINS. D'autres rhumatismes peuvent s'observer à la suite des méningococcies, de la maladie de Lyme et de la brucellose.

LE RHUMATISME PSORIASIQUE

Il touche les deux sexes, à tout âge, et s'observe chez environ 5 % des patients atteints de psoriasis. Le rhumatisme suit généralement l'apparition des lésions cutanées.

Manifestations cliniques. L'atteinte articulaire des membres débute souvent par des arthralgies prolongées sans signe inflammatoire objectif.

Puis apparaissent des arthrites : celles-ci sont le plus souvent oligo-articulaires et non symétriques, et concernent particulièrement les interphalangiennes proximales et surtout les interphalangiennes distales, les genoux et les hanches. Très souvent, on observe l'aspect de « doigt en saucisse » globalement tuméfié par l'atteinte de toutes ses articulations. L'atteinte des interphalangiennes des orteils est commune. Les déformations des doigts sont moins fréquentes que dans la polyarthrite rhumatoïde, souvent non symétriques et variables suivant les doigts d'une même main.

L'atteinte du rachis et des articulations axiales (sacro-iliaques, manubriosternales, sterno-claviculaires), s'observe dans un tiers des cas de rhumatisme psoriasique. L'atteinte des sacro-iliaques peut être isolée, elle est souvent latente ou peu douloureuse. Le rhumatisme psoriasique peut se compliquer de lésions oculaires et aortiques.

Examens paracliniques. Le syndrome inflammatoire est modéré. Les radiographies montrent moins de lésions érosives que dans la polyarthrite rhumatoïde, à l'exception des interphalangiennes où la résorption des extrémités des phalanges peut être importante. Dans l'ensemble, les lésions sont moins déminéralisantes et plus fusionnantes.

Évolution. Elle se fait généralement par poussées entrecoupées de rémissions complètes. La gravité de l'atteinte articulaire et rachidienne est variable.

Traitement. Le méthotrexate et la sulfasalazine peuvent être utilisés comme traitement de fond, l'hydroxychloroquine est déconseillée. Le méthotrexate ou le léflunomide (Arava®) peut être utilisé dans les mêmes conditions que dans la polyarthrite rhumatoïde. Les formes sévères peuvent être traitées par anti-TNF.

La maladie de Takayashu

Maladie de la femme jeune, elle débute par une atteinte de l'état général avec de la fièvre et souvent des arthralgies ou des arthrites. On peut aussi noter des douleurs musculaires, des lésions cutanées et oculaires. Secondairement, apparaissent des signes circulatoires (phénomène de Raynaud...), une claudication intermittente des membres supérieurs, des vertiges, des troubles visuels. Les examens biologiques montrent une forte augmentation de la vitesse de sédimentation et une hyperleucocytose. L'angiographie met en évidence des rétrécissements de l'aorte et de ses branches. La maladie est sévère et, malgré la corticothérapie, elle est souvent mortelle, par accident cardiaque ou vasculaire.

Arthrose, arthrites et périarthrites

Chacun des éléments de la structure articulaire peut être le siège de phénomènes pathologiques constituant autant de maladies distinctes. Schématiquement, l'atteinte du cartilage par des phénomènes dégénératifs réalise l'arthrose ; l'inflammation de la synoviale et du liquide synovial définit les arthrites, qui peuvent être infectieuses (arthrites septiques), d'origine inconnue, réactionnelles à une infection à distance, ou immunologiques (arthrites rhumatismales ou rhumatismes inflammatoires) ou enfin liées à la présence de substances cristallisées dans l'articulation (arthrites microcristallines). L'atteinte de la capsule, des bourses séreuses et des tendons, qui n'intéresse donc pas le contenu articulaire, est classée dans les rhumatismes abarticulaires et constitue le cadre des périarthrites.

La maladie de Wegener

Elle se caractérise par une atteinte des voies aériennes provoquant : rhinorrhée, épistaxis, perforations nasales, dysphagie, sinusites, toux et hémoptysies, ainsi que des opacités pulmonaires souvent multiples, volumineuses et excavées.

Il peut s'y associer des signes viscéraux multiples : rénaux, cutanés, cardiaques et articulaires.

Le C-ANCA (Classic Antineutrophil Cytoplasmic Antibody) est retrouvé dans la plupart des formes actives. Le traitement associe corticothérapie et administration de cyclophosphamide.

Le rhumatisme psoriasique

Il touche les deux sexes, à tout âge, et concerne environ 5 % des patients atteints de psoriasis. Le rhumatisme suit généralement l'apparition des lésions cutanées. L'atteinte articulaire des membres débute souvent par des arthralgies prolongées sans signe inflammatoire objectif, puis apparaissent des arthrites, qui concernent surtout les interphalangiennes distales, les genoux et les hanches. Le rhumatisme psoriasique peut se compliquer de lésions oculaires et aortiques. Le syndrome inflammatoire est modéré. Les radiographies montrent moins de lésions érosives que dans la polyarthrite rhumatoïde, sauf pour les interphalangiennes, où la résorption des extrémités des phalanges peut être importante. Dans l'ensemble, les lésions sont moins déminéralisantes et plus fusionnantes. L'évolution se fait généralement par poussées entrecoupées de rémissions complètes. La gravité de l'atteinte articulaire et rachidienne est variable. Le méthotrexate et la sulfasalazine peuvent être utilisés comme traitement de fond, l'hydrochloroquine est déconseillée. Le méthotrexate ou le léflunomide peuvent être utilisés dans les mêmes conditions que pour la polyarthrite rhumatoïde. Les formes sévères peuvent être traitées par anti-TNF.

La pseudo-polyarthrite rhizomélique

C'est une affection assez fréquente touchant des sujets de plus de 60 ans, généralement des femmes. Elle se manifeste, la nuit et le matin, par des douleurs et une raideur des articulations de la ceinture scapulaire et de la ceinture pelvienne, des cervicalgies et des lombalgies. Elle s'accompagnent de signes généraux : de la fièvre, une altération de l'état général et souvent des myalgies dans les mêmes régions des ceintures, et parfois des arthralgies ou des arthrites des articulations distales. Ce tableau clinique peut rester isolé, précéder ou suivre celui de l'artérite temporale (aussi appelée artérite à cellules géantes ou maladie de Horton).

Référence

Ce texte est extrait de Pathologie médicale et pratique infirmière. Premier d'une série de trois volumes, il comprend notamment, dans son volet orthopédie-rhumatologie, un chapitre très étoffé consacré aux pathologies articulaires. Outre les sujets présentés ici, il aborde l'arthrose, les arthrites septiques, les arthropathies métaboliques ou microcristallines, ainsi que les arthropathies nerveuses.

Pathologie médicale et pratique infirmière, tome 1, éditions Lamarre, 2006 (existe depuis 2008 en version « pocket »).