Prise en charge du cancer de l'oesophage - L'Infirmière Magazine n° 238 du 01/05/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 238 du 01/05/2008

 

oncologie

Conduites à tenir

Souvent diagnostiqué de façon tardive, ce cancer est particulièrement meurtrier. La chirurgie et la radiothérapie, pour l'essentiel, permettent de le combattre. Au cours du traitement, l'accompagnement du patient doit être très attentif.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Le cancer de l'oesophage survient en général à partir de 50 ans. Il se situe au deuxième rang des cancers digestifs. Et surtout, il compte parmi les plus meurtriers chez l'homme. La France, où l'on recense 5 200 nouveaux cas par an, est le pays occidental le plus touché.

FACTEURS DE RISQUE

Les principaux facteurs de risque sont l'abus de boissons alcoolisées et du tabac, une carence en vitamines, des antécédents de reflux gastro-oesophagien, une prédisposition de certaines populations (Chine du Sud, Tunisie, Iran). Les régions françaises les plus touchées sont la Bretagne, la Normandie, le Nord - Pas-de-Calais et la Picardie.

CLINIQUE

Le diagnostic est trop souvent tardif. Le cancer est découvert à l'occasion d'une dysphagie progressive, rebelle, d'un amaigrissement important, de vomissements, de douleurs rétrosternales.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

La fibroscopie oesogastrique permet de situer le siège (l'emplacement le plus fréquent se trouve au tiers inférieur de l'oesophage), ainsi que la limite supérieure de la tumeur.

DIAGNOSTIC

La biopsie faite au cours de la fibroscopie permet de juger de la malignité de la tumeur. Le transit oeso-gastro-duodénal précise le siège et la longueur de la sténose, et son pôle inférieur.

Un scanner thoracique, un PET-scan ou, mieux, une IRM, aident à évaluer l'épaisseur du cancer et l'atteinte ganglionnaire médiastinale.

Par une fibroscopie trachéobronchique, on recherche une éventuelle fistule aérodigestive qui contre-indiquerait le traitement par radiothérapie.

Un examen des voies aérodigestives supérieures (VADS) peut permettre de dépister un deuxième cancer (10 % des cas).

Par une échographie du foie, on recherche d'éventuelles métastases.

Un bilan des protides, un ionogramme et un électrocardiogramme sont pratiqués.

TRAITEMENT

Méthodes curatives. Les méthodes curatives pour les petites tumeurs non obstructives inférieures à 5 cm et sans adénopathie sont la chirurgie et l'irradiation.

Chirurgie. L'oesophagectomie totale emporte les chaînes ganglionnaires et le dôme de l'estomac. Elle peut être complétée par une plastie rétrosternale (gastroplastie ou coloplastie). La chirurgie partielle est palliative, avec résection au-dessus et au-dessous de la tumeur, suivie d'une radiothérapie.

Irradiation :

- Soit une radiothérapie externe postopératoire, qui s'accompagne toujours d'une réaction douloureuse médiastinale vers la 4e semaine (oesophagite).

- Soit une radiothérapie externe exclusive en 7 semaines, qui remplace la chirurgie.

- Soit une bradythérapie endo-oesophagienne par implantation de matériel radioactif.

- Soit l'association de la radiothérapie, de la chimiothérapie et de la chirurgie (antimétabolites, sels de platine, intervention chirurgicale).

Méthodes palliatives. Elles concernent essentiellement les tumeurs infiltrant la paroi de l'oesophage. Il peut s'agir soit de la mise en place par voie chirurgicale d'un tube de Célestin (ou tout autre tube rigide qui traverse la tumeur), soit d'une gastrostomie associée à une chimiothérapie.

RÉSULTATS

Le pronostic est très sombre :

- la survie moyenne est de 9 mois ;

- la survie à 3 ans est de 30 % si une chimiothérapie, une radiothérapie et une intervention chirurgicale ont été effectuées ;

- la survie à 5 ans est de 20 % après exérèse à visée curative, et de moins de 3 % pour les cancers non opérés T3 (chimiothérapie + radiothérapie).

Les récidives sont très fréquentes, et elles sont précoces.

Un second cancer (des VADS, broncho-pulmonaire) est présent dans près de 10 % des cas et l'apparition de métastases, notamment hépatiques, est fréquente.

SOINS INFIRMIERS

Accueil. L'infirmière accueille le patient, évalue sa fatigue, son état de dénutrition, son anxiété, ainsi que son comportement.

Participation au diagnostic médical. Tous les examens utilisant des produits de contraste sont prévus en dernier lieu. Au moindre doute, l'infirmière demande conseil aux techniciens de radiologie pour définir avec eux l'ordre de passage des examens.

Lors d'un traitement chirurgical par thoracotomie

Préparation du patient avant l'intervention

Capacité respiratoire. Préserver la capacité respiratoire du patient :

- arrêt du tabac un mois au moins avant l'intervention ;

- une semaine avant l'intervention, mettre en place une kinésithérapie respiratoire pour libérer les voies aériennes respiratoires et apprendre au patient à évacuer ses sécrétions bronchiques : mettre à sa disposition des crachoirs à usage unique, quantifier et qualifier leur contenu sur la feuille de surveillance. Au moindre doute infectieux, effectuer un examen cytobactériologique des crachats. Le patient est mis préventivement sous antibiothérapie.

Delirium tremens. Prévenir le delirium tremens par un sevrage progressif de l'alcool au moins un mois avant l'intervention.

Hypertension artérielle. Surveiller l'hypertension artérielle par la prise pluriquotidienne de la pression artérielle. S'assurer de la prise des anti-hypertenseurs.

État général. Restaurer l'état général du patient par des apports de vitamines B1 et B6 et par un régime hyperprotidique pour combattre les neuropathies périphériques.

Bouche. Procéder à une remise en état de la bouche par des soins dentaires, afin d'éviter les complications infectieuses.

Préparation intestinale. Si l'intestin est utilisé pour une plastie oesophagienne, il doit être propre et aseptique. Ce but peut être atteint par un régime sans résidus et une décontamination intestinale par antiseptique.

En cas d'oesocoloplastie, un lavement doit être réalisé la veille de l'intervention pour assurer la vacuité intestinale .

Intervention chirurgicale. L'exérèse de la tumeur et la reconstitution de l'oesophage sont pratiqués dans le même temps opératoire. Plusieurs techniques sont utilisées, qui comportent une ou plusieurs voies d'abord : thoracique, abdominale, cervicale.

Soins postopératoires.

Soins techniques :

- La ventilation assistée, d'au moins 24 heures, est relayée après l'extubation par une kinésithérapie respiratoire. Le tout se fait sous une couverture antibiotique prophylactique. Celle-ci sera élargie et adaptée s'il apparaissait une complication médiastinale et pulmonaire.

- La renutrition est entreprise en préopératoire et doit être maintenue durant la période périopératoire par voie parentérale centrale. Dès la reprise du transit intestinal (3e jour postopératoire en général), on commence l'alimentation entérale à débit continu par la sonde de jéjunostomie ou par une sonde naso-jéjunale, l'une ou l'autre étant posée en peropératoire ;

- Les traitements médicamenteux visent à faire céder la douleur (antalgiques), prévenir les infections (antibiotiques) et les troubles thromboemboliques (anticoagulants) ;

- La surveillance des pansements est particulièrement attentive au niveau des orifices de drainages ;

- Les drainages et sondes sont retirés sur prescription du chirurgien :

- l'ablation de la sonde gastrique doit être précédée d'un contrôle radiologique, à partir du 7e jour ;

- en cas de drainage thoracique, celui-ci doit être retiré lorsqu'il s'arrête de « buller » et que l'épanchement est devenu négligeable, après avoir vérifié que le poumon est radiologiquement revenu à la paroi, après 24 heures de clampage du drain.

Complications. L'apparition d'une fistule anastomotique est généralement révélée par un syndrome infectieux et une détresse respiratoire, et visualisée par le transit avec un produit de constraste hydrosoluble. Le traitement de la fistule consiste à l'exclure par le maintien de l'aspiration naso-gastrique et du drainage médiastino-pleural, l'alimentation étant assurée par la jéjunostomie. Si ce traitement est insuffisant, il peut s'avérer nécessaire de réséquer la plastie, de réaliser une oesophagostomie au cou et une gastrostomie. Le rétablissement de la continuité digestive est fait ultérieurement par une coloplastie, si l'évolution est favorable.

Soins relationnels. L'infirmière assumera un rôle d'aide important auprès de ce patient extrêmement fatigué et vulnérable du fait de la gravité de la maladie. Elle devra le stimuler au moment de la reprise de l'alimentation car il a généralement peu d'appétit.

Recherche des principales complications. Il peut s'agir :

- d'une surinfection, mise en évidence par l'apparition d'une fièvre, d'un abcès de paroi (douleur, oedème), d'une désunion de suture, d'une surinfection pulmonaire, d'une médiastinite qu'il faut suspecter à la moindre fièvre ou lors d'épisode d'agitation du patient, même en l'absence de fièvre ;

- d'une phlébite, recherchée sur les signes suivants : douleur au mollet à la dorsiflexion du pied, perte du ballottement du mollet.

Lors de traitements chirurgicaux palliatifs. Les soins visent à permettre au patient de s'alimenter.

La mise en place d'un tube de Celestin (ou endoprothèse oesophagienne) se fait sous anesthésie générale et sous contrôle endoscopique. Il convient d'installer le patient en position semi-assise, même la nuit. Tout de suite après la pose du tube, le patient peut se réalimenter avec des aliments mixés et boit quelques gorgées d'eau pour rincer le tube et éviter qu'il ne s'obstrue.

L'utilisation du laser vise à forer dans la sténose un trajet pour laisser passer les aliments. La réalisation d'une gastrostomie sous anesthésie locale ou générale, avec sonde de Pezzer, permet d'alimenter le patient. La radiothérapie et la chimiothérapie peuvent également être utilisées pour réduire le volume tumoral.

Relation avec le patient. L'infirmière assure un soutien psychologique du patient, notamment à son réveil, car c'est le plus souvent à ce moment qu'il prend conscience de la gravité de son état et de la lourdeur du traitement chirurgical. Elle explique au patient à quoi servent les différents « tuyaux » auxquels il est branché, et reste à l'écoute de ses questions.

Éducation du patient. Il importe d'encourager le malade à participer le plus possible à son traitement et à effectuer plusieurs fois par jour les mouvements respiratoires enseignés par le kinésithérapeute.

L'infirmière aide le patient à comprendre l'intérêt des nouvelles habitudes alimentaires, elle établit une surveillance pondérale hebdomadaire, conseille la famille afin qu'elle élabore des menus équilibrés et participe à la nutrition artificielle à domicile.

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