Bienvenue au Zoo - L'Infirmière Magazine n° 239 du 01/06/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 239 du 01/06/2008

 

Vous

Vécu

L'hôpital, lieu de vie et de solidarité, une équipe soudée, une rigueur de soin exemplaire, un personnel actif et compétent... euh... vous êtes sûrs ? Disons plutôt une faune sauvage, un univers impitoyable (l'apééééééé, ton univers impitoya-aaable !), peuplé d'êtres mystérieux portant blouses blanches et badges colorés. Voici un modeste panorama de ces travailleurs qui hantent non seulement les couloirs, mais aussi nos esprits.

« infirmia encadritus »

Tout d'abord, ceux par qui les grands moments de notre petite vie d'élèves infirmiers (euh, pardon... d'étudiants en soins infirmiers, formule pompeuse et idéale à employer lors de toute rencontre avec assistante sociale, kiné, médecin, cadre infirmier, colibacille et staphylocoque doré) arrivent : les infirmiers ou Infirmia encadritus. Espèce très diversifiée de la jungle hospitalière, nous prodiguant conseils, encouragements (rarement), félicitations (très rarement), avertissements ou encore menaces. Étrangement, leurs capacités naturelles ne leur permettent pas ou peu d'assimiler nos prénoms. Il leur faut globalement une semaine, deux chez les sujets les plus distraits.

Notre nom de code est généralement « l'élève » (ah bon ? pourquoi pas « l'étudiant en soins infirmiers 2e année, 2e stage, 3e semaine ? »), c'est notre passe pour la pharmacie, le bureau des internes, la salle à manger, et notre odeur naturelle qui permet à la meute de nous accepter.

Distinguons deux sous-espèces : l'Infirmia poulus et l'Infirmia cygnus.

La poulus, sympathique infirmière de plus de dix ans d'expérience, nous couve comme un poussin tout juste sorti de l'oeuf, caquetant volontiers avec ses semblables, mais gardant toujours un oeil maternel sur notre travail.

Le cygnus, magnifique d'orgueil et de suffisance, flottant majestueusement sur le reste de la basse-cour, donnant des coups de bec de-ci de-là, épargnant l'un, méprisant l'autre. Il semble qu'une seule espèce soit capable de faire incliner le cygnus devant elle : le Medicinus maximus. En effet, dès que sa silhouette apparaît au fond d'un couloir, une transformation subite et complète s'opère chez le cygnus. Il tend, le cou, roucoule, bat des ailes, parade. Ce phénomène est particulièrement observable chez la femelle cygnus, en présence d'un Medicinus mâle.

énigme de la nature

Parlons-en justement du Medecinus. Là encore, on distingue le Medecinus superior maximus du Medecinus interna maximus. Le superior est assez discret, un dossier sous l'aile, une tasse de café dans les serres, il ne communique que rarement avec nous. L'interna est, lui, une vraie énigme de la nature. Il ne mange pas, ne dort pas, boit de temps en temps, telle une plante verte. Il semble également posséder le don d'ubiquité, voyageant à la vitesse de l'éclair entre le bloc opératoire, la salle de soins, son bureau, la chambre d'un patient anxieux, répondant à nos questions tout en se remémorant les soixante patients du bâtiment. Et pourtant, pas de répit pour ce coureur invétéré des plaines hospitalières : souffre-douleur des Infirmia (« et ma pres' de daf' ? ») et du superior, qu'il suit comme un vulgaire chien de prairie lors des visites quotidiennes expédiées à la vitesse du guépard.

Inutile que les chaumières ne pleurent pour autant, l'interna peut exercer sa tyrannie sur une autre espèce : l'externa. Sorte de bébé Medecinus, il erre dans les couloirs à la recherche de son chef de mérite, ou d'une proie à saigner. Espèce plutôt rare qui, sortie de l'hôpital, se déplace en bande (plus connue sous le nom d'« étudiants en médecine ») et vit la nuit, terrorisant les passants.

mutation particulière

À ces diverses bêtes de travail s'ajoute un redoutable oiseau de proie, possédant un sens quasi surnaturel de l'observation qui, telle une (vieille ?) chouette, s'abat sur l'infortuné élève (NOOON !!!... l'étudiant...) tenant innocemment son spray de Surfanios à la main et s'apprêtant à pschipschitter sur le chariot ayant véhiculé son dur labeur : « NON ! On pulvérise sur la chiffonnette !! et sur la chiffonnette rose !!! » Notez bien l'utilisation du terme « pulvériser » au lieu du banal et normal « pschipschitter ». Ce langage reflète à lui seul la différence de hauteur à laquelle nous volons.

Alors ? Une idée sur cette espèce ? À vos buzzers ! Tut... tut... trop tard ! La réponse était le Cadrus infirmia. Planant furtivement sur le service, surgissant de derrière une porte, le sourire scotché aux lèvres, à l'affût de la moindre incartade (« Quoi ! Vous prenez déjà votre pause ? ») Il est à noter une mutation particulière qui aboutit chez certains sujets au Cadrus superium, sorte de Zorro de l'hygiène et de la santé, combattant le sergent S. aureus d'une lame affûtée à la Betadine.

Il sera maintenant beaucoup plus facile pour l'élève (arggghh... c'est plus fort que moi !) de se fondre dans la jungle hospitalière, en adoptant les différents comportements relatés précédemment.

Avant votre prochain stage, n'oubliez pas votre parure de caméléon.