Le cancer du col de l'utérus - L'Infirmière Magazine n° 239 du 01/06/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 239 du 01/06/2008

 

oncologie

Cours

Conséquence la plus redoutable de certaines infections à papillomavirus, le cancer du col de l'utérus tue mille femmes par an en France. Bien qu'en recul depuis une vingtaine d'années, il pourrait être encore mieux prévenu grâce à la vaccination, couplée à un dépistage renforcé.

En France, le cancer invasif du col de l'utérus est le huitième cancer en nombre de nouveaux cas chez les femmes, tous âges confondus (1). C'est aussi le troisième cancer gynécologique après le cancer du sein et le cancer de l'endomètre. Il concerne le segment le plus bas de l'utérus (lire l'encadré p. IV). On estime à près de 3 400 le nombre de nouveaux cas de cancer du col utérin chaque année, ce qui représente 8 cas pour 100 000 femmes. Son incidence augmente avec l'âge et atteint un premier pic entre 40 et 50 ans, puis un deuxième pic chez les femmes de plus de 70 ans. Il est responsable de 1 000 décès par an en France, ce qui fait de lui la cinquième cause de décès féminins par cancer. La mortalité augmente avec l'âge et la survie est inférieure à cinq ans dans 70 % des cas.

Le cancer du col utérin est la conséquence la plus grave des infections à papillomavirus humain (lire l'encadré p. V). Si d'autres facteurs (tabagisme, microtraumatismes du col suite aux accouchements, déficit immunitaire lié au VIH) en favorisent la survenue, dans plus de 99 % des cas, la présence persistante de certains virus de la famille des Human Papilloma Virus (HPV) est à l'origine de ce cancer.

IDENTIFIER LES HPV ONCOGÈNES

Sur les quelque 120 génotypes de virus HPV actuellement identifiés, tous n'induisent pas un risque de cancer. Le rôle étiologique des papillomavirus humains dans le cancer du col utérin a été découvert dans les années 1950 par l'Allemand Harald zur Hausen et son équipe. Depuis, ces virus ont été regroupés en deux familles selon qu'ils possèdent ou non un potentiel oncogène. Il faut donc différencier les variétés oncogènes et non oncogènes de ce virus.

Les HPV non oncogènes. Le groupe des papillomavirus humains dits non oncogènes comprend, parmi les plus fréquemment rencontrés, les génotypes 6, 11, 42, 44, 50, 53 et 83. Ils sont responsables d'infections ano-génitales bénignes dont les principales sont les condylomes acuminés (2) provoqués dans 90 % des cas par les HPV 6 et 11.

Les lésions à HPV non oncogènes régressent dans environ 20 % des cas, se stabilisent dans 50 % des cas ou s'étendent à d'autres sites (anus, vagin, col, vulve) dans 30 % des cas. Ces lésions ont peu de capacités transformantes et restent dans la majorité des cas bénignes. Elles se distinguent des lésions précancéreuses par le fait qu'elles sont symptomatiques et qu'elles récidivent fréquemment.

Leur prise en charge thérapeutique fait appel à des traitements immunostimulants locaux (imiquimod ou Aldara®) en application locale ou à des traitements destructeurs physiques ou chimiques (laser pour les lésions étendues, crèmes, pommades pour les lésions plus localisées), dont la réussite dépend de la localisation des condylomes, de leur étendue et du profil immunitaire de la patiente. Répétitifs et parfois douloureux, ces traitements ont des conséquences sur la qualité de vie et la sexualité. Leurs retentissements psychologiques ne doivent pas être négligés.

Les HPV oncogènes. Parmi les HPV oncogènes, huit sont impliqués dans 95 % des cancers du col de l'utérus et deux (HPV 16 et HPV 18) dans 70 % des cas. L'HPV 16 prédomine (57 % des cas de cancer du col). Il est suivi en fréquence décroissante par les HPV 18 (14 % des cas), les HPV 45 (8 %) et les HPV 31 (4 %), 33, 52, 58, 35, 59, 56 et 39 (quelques pour cent chacun) (3). Les deux génotypes HPV 16 et HPV 18 sont les plus virulents. Ils sont aussi détectés dans 60 à 65 % des cancers du vagin, 20 à 50 % des cancers de la vulve, 85 à 95 % des cancers de l'anus, 40 % des cancers du pénis et 12 à 36 % des cancers de l'oropharynx.

Une femme infectée par un HPV 16 ou 18 court un risque de développer une dysplasie précancéreuse ou un cancer invasif du col utérin au moins cinq fois supérieur à celui d'une femme infectée par un HPV d'un autre type. « Cela dit, insiste le Pr Lopes, gynécologue-obstétricien au CHU de Nantes, dans 90 % des cas, les femmes qui rencontrent un virus HPV au cours de leur vie l'éliminent spontanément dans un délai de trois ans par la production naturelle d'anticorps. Sur les 10 % restants, 65 000 par an développent une lésion de bas grade et entre 15 000 et 25 000 des lésions précancéreuses de haut grade. Parmi elles, un peu plus de 3 000 évoluent en cancer invasif. »

DE LA DYSPLASIE AU CANCER INVASIF

Dysplasies du col utérin. Les dysplasies du col utérin atteignent l'épithélium de surface. La membrane basale n'est pas franchie et le tissu conjonctif sous-jacent n'est pas envahi. On parle de lésion malpighienne intra-épithéliale, ou de néoplasie cervicale intra-épithéliale (CIN). Dans la majorité des cas, ces dysplasies sont légères ou moyennes (CIN 1, CIN2) (lire l'encadré p. VII) ce qui signifie que la transformation des cellules ne concerne que le plan superficiel du tissu recouvrant le col de l'utérus. Il existe également des dysplasies cervicales et vulvo-vaginales moyennes ou sévères (CIN 2 et CIN 3, VIN ou VAIN 2 et 3).

Dans ce cas, la transformation cellulaire concerne les deux tiers, voire la totalité du tissu recouvrant le col de l'utérus. Ces dysplasies sont moins fréquentes que les dysplasies de bas grade. Elles correspondent à un état précancéreux et peuvent, en l'absence de traitement, persister durant de nombreuses années et évoluer vers un cancer invasif. La persistance de ces lésions dans le temps s'explique par la conjonction de plusieurs facteurs :

- des facteurs liés à l'hôte, notamment à ses défenses immunitaires et sa situation hormonale ;

- des cofacteurs viraux, liés au type de HPV (les HPV 16 et 18 sont plus persistants) ;

- des facteurs environnementaux : contraception orale pendant plus de cinq ans, tabagisme (il implique un risque important de faire persister le virus et d'entraîner une dégénérescence du col).

Les cancers invasifs. « Les cancers du col de l'utérus sont dits invasifs lorsqu'ils franchissent la membrane basale et envahissent le tissu conjonctif sous-jacent, explique le Pr Lopes. Ils peuvent alors gagner les ganglions, s'étendre sur place ou atteindre la vessie ou le rectum, par exemple. » Au même titre que les dysplasies, les cancers invasifs peuvent rester totalement asymptomatiques. Dans la plupart des cas, ils sont découverts au cours d'un dépistage par frottis cervico-vaginal. Toutefois, chez les femmes non ou mal surveillées, certaines manifestations peuvent, à un stade avancé, évoquer la présence d'un cancer invasif. Ces manifestations peuvent se présenter sous différentes formes :

- métrorragies post-coïtales (saignements génitaux provoqués par une relation sexuelle) ;

- métrorragies spontanées (saignements en dehors de la période des règles) ;

- leucorrhées (écoulements provenant de la filière génitale) ;

- dyspareunies (douleurs au cours des rapports sexuels) ;

- douleurs, voire difficulté à uriner ou sensation de faux besoins d'aller à la selle.

DÉPISTAGE

En moyenne, le cancer invasif du col utérin met quinze à vingt ans à se développer. Le passage par des lésions précancéreuses et son évolution lente en font un candidat idéal au dépistage car il laisse de nombreuses possibilités de réaliser une surveillance par frottis cervico-utérin. Cet examen cytologique de base permet de détecter les lésions dysplasiques et de mettre en place, si nécessaire, un traitement curatif approprié (cf. encadré p. VIII). Il a permis, en cinquante ans, de faire chuter de près de 80 % l'incidence du cancer invasif du col de l'utérus. La France ne bénéficiant d'un dépistage organisé que dans quelques départements pilotes (4), il est important de rappeler les modalités du dépistage individuel. Celui-ci repose sur les principes suivants :

- Réaliser le premier frottis dans les trois ans qui suivent le premier rapport sexuel ;

- Réaliser un frottis de contrôle un an après le premier examen ;

- Lorsque les deux premiers frottis sont normaux, renouveler l'examen tous les trois ans. Ces contrôles peuvent être plus rapprochés dans certains cas particuliers (partenaires multiples, col inflammatoire, antécédents...) À noter : certaines situations épidémiologiques laissent évoquer un risque majoré de ce type de cancer (certains départements d'outre-mer par exemple). Dans ce cas, il est particulièrement important d'insister sur la régularité des contrôles périodiques tous les trois ans après les premiers rapports sexuels.

Faux négatifs. Néanmoins, le frottis n'est pas un examen fiable à 100 %. On estime en effet la part des faux négatifs entre 30 et 40 %. C'est pourquoi un examen de contrôle un an après l'examen initial est vivement recommandé. C'est aussi la raison pour laquelle il est important de réaliser très régulièrement des frottis de dépistage pour multiplier les chances de détecter des lésions précancéreuses, car ces faux négatifs sont souvent en cause dans la découverte de cancers invasifs chez des femmes ayant une surveillance insuffisante. Selon le Pr Joseph Monsonego (congrès Eurogin 2003), « sur les 3 000 nouveaux cas de cancer du col repérés chaque année en France, environ 1 000 concernent des femmes dont le frottis est négatif ».

Le test HPV. Pour limiter ces faux négatifs et améliorer l'efficacité du dépistage par frottis, deux techniques ont été développées au cours des dix dernières années : la cytologie en milieu liquide (elle augmente la sensibilité du dépistage mais entraîne un surcoût par rapport à la méthode conventionnelle par étalement) et le test HPV. Le papillomavirus humain n'étant pas cultivable, ce test consiste à rechercher la présence d'un HPV à haut risque (oncogène) par technique de biologie moléculaire sur prélèvements muqueux (à la cytobrosse) et biopsiques. « La sensibilité de ce test pour les lésions précancéreuses étant supérieure à 95 %, le couplage des frottis et du test HPV augmente la sensibilité du dépistage conventionnel et permet de rattraper environ 30 % des faux négatifs du frottis, explique le Pr Lopes. C'est ce qui explique que certains spécialistes militent pour coupler frottis et test HPV ».

Actuellement, l'utilisation de ce test n'est pas généralisée, mais recommandée par la Haute Autorité de santé (HAS) en cas de frottis ambigu de type Ascus (Atypical Squamous Cells of Undetermined Significance : atypies cellulaires de nature mal définie). Il s'agit de la seule indication remboursée en France. « En cas de test HPV oncogène positif, poursuit le spécialiste, on met en place un frottis tous les ans car on estime qu'il existe alors un risque, dans 20 à 30 % des cas, que la femme développe une dysplasie sévère de haut grade dans les dix ans. Ce suivi peut être anxiogène pour les patientes mais il est important de préciser que c'est le meilleur moyen d'éviter et de prévenir une cancérisation. L'information est meilleure conseillère que l'ignorance. Pour dissiper l'anxiété suscitée d'emblée, il convient d'expliquer aux femmes qu'une dysplasie n'est pas un cancer mais une lésion précancéreuse parfaitement curable. »

Lorsque le suivi associe un frottis anormal et un test HPV péjoratif, un examen colposcopique (observation visuelle à la loupe) complémentaire est réalisé. Cet examen permet de repérer les lésions et de réaliser des prélèvements biopsiques orientés lorsque la zone de jonction entre les deux épithéliums est bien visible. Si cette dernière est invisible, une conisation diagnostique peut être discutée en tenant compte de l'âge de la patiente, d'un éventuel projet de grossesse et du grade des lésions révélées par le frottis.

Renforcer la couverture du dépistage. Actuellement, avec 6 millions de frottis réalisés chaque année, le taux de couverture moyen du dépistage individuel se limite à 55 % des femmes en France, ce qui est nettement insuffisant. « Pour autant, constate le Pr Lopes, même avec des médecins motivés et des femmes très organisées comme c'est le cas en Alsace, le taux de couverture ne dépasse pas 70 %. » Selon Cédric Mahé et Philippe Mourouga (5), un certain nombre de paramètres expliquent cette situation :

- L'âge. Après 55 ans, la réalisation des frottis chute avec le suivi gynécologique ;

- Le statut socio-économique. On observe des inégalités de couverture liées au statut socio-économique beaucoup plus significatives que pour le cancer du sein ;

- Le manque d'information (méconnaissance de l'organe, de l'histoire naturelle de la maladie, de ce cancer, du rôle du frottis) ;

- Les problèmes d'accès financiers ou logistiques.

« Au-delà de ces critères "objectifs", ajoute le Pr Lopes, il convient de prendre en compte les comportements irrationnels qui conduisent souvent les femmes, y compris parmi les plus cultivées, à se ranger dans la catégorie "non concernée" et à refuser de se plier au dépistage par peur du diagnostic. » Vis-à-vis de ces femmes, les professionnels de santé (médecins généralistes pour la réalisation des frottis et infirmières pour l'éducation à la santé et l'information) ont un rôle majeur à jouer pour améliorer le dépistage individuel et la prise en charge précoce des lésions. Jusqu'à l'année dernière, les acteurs de santé ne disposaient que de ce levier pour faire reculer les cancers invasifs du col de l'utérus. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, dans la mesure où il existe désormais une prévention primaire de ce cancer grâce à la vaccination anti-HPV.

PRÉVENTION VACCINALE

Événement phare de l'année 2007 en gynécologie, la vaccination anti-HPV présente le double intérêt de réduire l'exposition initiale au risque d'infection, et donc de limiter le risque à distance de cancers non diagnostiqués. C'est la raison pour laquelle elle est aujourd'hui largement recommandée.

Vaccins anti-HPV. La prévention vaccinale du cancer du col de l'utérus repose actuellement sur deux vaccins : un vaccin quadrivalent (le Gardasil®) et un vaccin bivalent (le Cervarix®). Le Gardasil® vise quatre génotypes : 16 et 18 (oncogènes) et 6 et 11 (condylomes). Le Cervarix® vise uniquement les papillomavirus de type 16 et 18. Les deux vaccins préviennent donc les infections à haut risque responsables de la majorité des cancers du col utérin.

Immunité post-vaccinale élevée. En stimulant l'immunité humorale, la vaccination induit un taux d'anticorps circulants largement supérieur à celui conféré par une infection naturelle. Ce taux est dix fois supérieur pour les infections à HPV de type 6 et 11 et peut dépasser mille fois le taux des anticorps acquis naturellement pour les anticorps anti HPV 16 et 18. Les anticorps empêchent la particule virale d'accéder à sa cible et neutralise le virus, l'immunité empêchant l'infection. Ces titres élevés s'observent chez près de 100 % des personnes vaccinées.

Modalités d'administration. Les deux vaccins sont administrés à raison de trois injections à zéro, deux et six mois. La séronconversion est supérieure à 99 % au septième mois et à 91 % au dix-huitième mois.

Tolérance. Le vaccin quadrivalent occasionne des réactions locales principalement douloureuses. Sept essais vaccinaux comparatifs portant sur 11 778 femmes vaccinées et 9 686 recevant un placebo, ont permis d'observer ces réactions chez 84 % des femmes vaccinées et 75 % des femmes faisant partie du groupe placebo (3). L'oedème et la rougeur sont plus rares. Les réactions générales sont peu fréquentes : une fièvre supérieure à 38°C est observée chez 4,9 % des vaccinées.

Concernant le vaccin bivalent, les effets indésirables sont de même nature et aucun effet sévère n'est observé. Les réactions générales (céphalées, asthénie, myalgies) sont très légèrement supérieures à celles du groupe contrôle, mais restent rares.

Durée de l'immunité. Pour l'heure, la durée de protection de la primo-vaccination n'est pas connue au-delà de cinq ans. Les études ont en effet montré que les taux d'anticorps restaient stables au moins cinq ans après la vaccination, mais le recul n'est pas encore suffisant pour juger de la pérennité de cette protection au-delà de ce délai. De même, la nécessité d'un rappel, de même que ses modalités, ne sont pas encore établies.

Qui vacciner ? Tous les essais publiés montrent que l'efficacité du vaccin est optimale et proche de 100 % si la vaccination est pratiquée avant tout contact viral avec HPV 16 et 18, c'est-à-dire avant le premier rapport sexuel. En France, 3 % des adolescentes ont des rapports sexuels avant 15 ans et 9 % avant 16 ans. C'est la raison pour laquelle le Conseil supérieur d'hygiène publique de France (CSHPF), recommande la vaccination des jeunes filles à 14 ans.

Cet âge fait débat au sein de la communauté scientifique internationale, notamment parce que la période à laquelle l'immunité vaccinale est la plus forte et où la couverture vaccinale est la plus élevée correspond au tout début de l'adolescence, soit vers 11-12 ans. Ainsi, certains pays comme les États-Unis, l'Italie ou le Royaume-Uni ont fixé l'âge de vaccination entre 11 et 13 ans. En France, si les parents le demandent, la vaccination anti-HPV peut être réalisée avant 14 ans, l'AMM autorisant ce vaccin à partir de 9 ans. Dans ce cas, le vaccin n'est pas remboursé (6). Au-delà de l'âge fixé en France pour la primo-vaccination, le CSHPF « recommande que le vaccin soit également proposé aux jeunes filles et jeunes femmes de 15 à 23 ans qui n'ont pas eu de rapports sexuels, ou au plus tard dans l'année suivant le début de la vie sexuelle, proposition qui pourrait être faite à l'occasion d'une primo-prescription de contraception, d'un recours à la pilule du lendemain ou d'une consultation pour tout autre motif ».

Par ailleurs, les garçons constituant un réservoir des HPV génitaux, la question se pose de savoir si la vaccination doit leur être proposée. Pour l'heure, des inconnues scientifiques persistent sur la valeur protectrice du vaccin chez les hommes. Il semble que le rapport bénéfice-risque ne soit pas évident et que la vaccination conjointe n'affecterait l'incidence du cancer du col de l'utérus que très marginalement. Quant aux patients HIV-positifs, si la vaccination n'est pas contre-indiquée car les vaccins anti-HPV sont inertes, des études sont nécessaires pour mieux en apprécier l'intérêt dans cette indication.

Perspectives. « Il paraît tout à fait probable que le développement de la vaccination anti-HPV réduise, à terme, la prévalence globale des cancers du col de l'utérus et des lésions précancéreuses », indique le rapport de l'Académie de médecine sur les vaccins des papillomavirus humains (3). Les prévisions montrent que cette réduction pourrait également faire évoluer le dépistage (certains contrôles seraient plus espacés ou les surveillances prolongées) et l'orienter vers une population à risque dûment repérée (femmes HPV-positives, par exemple).

Mais dans l'immédiat, toutes les recommandations et tous les spécialistes insistent sur la nécessité impérieuse de maintenir et de renforcer le dépistage du cancer du col de l'utérus, car la mise en place d'une vaccination généralisée des adolescentes ne semble pouvoir être suivie d'un effet sur l'incidence de ce cancer qu'après 20 ou 30 ans. La complémentarité de ces deux outils de prévention primaire et secondaire est donc plus que jamais à l'ordre du jour.

L'optimisation de ces outils passe par un important effort d'information auprès des femmes et des familles, car les études réalisées sur des populations variées d'adolescentes, de femmes jeunes et d'étudiantes montrent que leur connaissance des papillomavirus humains, du cancer du col et de sa prévention primaire et secondaire est très limitée, voire inexistante, y compris lorsqu'elles ont des antécédents de dépistage avec des résultats anormaux (7). Autant dire que la mobilisation de tous les acteurs de santé peut avoir un effet déterminant sur le recul de cette maladie dans notre pays.

1- Classification des cancers féminins en nombre de nouveaux cas (données INCA 2000) : colon-rectum (6 826), corps de l'utérus (5 064), poumon (4 591), ovaire (4 488), lymphome non hodgkinien (4 381), sein (4 184), mélanome (4 165).

2- Verrues génitales externes touchant les deux partenaires sexuels. Elles sont encore appelées « crêtes de coq » ou « végétations vénériennes » et peuvent apparaître au niveau du gland chez l'homme et dans la zone périnéale, vaginale ou cervicale chez la femme. Leur incidence annuelle en France est estimée à 107 pour 100 000 habitants. 40 % des cas concernent des femmes.

3- Rapport des commissions VI-A, VI-B, III et de deux groupes de travail de l'Académie nationale de médecine : Les Vaccins des papillomavirus humains. Leur place dans la prévention du cancer du col utérin, Pierre Bégué, Roger Henrion, Bernard Blanc, Marc Girard, Hélène Sancho-Garnier, 11 décembre 2007.

4- Depuis les années 1990, quatre structures de gestion représentant cinq départements ont mis en place un dépistage organisé du cancer du col de l'utérus. Il s'agit d'initiatives locales dont trois perdurent aujourd'hui : en Alsace (Bas-Rhin et Haut-Rhin), en Isère et en Martinique. Ce dépistage systématique concerne les femmes entre 25 et 65 ans.

5- « Dépistage des lésions cervicales : améliorer la situation en France », Revue du praticien Gynécologie-obstétrique, mai 2007, Philippe Mourouga, Cédric Mahé.

6- Au 20 mars 2008, le prix public d'une dose de vaccin anti-HPV était de 135,59 euros, remboursés à 65 % dans les indications de prescription.

7- Saslow et alii, « American Cancer Society Guideline for Human Papillomavirus Vaccine Use to Prevent Cervical Cancer and Its Precursors », CA, Cancer J. Clin., 2007 ; 57/7-28.

Rappel physiologique

Le col de l'utérus est l'extrémité inférieure de l'utérus qui relie le corps de l'utérus au vagin. Il constitue la jonction de la partie externe du col (exocol) et de la partie interne (endocol). Au niveau de cette jonction, deux tissus différents se rejoignent :

- l'épithélium malpighien exocervical, qui recouvre la partie externe du col ;

- l'épithélium glandulaire endocervical, qui recouvre la partie interne.

Ces deux épithéliums recouvrent le tissu conjonctif (ou tissu de soutien) et se rejoignent le long d'une ligne appelée zone de jonction ou zone de transformation, qui constitue la frontière entre ces deux épithéliums. C'est dans cette zone, très fragile et particulièrement vulnérable aux infections, que des cellules du col utérin peuvent se transformer et constituer une dysplasie. La majorité (85 %) des cancers du col utérin se développent à partir de l'exocol (carcinome épidermoïde) ; 15 % se développent à partir de l'endocol (adénocarcinome). Il existe également des cancers du col qui se développent à partir du tissu conjonctif (sarcome), mais ce type de cancer est extrêmement rare.

Source : http://www.docteur-benchimol.com/cancer_du_col_uterin.html.

L'infection à papillomavirus

Il s'agit de l'une des infections sexuellement transmissibles les plus répandues chez les femmes jeunes sexuellement actives. Le virus étant de type ubiquitaire, l'infection à papillomavirus humain (HPV) peut être transitoire, récidivante ou persistante. La cible de prédilection de ce virus est le sujet au début de son expérience sexuelle. Entre 15 et 20 ans, la prévalence de l'infection par HPV est en effet de 10 %, contre 1 % pour la population générale tous âges confondus (1). Au-delà de la précocité des rapports, la contamination par le virus HPV est principalement favorisée par la multiplicité des partenaires sexuels. « Au début de leur vie sexuelle, 40 % des femmes risquent d'être exposées au virus HPV », explique le Pr Patrice Lopes, gynécologue-oncologue, chef du service maternité du CHU de Nantes.

Plus largement, entre 15 et 44 ans, on estime qu'environ 70 % des femmes sont exposées aux HPV ou l'ont été. Extrêmement contagieux du fait de sa forte réplication virale, ce virus peut être transmis par pénétration vaginale ou anale, ou par simple attouchement de la région périnéale, vulvaire et génitale. La transmission est estimée à 50 % en cas de condylomes acuminés (verrues des organes génitaux externes) présents chez le partenaire. La transmission peut également avoir lieu à la naissance lors du franchissement du col utérin et peut entraîner l'apparition d'une papillomatose laryngée juvénile grave avec risque de dyspnée obstructive.

1- Source : Les Vaccins des papillomavirus humains, leur place dans la prévention du cancer du col utérin, Pierre Bégué, Roger Henrion, Bernard Blanc, Marc Girard, Hélène Sancho-Garnier, rapport de l'Académie nationale de médecine, 11 décembre 2007.

Stadification des lésions précancéreuses

Les infections à HPV oncogène présentent, au niveau cervical et vulvo-vaginal, trois stades de gravité en fonction du degré d'atypie cellulaire et des modifications de l'architecture épithéliale.

1. Stadification des lésions précancéreuses cervicales :

- Lésions légères (CIN 1) : condylomes plans (lésion virale non dysplasique invisible à l'examen clinique et nécessitant l'utilisation d'un colorant pour la mettre en évidence) et dysplasies légères ou CIN 1 (cervical intra-epithelial neoplasy grade 1). Ces lésions de bas grade régressent spontanément sans traitement dans 60 % des cas dans un délai de un à deux ans. Dans 30 % des cas, elles restent stables et persistent dans le temps. Elles s'aggravent dans environ 10 % des cas, évoluant soit vers une dysplasie de haut grade soit, beaucoup plus rarement, vers un cancer invasif (moins de 1 % des cas) (étude Ostor AG).

- Lésions modérées (CIN 2) : cervical intra-epithelial neoplasy grade 2. Selon l'étude d'Ostor, 5 % de ces lésions progressent vers le cancer.

- Lésions sévères (CIN 3) : cervical intra-epithelial neoplasy grade 3. L'incidence des dysplasies de haut grade (CIN 2 et CIN 3) en France était comprise, en 2004, entre 20 000 et 30 000 cas. Bien qu'elles puissent régresser spontanément, leur destruction est recommandée car elles présentent un risque réel de progression vers le cancer invasif dans un délai moyen de dix ans.

2. Stadification des lésions précancéreuses vulvo-vaginales ou néoplasies intra-vulvaires (VIN) ou intra-vaginales (VAIN) :

- Lésions de bas grade (VIN ou VAIN 1) : papulose bowénoïde. Lésion multifocale périnéale et vulvaire évoluant rarement vers le cancer invasif (3 à 4 %)

- Lésions de haut grade (VIN ou VAIN 2 et 3). Maladie de Bowen (VIN 2) : lésion unifocale survenant en période ménopausique et évoluant vers l'invasion dans 30 à 40 % des cas. Les lésions vaginales (VAIN 3) se traduisent par des zones érythroplasiques ou leucoplasiques siégeant sur le tiers supérieur du vagin (culs de sac). Elles peuvent être isolées ou associées à des lésions cervicales (CIN 3), ou encore se développer sur une cicatrice d'hystérectomie. L'incidence des lésions vulvo-vaginales semble augmenter avec un pic de fréquence entre 25 et 30 ans et entre 45 et 50 ans. Les génotypes 16, 18, 31, 33 sont retrouvés dans 90 % des cas.

Source : Les Infections génitales à papillomavirus humains, Roger Henrion, Bernard Blanc, rapport des commissions VI-A, VI-B, III et de deux groupes de travail de l'Académie nationale de médecine.

Prise en charge des lésions dysplasiques

Face à des dysplasies de bas grade, un traitement ne s'impose pas d'emblée car ces lésions peuvent disparaître spontanément après quelques mois. Il n'est donc pas systématique de pratiquer leur destruction ou leur exérèse. Si le bilan d'investigation cytologique (frottis), colposcopique et histologique (biopsie) est rassurant (lésion limitée à une zone de jonction parfaitement visible), une surveillance par frottis ou colposcopie peut suffire. En cas de persistance des lésions pendant au moins dix-huit mois, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF, décembre 2007) recommande de traiter par vaporisation laser. Toutefois, certaines équipes préfèrent traiter les lésions d'emblée au motif que ces lésions préexistantes constituent une porte d'entrée pour d'autres papillomavirus (1). Ce traitement, totalement indolore, est réalisé en ambulatoire avec ou sans anesthésie locale. Sa réussite est de l'ordre de 85 à 90 %. Si les trois examens ne sont pas concordants, un traitement chirurgical par « conisation » est réalisé.

En présence de lésions dysplasiques de haut grade, le traitement ne se discute pas, il s'impose. Les lésions peuvent être traitées par laser mais la technique de référence dans ce cas est la conisation. Cette intervention chirurgicale consiste à réaliser l'exérèse de copeaux de col ou plus largement d'un cône de col. Différentes techniques de conisation existent. Le choix de la technique dépend de l'étendue des lésions, de leur aspect colposcopique et des habitudes du chirurgien. La surveillance post-opératoire est fondamentale car il existe un risque de récidive de 10 % à 10 ans. Une récidive pouvant évoluer vers un cancer invasif, des contrôles rapprochés doivent être réalisés la première année (à 3 mois, 6 mois puis à 1 an). Ils reposent sur la réalisation d'un frottis cervico-vaginal, d'une colposcopie et d'un test HPV. Si ces examens sont normaux, une surveillance annuelle par frottis doit être instaurée.

1- L'infection par un type de HPV donné n'empêche pas la surinfection par un autre type de HPV. Ce processus s'observe dans 20 à 30 % des cas.