Libre ou précaire, l'intérimaire ? - L'Infirmière Magazine n° 239 du 01/06/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 239 du 01/06/2008

 

intérim

Dossier

Pour certaines infirmières, l'intérim est synonyme d'autonomie et de découvertes. Pour d'autres, il rime avec l'incertitude et les déconvenues. Revue de détail d'un mode de travail à double tranchant.

Il y a deux sortes d'infirmières : celles qui sont faites pour l'intérim et celles qui ne le sont pas ! Les unes adorent, les autres détestent : c'est rose ou noir. Rose pour celles qui recherchent une certaine liberté : « Je travaille où je veux quand je veux ». Rose pour l'exaltation de découvrir de nouveaux services, de nouvelles techniques de travail, un nouveau matériel, de nouvelles personnalités : bref, l'apprentissage permanent. Rose aussi pour le salaire. Noir pour celles qui sont propulsées dans un service inconnu sans que personne ne les aide ni les renseigne. Noir pour celles qui se sentent jugées comme l'intérimaire intéressée et paresseuse. Noir pour celles qui ont le sentiment de toujours survoler et de ne jamais approfondir.

Question de vécu, de profil...

Se plaire ou non dans l'intérim dépend donc de plusieurs facteurs : de sa personnalité, de l'agence qui vous place et du service dans lequel vous allez tomber. Si vous êtes fraîchement diplômée, de nature angoissée, que votre agence vous envoie en chirurgie la nuit et que vous vous retrouvez avec une aide-soignante acariâtre, vous devriez rapidement rêver d'un CDI aux contours bien tracés. Si au contraire vous êtes attirée par la nouveauté et que vous êtes d'une adaptabilité rapide et sereine, que vous savez dire non à l'agence en cas de doutes sur la mission proposée, et que vous savez vous positionner face aux équipes que vous intégrez, vous devriez éprouver un grand plaisir pour ce statut.

Variations saisonnières

Depuis 2000, les agences d'intérim spécialisées dans le secteur de la santé se multiplient. On en dénombrait 170 en 2005, étalées sur toute la France, particulièrement dans les régions Île-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes, Pays-de-la-Loire et Provence-Alpes-Côte-d'Azur. La pénurie d'infirmières persiste et se ressent dans la plupart des secteurs : hôpitaux, cliniques, maisons de retraite, médecine du travail, etc. En cause, les départs à la retraite non remplacés, l'évolution du métier qui récupère des infirmières pour effectuer du travail administratif, les Ifsi qui ne font pas le plein...

La demande des intérimaires est assez cyclique et varie en fonction des régions et des saisons. « En été, nous avons plus de demandes auprès des personnes âgées. Et en hiver, davantage dans les services pédiatriques à cause des bronchiolites », explique Véronica Fortunato, responsable chez JBM Médical. Quand les établissements ne peuvent faire autrement, après avoir proposé des heures supplémentaires à leurs salariés, transformé des mi-temps en plein-temps ou sollicité le pool ou les vacataires, ils engagent des intérimaires, pour quelques heures ou quelques semaines. « Nous plaçons en moyenne nos intérimaires pour des missions de deux jours et demi. 5 % de nos demandes sont des missions de moins de 4 heures et nous avons aussi des missions de plusieurs mois », poursuit Véronica Fortunato. L'intérim est un recours pour pallier le remplacement et parfois le recrutement.

En 2005, la France comptait environ 10 000 infirmières intérimaires, avec une moyenne d'âge de 32 ans contre 43 ans pour l'ensemble de la profession. « Les infirmières gardent ce statut en moyenne entre 18 et 24 mois. Mais certaines le choisissent pour toujours », explique Stéphane Voilleau, responsable marketing et recrutement à L'Appel médical.

Travail mouvant

L'intérimaire va d'établissement en établissement, de service en service, pour remplacer une infirmière malade, enceinte, en vacances, ou encore pour prêter main-forte dans les périodes de rush. Son métier est très aléatoire : elle peut effectuer des missions courtes ou longues, travailler dans des domaines et des services très différents. Elle peut recevoir son planning un mois à l'avance... comme être prévenue la veille ou le matin même. Certaines périodes sont plus creuses, comme de janvier à mi-février : le personnel prend peu de congés et les budgets ne sont pas encore débloqués.

On peut distinguer trois catégories d'infirmières intérimaires : celles qui souhaitent découvrir différents services et types de management avant de choisir celui où elles aimeraient se fixer. Elles ont soif de connaissance et d'apprentissage, et ne supportent pas la routine. Ensuite, il y a celles qui souhaitent être libres dans leur emploi du temps, souvent pour s'adapter à leur vie de mère ou poursuivre leurs études. Et récemment, un nouveau profil d'intérimaire est apparu, notamment grâce à l'assouplissement du cumul emploi-retraite (loi du 21 août 2003) : il s'agit de femmes qui ont dépassé la cinquantaine, et qui souhaitent reprendre leur activité après des années d'absence. Leurs enfants sont grands, ont moins besoin d'elles... mais leur retraite s'annonce bien maigre ! Anne, 52 ans, est « intérimaire fixe » deux demi-journées par semaine dans une crèche à Toulon et le reste du temps en missions ponctuelles. « J'ai travaillé vingt ans en réanimation à l'hôpital, raconte-elle. Mon statut de fonctionnaire m'a permis de prendre ma retraite jeune. Mais depuis quatre ans, mes enfants sont grands et mon métier me manque ! L'intérim me permet de me relancer en douceur ».

Jeunes diplômées

Faire ou ne pas faire de l'intérim juste après l'obtention de son diplôme ? Vaste débat. Parmi les toutes jeunes diplômées, 8 % choisiraient cette voie. « Après mon DE, je n'avais pas de poste. Je me suis dis que le temps d'en trouver un à mon goût, j'allais travailler à mon rythme et surtout voir comment fonctionnaient les services que je n'avais pas vus pendant mes études. Je me suis donc lancé dans l'intérim... et j'y suis toujours, au bout de six ans », raconte Grégory Vignier.

Comme Grégory, ils sont nombreux à choisir l'intérim pour toucher un peu à tout et découvrir ce qui leur plaît le plus. Mais ce fonctionnement n'est pas toujours bien vu des clients, qui se plaignent parfois de l'incompétence de certaines recrues. « Nous ne sommes pas là pour les former, ils ne sont plus à l'école ni en stage ! Nous les payons assez cher pour, en échange, avoir du personnel compétent et opérationnel rapidement. Certains nous demandent de les doubler... ou posent continuellement des questions aux infirmières en poste. Lesquelles n'ont pas le temps de les prendre en charge », témoigne une cadre qui travaille régulièrement avec des intérimaires.

Michelle Favre, infirmière intérimaire à Lyon depuis 15 ans, comprend le mécontentement de cette cadre. « Au final, c'est le patient qui paie quand on envoie une intérimaire sans expérience dans un service qu'elle ne connaît pas, car elle retarde tout le service. Quant à la jeune diplômée, elle risque de vite se décourager face à la masse de travail qu'elle ne connaît pas. Ce serait dommage de la dégoûter de son métier ! » Pour Marianne Souccar (1), IDE intérimaire depuis six ans, il est au contraire intéressant de commencer l'intérim tout de suite : « Les filles sont encore malléables et peuvent s'adapter à tout. Alors qu'après plusieurs années dans un service, on prend ses petites habitudes et on a du mal à s'en défaire. » Les avis sont partagés... à chacun de juger ! Mais plus vous aurez d'expériences et plus vous vous sentirez à l'aise dans des services que vous ne connaissez pas.

Salaire majoré

Heureusement, les agences envoient de moins en moins d'infirmières à l'aveuglette : « Nous répondons à 94 % des demandes. Nous préférons n'envoyer personne à notre client plutôt qu'une infirmière qui serait complètement perdue dans le service demandé. Ensuite, nous essayons au maximum de placer les mêmes intérimaires aux mêmes endroits. C'est plus confortable pour elles, qui connaissent déjà le travail et le personnel. Et pour notre client, qui n'a pas à tout lui montrer à nouveau. Quant au patient en hospitalisation de longue durée, il est aussi content quand il revoit une personne qu'il apprécie », explique Stéphane Voilleau.

Les infirmières qui travaillent en intérim trouvent de nombreuses qualités à ce statut, différentes pour chacune d'entre elles. Il y a tout d'abord le côté financier : leur salaire est environ 20 % supérieur à celui des postes fixes. « Elles ont la même convention que les salariés de l'établissement, avec 10 % de congés payés et 10 % d'indemnités de fin de mission », remarque Mélanie Pottier, responsable des ressources humaines intérimaires chez Quick Médical Service. Mais elles ne sont pas payées quand elles ne travaillent pas... Il est parfois nécessaire de faire des comptes d'apothicaire pour voir si c'est vraiment intéressant pécuniairement parlant. Certaines parviennent à gagner bien plus que leurs homologues en CDI, en fonction de la convention et du service dans lequel elles se retrouvent. Et d'autres peinent à boucler les fins de mois.

« L'ancienneté dans la boîte d'intérim vous permet d'avoir connaissance des missions les plus intéressantes et les mieux rémunérées. J'ai ainsi bénéficié de missions de longue durée à plein temps en bloc opératoire... très largement rétribuées ! », raconte Grégory Vignier. Pour Marianne Souccar, l'intérêt réside ailleurs. « J'ai choisi ce statut pour concilier ma vie professionnelle et ma vie personnelle : je choisis les moments pour être avec mes enfants, faire du sport ou des sorties culturelles. Et surtout, je n'ai plus de pression hiérarchique. Je suis là exclusivement pour le patient, je ne perds plus de temps à essayer de gérer les mauvaises ambiances à cause de chefs acariâtres ou de collègues jalouses. Je n'ai plus non plus à quémander mes RTT ou mes vacances. Je suis libre ! »

Cette liberté, elles sont nombreuses à l'énoncer comme principal intérêt de l'intérim : choix du planning, des structures et des services. Vient ensuite la diversification des apprentissages. « Mon moteur principal, c'est ma capacité d'émerveillement à chaque fois que je découvre des choses nouvelles, du matériel, des techniques et des astuces qui facilitent le travail. Et cette faculté est encore intacte aujourd'hui », note Luis, intérimaire depuis 14 ans.

Formations possibles

« Je suis sortie troisième de ma promotion, j'avais plusieurs postes en vue mais mon envie de voir du pays a pris le dessus ! confie Jessica, 25 ans. C'est passionnant de changer de région : les médecins, les traitements et les mentalités changent. En deux ans, je suis allée dans le Sud, en Corse, à Paris et dans bien d'autres villes. Qu'est-ce que j'ai appris ! On est obligé de s'adapter à chaque service et donc de remettre en question notre savoir, ou plutôt le compléter un peu plus chaque fois. Grâce à mon agence, j'ai suivi une formation bloc... qui a débouché sur une mission de six mois, doublée trois semaines. Depuis, j'ai dû me stabiliser car je me suis mariée, mais cela ne me convient pas. Après avoir goûté cette liberté, je ne supporte plus d'avoir une chef qui me demande pourquoi la poubelle se trouve ici et non là-bas ! Je m'installerai bientôt en libéral. » La possibilité de faire des formations est souvent citée par les intérimaires, avides de se perfectionner. Parmi les plus proposées : bloc, salle de réveil, pédiatrie, dialyse, urgence et écoute au service du soin. Elles sont rémunérées. Jérémy Candas, lui, est intérimaire depuis six ans dans le Nord-Pas-de-Calais. Ce statut lui permet de combiner travail et études. « Je suis en spécialisation d'anesthésiste. Seul l'intérim pouvait coller avec mes horaires de cours. »

Ensuite, il y a tous les avantages matériels que proposent les agences. « Notre entreprise cotise au FAFTT, le Fonds d'assurance des travailleurs temporaires, explique la DRH de Quick Médical Service. Nos intérimaires peuvent donc bénéficier de primes de vacances, des mutuelles avantageuses, d'aides pour la scolarité des enfants, de prêts, d'aides au permis de conduire, etc. Quant à notre comité d'entreprise, il leur permet d'accéder à des formations, à une participation aux bénéfices, à des places de ciné moins cher ou encore à deux appartements à la mer ou à la montagne. Comme dans les grosses entreprises ! » Enfin, il y a la possibilité de partir outre-mer. « Ce sont les jeunes diplômés qui partent le plus dans les DOM-TOM, ils ont envie de voir du pays, d'autres manières de travailler. Ils partent pour au moins trois ou six mois, souvent entre copains. Ils font essentiellement de la colocation après avoir été logés par l'établissement les premières semaines », poursuit Mélanie Pottier.

Mais si l'intérim ne proposait que des avantages, ça se saurait ! Là encore, les inconvénients rencontrés ne sont pas les mêmes en fonction des agences, des régions, des périodes... et du caractère de chacun. La plupart d'entre elles précisent qu'il ne faut pas s'attendre à avoir des missions qui correspondent exactement aux créneaux demandés. « Il y a presque toujours du travail, mais il y a une adéquation à trouver entre ce qu'on souhaite faire et ce qu'on vous propose de faire. Pendant les périodes les plus creuses, les intérimaires doivent parfois accepter des missions qui ne les passionnent pas, comme la gériatrie. Quant à celles qui souhaitent travailler de 8 à 12 heures et de 14 à 16, outre quelques missions en médecine du travail, je n'aurais pas grand-chose à leur proposer, glisse Mélanie Pottier avec un sourire.

Vaches maigres

Elle précise que les périodes creuses sont néanmoins les bienvenues : elles permettent de placer des formations et encouragent les intérimaires à prendre des vacances. Korine Barbier, elle, s'est lancée dans l'intérim il y a moins d'un an, au retour d'un congé parental. « En décembre, j'ai dû me résoudre à faire un remplacement d'une semaine, quatre heures par jour à 70 kilomètres de chez moi par le biais de... l'ANPE ! J'ai à peine travaillé 40 heures ce mois-là : mois de vaches maigres ... » Celles qui sont dans des grandes villes connaissent moins ce problème. En Île-de-France, il est rare qu'une intérimaire manque de travail. D'autres se plaignent plutôt de la complexité de l'organisation. « Il faut avoir une nounou et si possible un mari flexibles ! Je passe mon temps à organiser les conduites des enfants, les inscrire ou annuler la cantine. J'espère que je parviendrai à mieux m'organiser rapidement, sinon je devrai reprendre un CDI », raconte Laure, 37 ans, nouvelle intérimaire.

Pas des « planquées » !

Il faut parfois essuyer une image négative. « Nous ne sommes pas toujours accueillies gentiment dans les services. Certaines collègues ne nous adressent pas la parole, d'autres nous appellent "l'intérimaire". À nous de prendre des initiatives et de leur montrer que nous ne sommes pas des boulets, mais au contraire des atouts pour les aider. Nous ne sommes pas une race à part, mais avant tout des infirmières ! Et non pas des planquées qui cherchent à ne rien faire ou à gagner plein d'argent ! », s'exclame Marianne Souccar.

Elle précise que cette image négative proviendrait de certaines d'entre elles, qui ne donnent pas le meilleur d'elles-mêmes quand elles réalisent des missions courtes. Une anecdote livrée par Jérémy Candas confirme ce propos : « Un jour, en service d'urologie, une intérimaire est restée vingt minutes. Quand elle a vu que cela ne l'intéressait pas, elle est partie ! Il y avait quand même des malades derrière tout ça ! Dommage que de telles personnes salissent notre profession. Mais en face, il faut que la surveillante ait à l'esprit qu'on ne pourra jamais, au bout de quarante-huit heures, faire mieux que ce que fait son IDE depuis vingt ans ! Un peu plus de bonne volonté des deux côtés améliorerait parfois la situation. » D'autres encore mettent en avant la précarité du statut. Les banques peuvent être plus frileuses à vous accorder un crédit.

Enfin, sur le terrain, vous vous retrouvez souvent là où personne ne veut aller. « Au bloc, par exemple, vous finissez souvent là où personne ne veut travailler car les conditions sont trop difficiles. Avec le pire des chirurgiens... car aucune infirmière ne souhaite travailler avec lui ! », poursuit Grégory Vignier.

D'autres souffrent du stress d'être parachutées dans des services qu'elles ne maîtrisent pas. Jeanne se souvient de ses débuts en intérim, après son diplôme. « La veille des nouvelles missions, j'avais du mal à m'endormir tellement j'étais angoissée. Un jour, comme souvent, j'ai pris mon service sans transmissions. À la fin, il me restait dix boîtes de médicaments... J'ai fini par aller voir la surveillante qui m'a expliqué que les autres malades se trouvaient au niveau -1 ! Être aussi peu encadrée, ce n'était pas pour moi. J'ai tenu six mois ! » Autre point très souvent soulevé : il est parfois difficile de trouver l'établissement, souvent mal indiqué. Faut-il s'équiper d'un GPS ?

Dans les services, les avis sur l'intérim sont partagés. Certains n'ont rien à redire du travail des intérimaires, d'autres les critiquent inlassablement, quand certains encore les voient comme une aide précieuse et insufflant une énergie nouvelle dans leur service. Là encore, leur opinion dépend de facteurs propres à l'intérimaire : est-elle adaptable, autonome, humble ? Connaît-elle ce service ?

Carole exerce en chirurgie gynécologique dans un grand hôpital parisien, qui recourt fréquemment aux intérimaires. Pour elle, le problème essentiel de ces infirmières, c'est qu'elles ne connaissent rien en profondeur. « Le fait de travailler dans différents services les empêche d'en maîtriser un parfaitement. Il m'arrive de proposer à certaines d'entre elles, quand je vois qu'elles sont vraiment perdues et que je travaille de nuit, de travailler ensemble. Nous passons voir tous les patients à deux. Ça prend plus de temps, mais je sais que le travail est bien fait. Sinon, il m'arrive souvent de constater le même scénario quand je passe derrière une intérimaire : elle n'a pas commandé les médicaments nécessaires, ni les poches de perf', n'a pas compté la morphine. Elle n'a étrangement pas vu qu'un patient avait un problème de voix veineuse, excellente astuce pour ne pas lui refaire sa perf' ! Ou encore, elle n'a pas vu qu'un pansement nécessitait d'être intégralement changé, elle l'a juste bourré de compresses... c'est plus rapide pour elle ! Quant au chariot d'urgence, il n'y a pas besoin de quinze ans d'ancienneté pour le vérifier correctement, si ? »

Répartition des rôles

Il est sans doute impossible d'approfondir un domaine dans lequel on ne va passer que quelques jours, sauf si l'intérimaire a la chance d'avoir des missions de longue durée, de six mois à deux ans. Luis en a effectué plusieurs, ce qui lui a permis de se parfaire dans plusieurs domaines. Et quand l'ennui prenait le dessus... il effectuait de petites missions supplémentaires ailleurs ! D'ailleurs, la plupart des infirmières ne sont pas d'accord avec ce reproche de manque de capitalisation des acquis. Au contraire, elles ont le sentiment de piocher à droite et à gauche des techniques astucieuses des différentes infirmières qu'elles côtoient.

Véronique Tanziny est responsable d'unité à la clinique Saint-Vincent-de-Paul, à Lyon. « Nous soumettons à l'agence nos exigences : pas d'hommes (pour des raisons thérapeutiques, car nous soignons des jeunes filles qui souffrent d'anorexie) et des infirmières qui aient déjà travaillé en milieu psychiatrique. Ça se passe toujours bien, grâce à deux choses : on ne s'attend pas à des merveilles de leur part, elles ne peuvent faire aussi bien que des filles qui sont dans le service depuis des années. Ensuite, on réorganise le service, on dispatche différemment. Ainsi, l'intérimaire ne répondra pas aux questions des parents, qu'on laissera davantage à l'infirmière en poste. Et nous gardons à l'esprit que grâce à elle, nous maintenons nos effectifs... et que nous lui devons une fière chandelle ! »

1- Marianne Souccar, auteur du Guide Pratique de l'IDE intérimaire, Médicilline, 2007, 13 euros.

À retenir

> Pénurie de soignantes oblige, de plus en plus de services ont recours à l'intérim, pour des missions de durées très variables.

> En France, ce secteur emploie près de 10 000 infirmières.

> Le travail temporaire permet de découvrir de nouveaux services et de nouvelles méthodes de travail, en bénéficiant d'une majoration de salaire.

> Par contre, l'intérim peut être très mal vécu, notamment lorsque les missions sont mal préparées, si l'encadrement est peu réceptif, ou l'infirmière insuffisamment formée.

témoignage

« IL FAUT RESTER HUMBLE »

Michelle Fabre a 50 ans, vingt-cinq ans de métier, dont quinze en intérim. Elle nous éclaire sur le comportement à adopter en tant qu'intérimaire. « Je n'arrive jamais avec quelques minutes de retard dans un service que je ne connais pas. Si possible, je vais repérer les lieux avant. Je demande à mon agence le plus de précisions possible sur ma mission. Je révise mes acquis en fonction du service qui m'attend, à travers des livres, des revues ou d'anciens cours. Je dois être opérationnelle quasi immédiatement. Quand j'arrive, je me présente à l'équipe et demande qu'on me montre le matériel. Je pose les questions essentielles sur le travail que je dois faire.

Être humble est une qualité primordiale chez l'intérimaire. C'est à moi de m'adapter au service et à l'équipe, pas l'inverse. Je ne refuse jamais mon aide pour soulever un malade, par exemple, sous prétexte que ce n'est pas mon travail. N'oublions pas que l'intérimaire est une étrangère, c'est normal qu'on la regarde avec méfiance. Elle doit faire profil bas et faire ses preuves. Ce métier est donc déconseillé aux personnes dotées d'un ego surdimensionné. Pour l'exercer, il faut avoir un caractère souple et en même temps un moral solide. Témoigner d'une confiance en soi suffisante pour s'adapter rapidement, être autonome et attentive aux autres. »

Couverture sociale

L'intérimaire bénéficie des prestations de la Sécu et de la CAF, ainsi que de la retraite complémentaire. L'assurance complémentaire maternité lui verse une indemnité journalière en plus de la Sécu. En cas d'arrêt maladie, elle bénéficie d'une indemnisation complémentaire après dix jours de carence. Quant aux droits au chômage, elle bénéficie d'une allocation de base pendant quatre mois si elle justifie de 676 heures de travail les huit mois précédents.

pratique

BIEN CHOISIR SON AGENCE

L'avantage d'être dans une seule agence est qu'elle vous favorisera pour les meilleures missions. L'avantage d'être dans plusieurs, c'est que vous multipliez les propositions, surtout dans les régions les plus dépourvues en offres. Renseignez-vous sur l'agence en vous posant les questions suivantes : qui sont ses clients ? A-t-elle plusieurs agences dans la région ? Il faut que le courant passe bien avec la personne qui vous trouvera les missions. Posez toutes vos questions sur la mission, demandez-lui le numéro d'infirmières ayant déjà travaillé dans ce service. Si vous êtes vraiment trop impressionnée la première fois, demandez qu'une personne de l'agence vous accompagne. Vous devez être assez à l'aise pour décliner les propositions de missions qui vous inspirent un doute. N'oubliez jamais les patients derrière ! Toute bonne agence préférera une réponse franche qu'un abandon en cours de mission ou un problème. Elle ne vous en tiendra pas rigueur si votre refus est justifié. Choisissez plutôt les agences qui établissent et respectent votre projet professionnel, dont la formation. Soyez attentive à l'ambiance de l'agence : certaines organisent des apéros-discussions où vous pouvez échanger avec d'autres intérimaires. Enfin, sachez que certaines d'entre elles proposent des missions d'aide-soignante pour les infirmières étudiantes. Et qu'elles ont quasiment toutes un département CDI.

Les pièces à fournir

Pour s'inscrire dans une agence, il faut en général se munir des documents suivants :

- pièce d'identité ;

- CV ;

- diplôme (original) ;

- carnet de vaccination ;

- justificatifs d'emplois ou stages précédents ;

- carte de Sécurité sociale ;

- extrait de casier judiciaire de moins de trois mois ;

- justificatif de domicile ;

- RIB.

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