Accompagner un sevrage tabagique - L'Infirmière Magazine n° 240 du 01/07/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 240 du 01/07/2008

 

tabacologie

Conduites à tenir

Pour que l'arrêt du tabac soit définitif, la motivation du patient est essentielle. Les traitements proposés dépendent en grande partie de son degré de dépendance.

BUT DU SEVRAGE

Effets nocifs du tabagisme

Le tabac est responsable de bronchites chroniques, d'ulcères gastroduodénaux et d'artérites des membres inférieurs. Il favorise le vieillissement cutané (peau terne, sans souplesse, rides précoces).

La fumée de tabac contient des toxiques qui vont pénétrer dans le sang par la voie pulmonaire. Les goudrons sont responsables de cancers à tous les niveaux de l'organisme : broncho-pulmonaires, de la vessie, de l'oesophage et de la gorge, du col de l'utérus, etc. Le monoxyde de carbone (CO) prend la place de l'oxygène sur l'hémoglobine et provoque une hypoxie (baisse de l'oxygénation) du système cardio-vasculaire avec risque d'athérosclérose et d'infarctus du myocarde. Le tabac est ainsi un facteur aggravant de l'hypertension artérielle (HTA) et des diabètes, de l'insuffisance rénale chronique et de l'asthme.

La nicotine est un toxique psychoaffectif. Elle est responsable de la dépendance au tabac. Les récepteurs cérébraux à la nicotine lorsqu'ils sont activés procurent une sensation de bien-être.

L'arrêt du tabac permet de diminuer le risque de cancer et l'excès du risque de pathologie cardio-vasculaire. Les bronchites se stabilisent et les pathologies aggravées par le tabac (HTA, diabète, insuffisance rénale, asthme) ralentissent leur vitesse d'évolution. Le tabagisme passif des proches du fumeur est stoppé.

TRAITEMENTS SUBSTITUTIFS

Principe du sevrage nicotinique

La cigarette engendre une dépendance psychique, comportementale et pharmacologique. La substitution nicotinique consiste à réaliser des apports quotidiens de nicotine sous une forme différente du tabac et non toxique. Les quantités de nicotine apportées permettront d'éviter les troubles du sevrage. Puis la diminution des doses assurera le sevrage progressif. Lors de l'utilisation d'un substitut du tabac, il faut impérativement arrêter de fumer pour éviter les effets toxiques d'un surdosage.

Produits disponibles

Le choix des présentations de substituts se fait en fonction des habitudes de vie et des intolérances ou difficultés d'utilisation de chaque forme.

Gommes à mâcher. Les gommes nicotiniques, dosées à 2 ou 4 mg, mentholées ou non, doivent être mâchées très lentement pour permettre à la nicotine de diffuser à travers la muqueuse buccale et de passer dans le sang. Le nombre de prises est de six à douze par jour, et ne doit pas dépasser quinze par jour.

Patchs. Les dispositifs transdermiques permettent le passage en continu de la nicotine à travers la peau. Ils assurent un apport régulier de nicotine dans le sang. Ils sont collés sur une peau sèche et en zone peu pileuse (épaule, thorax, omoplate).

Il existe des patchs actifs sur 24 heures à appliquer le matin et à renouveler le lendemain matin. Il existe un autre type de patchs destinés à une administration sur 16 heures, à appliquer le matin et à retirer le soir, lorsque le patch est responsable d'insomnies ou de cauchemars. Le dosage du système transdermique est choisi en fonction du nombre de cigarettes fumées par jour :

- nicotine 21 mg/24 heures : 20 cigarettes ou plus par 24 heures ;

- nicotine 14 mg/24 heures : moins de 20 cigarettes par jour ;

- nicotine 7 mg/24 heures : en phase de fin de sevrage ;

Le traitement initial de 3 à 4 semaines est suivi d'une phase de consolidation et d'une période de diminution du dosage. Le traiement peut durer entre 3 et 6 mois.

Comprimé sublingual ou à sucer. Il est proche des gommes. Il est placé sous la langue et se dissout en 20 minutes.

PRISE EN CHARGE

Le but du sevrage tabagique est d'obtenir une abstinence totale à long terme.

Reconnaître la dépendance à la cigarette

Les premières cigarettes apportent des sensations de plaisir, d'affirmation de soi, de détente, ainsi qu'un effet anxiolytique et un effet coupe-faim. Le fumeur utilise la cigarette comme outil de contrôle de ses troubles anxio- dépressifs. Après plusieurs années de consommation, les cigarettes sont pour la plupart fumées sans plaisir. Le fumeur cherche à éviter le manque, qui apparaît en quelques heures.

Le test de Fagerström (ci-contre) permet de mesurer la dépendance par un score noté sur 10. Un traitement par les substituts de la nicotine est recommandé si le score obtenu à ce test est supérieur à 4.

Syndrome de sevrage tabagique

Lorsqu'il aura arrêté de fumer, le fumeur va ressentir des troubles dus à l'absence de nicotine dans le corps. Il s'agit des symptômes du sevrage tabagique. L'état de manque débute en quelques heures et devient maximum au deuxième jour. Les compulsions à reprendre une cigarette peuvent se maintenir pendant 1 à 6 mois.

Signes psychiques de l'état de manque. L'arrêt du tabac induit des troubles anxio-dépressifs chez certains patients, pouvant nécessiter la prise d'anxiolytiques :

- nervosité, agitation, irritabilité, colère ;

- angoisse, frustration, besoin impérieux de nicotine ;

- insomnie ;

- trouble de l'humeur, humeur instable et dépressive ;

- troubles de la concentration.

Signes physiques. Ils se traduisent par les manifestations suivantes :

- tremblements ;

- hypersudation et augmentation de la toux ;

- diminution du rythme cardiaque ;

- augmentation de l'appétit, appétence pour le sucre, prise de poids de 2 à 3 kg.

S'assurer de la réussite du traitement

Motivation. La condition indispensable au sevrage est la motivation personnelle. Les fumeurs motivés, peu dépendants, réussissent mieux que les plus dépendants. La prise en charge peut être poursuivie sur une durée de six mois s'il le faut. La prise de décision de l'arrêt du tabac par le couple favorise la réussite du sevrage.

Risque de rechute. Le sevrage conduit à l'apparition de troubles favorisant la reprise de la consommation de tabac. Il est donc nécessaire de recourir à des substituts nicotiniques ou à un traitement par voie orale.

Pour le patient qui s'est arrêté récemment de fumer, les causes de rechute sont la survenue d'un syndrome dépressif, la prise de poids et la consommation d'alcool, qui favorise la reprise du tabac. La présence de fumeurs dans l'entourage est un facteur important de rechute.

Amélioration de l'état général. Les risques liés au tabagisme sont en grande partie réversibles, quelles que soient la durée et l'intensité du tabagisme antérieur :

- amélioration du goût et l'odorat ;

- retour de la fonction respiratoire complète avec diminution de la fréquence des rhumes et disparition de la bronchite chronique du fumeur ;

- diminution du risque lié aux pathologies cardio-cérébro-vasculaires ;

- baisse du risque de cancer broncho-pulmonaire et des cancers des voies aériennes supérieures. Ce risque diminue également pour l'entourage du fumeur ;

- chez les enfants de parents fumeurs, il sera constaté rapidement la disparition des pathologies pulmonaires (bronchites, infections respiratoires, pneumonies) et ORL (otites, laryngites, pharyngites).

Dépister les effets secondaires

Surdosage en nicotine. En parallèle à l'utilisation de substituts, il faut impérativement arrêter de fumer pour éviter les effets toxiques d'un surdosage en nicotine. Il s'agit de céphalées, vertiges, palpitations, nausées, vomissements, étourdissements, insomnies, cauchemars.

Gommes à mâcher et comprimés sublinguaux. Ils peuvent être responsables d'irritations de la gorge ou de la langue, et peuvent déclencher un hoquet. Il existe un risque de gastralgie et de réveil d'un ulcère gastroduodénal.

Patchs. Possibilité de réactions cutanées (rougeurs et prurit localement).

Principales contre-indications. Il s'agit de l'infarctus récent du myocarde et de l'angine de poitrine sévère instable. Les troubles du rythme cardiaque et les accidents vasculaires cérébraux sont incompatibles avec la prise de nicotine.

Le sevrage entraîne souvent une augmentation de la consommation d'alcool.

AUTRES TRAITEMENTS

Champix®

Il agit comme antagoniste de l'acétylcholine. En occupant les récepteurs cérébraux à la nicotine, il empêche la nicotine d'apporter au fumeur le désir et le plaisir de fumer. Il n'agit ni comme psycho-actif ni comme substitut nicotinique. Les effets secondaires principaux sont des nausées, des céphalées et des vertiges. On relève également des rêves anormaux, de l'insomnie et des somnolences.

Zyban®

Inhibiteur de la recapture cérébrale de la noradrénaline et de la dopamine, il provoque un dégoût du tabac amenant le patient à s'arrêter spontanément. Les effets secondaires principaux sont des insomnies, des tremblements, un phénomène de bouche sèche, des maux de tête, des troubles digestifs (nausées, vomissements, constipation...).

Acupuncture et hypnose

Ces deux pratiques renforcent les méthodes médicamenteuses.

CONSEILS AU PATIENT

Le tabagisme passif induit ou aggrave de nombreuses infections ORL ou bronchiques graves de l'enfant ou de l'adulte non fumeur. L'augmentation moyenne du risque de survenue d'un cancer du poumon est de 35 % pour un conjoint non fumeur.

L'arrêt du plaisir de fumer doit être compensé par des activités qui procurent une satisfaction psychologique : les loisirs, le sport, etc.

L'application des patchs de nicotine peut entraîner des troubles chez l'enfant. Il faut donc les mettre hors de leur portée.

L'arrêt du tabac est bénéfique en cas de grossesse car le tabac augmente les risques de fausse couche et d'accouchement prématuré. Il entraîne un retard de croissance intra-utérin avec hypotrophie à la naissance et prématurité. Il est possible qu'il joue un rôle dans le risque de mort subite du nourrisson. Les substituts de nicotine, en cas d'échec de l'arrêt spontané, possèdent les mêmes risques que le tabagisme vis-à-vis de la grossesse. Mais la substitution est de toute façon moins dangereuse que la poursuite du tabagisme.