Des synergies pour la fin de vie - L'Infirmière Magazine n° 240 du 01/07/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 240 du 01/07/2008

 

Soins palliatifs

Du côté des réseaux

À Bordeaux et dans ses environs, le réseau L'Estey facilite la prise en charge à domicile des patients en soins palliatifs.

« Enfin ! », ont soufflé nombre de soignants bordelais, lorsqu'en décembre 2006 L'Estey, réseau d'accompagnement et de soins palliatifs à domicile, a obtenu de l'ARH et de l'Urcam (1) les fonds nécessaires à sa création. Car, comme l'explique le Dr Benoît Burucoa, chef de service à l'hôpital Saint-André, « autant Bordeaux était précurseur en termes d'unités de soins palliatifs hospitalières et d'équipes mobiles, autant nous manquions d'une structure en réseau ». Le 1er septembre 2007, l'Estey rentrait en activité. Objectifs : faciliter le maintien à domicile des personnes en fin de vie, optimiser la prise en charge médicale, le soutien psychologique, social et spirituel, et soutenir l'équipe soignante et les proches des patients.

Demandes nombreuses

Son centre névralgique est une équipe de coordination de six personnes - médecin, infirmière, psychologue, assistante sociale, coordinatrice administrative et secrétaire - intervenant sur la communauté urbaine de Bordeaux et sur dix-huit communes limitrophes. Les demandes émanent d'intervenants multiples : structures hospitalières lorsqu'un patient souhaite rentrer quelque temps chez lui, voire y finir ses jours, libéraux, Ehpad, familles et patients.

« L'accord du médecin traitant est nécessaire, souligne Thierry Vimard, médecin du réseau. C'est lui qui est le pivot de la prise en charge. » En quelques mois, plus de 120 personnes ont été répertoriées. Pour la moitié des patients, le réseau met en place un « simple » suivi, soit qu'un conseil à distance suffise, soit que la personne décède ou soit hospitalisée avant que l'équipe n'ait pu intervenir.

Evaluation en binôme

Pour les autres, la mécanique s'enclenche. Les critères d'inclusion sont un pronostic de survie inférieur à trois mois - cancers, maladies neuro-dégénératives, insuffisances respiratoires surtout - et des souffrances devenues intolérables. Une visite de concertation initiale est réalisée au domicile du patient par deux membres de l'équipe, « binôme référent » associant généralement médecin et infirmière, qui réalisent une évaluation globale de la situation en présence du médecin traitant, de la famille et des professionnels qui le souhaitent (infirmières, kinés, etc.).

Propositions d'adaptations thérapeutiques, de prescriptions anticipées, de soutien psychologique, de soutien financier ... ce temps passé ensemble permet d'élaborer un plan de soins, « de mettre en place tout ce qu'il est possible de faire quand il n'y a plus rien à faire », note Thierry Vimard. Un dossier commun est créé, des réunions de suivi organisées, et cette première visite peut être renouvelée - en cas de décisions éthiques complexes, de situations de crise, d'épuisement des proches...

Technicité, humanité

« Organiser la prise en charge la plus globale possible, celle que nous, libéraux, aurions du mal à mettre en place seuls, c'est la force de L'Estey : une compétence tout à la fois technique et humaine », commente Cécile Rougier, infirmière. Car, rappelle Dominique Desmier, infirmière du réseau, « les soins palliatifs sont loin de se résumer à leur dimension relationnelle. Soins de confort, connaissance des traitements antidouleur, des thérapeutiques... il ne suffit pas de tenir une main. »

Infirmière auprès de patients en fin de vie dans un service de gériatrie du CHU de Bordeaux, Angélique Poli souligne pour sa part que « le réseau permet une continuité des soins optimale ». L'un de ses patients, qui souhaitait revoir sa maison mais dont la famille craignait le décès à domicile, a pu rentrer chez lui trois jours. « Il s'est éveillé un instant en passant la porte. ça a été un moment très fort. »

Formation

Symbole de ces liens tissés entre les intervenants, les réunions de fin de suivi (rémunérées pour les libéraux) que le réseau organise après un décès. « C'est un temps précieux de relecture, de prise en charge... au cours duquel on peut poser ses bagages et échanger sur nos pratiques », constate Cécile Rougier.

Le réseau a également lancé une activité de formation... et fourmille de projets, dont une permanence téléphonique assurée nuit et jour par des professionnels. « 80 % des patients suivis par le réseau décèdent à domicile et non pas aux urgences, souligne Benoît Burucoa. Ces seuls chiffres disent la pertinence de l'action de L'Estey. Mais la charge de travail est immense : un bassin d'un million de personnes, soit potentiellement 2 500 appels par an. Les équipes mobiles ayant recentré leur activité sur l'intra-hospitalier depuis la création du réseau, il faudrait doter celui-ci de moyens humains supplémentaires. »

1- ARH : agence régionale de l'hospitalisation. Urcam : union régionale des caisses d'assurance-maladie.

contact

Réseau L'Estey

52, rue des Treuils, 33082 Bordeaux cedex

Tél. : 05 56 89 82 53

reseau.lestey@wanadoo.fr

Articles de la même rubrique d'un même numéro