L'IVG médicamenteuse fait école en ville - L'Infirmière Magazine n° 240 du 01/07/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 240 du 01/07/2008

 

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En Île-de-France, le réseau Revho forme les praticiens libéraux et les centres de santé à l'interruption médicamenteuse de grossesse. Une prise en charge qui complète, avec ses particularités, celle qu'apportent les hôpitaux.

«L'idée de départ, c'était d'offrir un choix supplémentaire aux femmes », résume Sophie Gaudu, praticien hospitalier en gynécologie-obstétrique à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul et présidente du Réseau entre la ville et l'hôpital pour l'orthogénie (Revho) (1). Le réseau réunit actuellement vingt centres hospitaliers franciliens et 209 médecins de ville, dans l'objectif d'organiser l'interruption médicamenteuse de grossesse en cabinet de ville.

« Nous étions quatre responsables de centres d'IVG parisiens - dont certains exerçant à la fois en cabinet et en hôpital - à réfléchir chacun de notre côté sur l'application de la loi de juillet 2001 qui autorise la pratique de l'IVG médicamenteuse en ville, se rappelle le Dr Gaudu. Tout naturellement, nous avons remarqué que nous travaillions de la même façon. »

des textes légaux à la pratique

La loi autorisant la pratique de l'IVG médicamenteuse en cabinet médical date en effet de 2001. Mais les textes d'application ne sont parus qu'en juillet 2004. Dans l'attente, les équipes des hôpitaux Antoine-Béclère, Bichat-Claude-Bernard, Broussais et Saint-Vincent-de-Paul, ont commencé à s'organiser avec des praticiens libéraux de leurs propres réseaux, avant de créer le Revho en novembre 2004, grâce à un financement de l'agence régionale d'hospitalisation (ARH) et de l'union régionale des caisses d'assurance-maladie (Urcam).

convention avec l'hôpital

L'objectif est tout d'abord de former les médecins de ville à cette technique d'IVG. Chacun des centres hospitaliers adhérents a donc contacté les généralistes et spécialistes libéraux de son réseau pour leur proposer des formations. Des gynécologues, mais aussi de nombreux généralistes se mobilisent. « Les médecins que nous formons ne sont pas tous dans la même démarche, note Sophie Gaudu. Certains veulent acquérir des connaissances pour pouvoir proposer ce service occasionnellement à une patiente. D'autres communiquent plus largement sur ce service qu'ils proposent. » Les formations font le point sur la technique médicamenteuse d'IVG et ses risques. Mais surtout, elles préparent des praticiens à la prise en charge d'une demande très particulière. « Il s'agit vraiment d'apprendre à accompagner la personne dans sa décision, de savoir résister à la pression (car la demande d'interruption médicamenteuse de grossesse n'est pas une urgence), et aussi d'accepter que, dans de nombreuses situations, la décision d'IVG n'est pas un drame », détaille la présidente du Revho.

Une fois formé, chaque médecin se lie par convention, s'il le souhaite, à l'établissement hospitalier de son secteur, l'IVG médicamenteuse ne pouvant être réalisée que dans ce cadre. « Le principe, c'est que l'hôpital forme les praticiens et accueille leurs patientes en cas de complications, même si celles-ci sont rares, résume Sophie Gaudu. Entre temps, l'hôpital est averti de chaque nouvelle entrée dans le protocole, dans le respect des règles de confidentialité médicale. »

avantages et inconvénients

Comme le précise le décret de juillet 2004, seules les interruptions précoces, c'est-à-dire pour une grossesse de moins de 49 jours d'aménorrhée, peuvent ainsi être prises en charge. En outre, la patiente doit résider à moins d'une heure de trajet du centre hospitalier. Le praticien devra s'assurer qu'elle est à même de respecter les consignes données et qu'elle n'est pas dépendante d'une charge familiale trop lourde, dans les jours qui suivent la fausse couche provoquée par le protocole médicamenteux. « Il est important que les femmes soient bien informées des avantages et inconvénients de chaque méthode, explique Maud Gelly, médecin dans un centre municipal de santé en Seine-Saint-Denis. Il faut leur expliquer comment les choses se passent, leur parler des saignements, des douleurs, des signes qui doivent les alerter en cas de complications. Parfois, elles pourront préférer l'intervention chirurgicale, moins douloureuse et également plus facile à dissimuler si elles ne veulent pas avertir leur entourage. »

désenclaver

Le Revho a très vite rencontré un grand succès. En 2006, il réunissait déjà 14 hôpitaux du bassin parisien. Il faut dire que l'Ile-de-France figure parmi les régions où le recours à l'IVG est le plus fréquent : environ 60 000 IVG y ont réalisées chaque année. « L'année dernière, j'en ai pratiqué une centaine, explique Jean Girard, gynécologue à La Courneuve. Il faut dire que sur mon secteur, il y a très peu de spécialistes. » Et les services hospitaliers de gynécologie-obstétrique à même de répondre aux demandes des femmes y sont régulièrement encombrés. « Aujourd'hui, après trois ans et demi d'activité, nous avons pris en charge quelque 12 500 patientes, dont 4 500 en 2007, se félicite le Dr Gaudu. Cela représente 7 à 8 % des patientes prises en charge sur la région. »

Pour autant, ce réseau n'a pas vocation à répondre aux demandes individuelles des patientes. « Nous ne communiquons pas les noms de praticiens réalisant l'IVG médicamenteuse, précise Sophie Gaudu. Le réseau s'engage seulement dans l'organisation et l'évaluation de la pratique professionnelle. » Doté de trois salariés, un médecin coordinateur, une coordinatrice administrative et une secrétaire, il met à disposition de ses adhérents toute la documentation nécessaire : fiches d'information, protocole à faire signer par la patiente, fiches médicales de suivi... « Ce travail en réseau aide à désenclaver notre pratique, précise Jean Girard. Grâce aux échanges avec l'hôpital, on se sent moins seuls. Et puis nous disposons aussi de retours sur l'activité des membres du Revho. »

Le réseau propose ainsi à ses adhérents des réunions permettant d'échanger sur les pratiques et les limites de l'exercice. Car si l'IVG médicamenteuse en cabinet de ville est clairement encadrée, les modalités d'application ne sont pas toujours faciles à appliquer et les praticiens s'interrogent : la durée de réflexion prévue doit-elle absolument être respectée si elle conduit la patiente à dépasser le délai légal ? Ou encore, la femme peut-elle absorber la pilule de misoprostol à son domicile si l'on craint que la fausse couche ne débute durant le trajet du retour ?

nombreuses demandes

Depuis deux ans, outre les médecins de ville, des personnels de centres municipaux de santé ont rejoint le réseau. C'est notamment le cas en Seine-Saint-Denis et dans les Hauts-de-Seine. En conséquence, les infirmières y ont, elles aussi, été formées. Le Revho reçoit également de nombreuses demandes de praticiens d'autres régions françaises, intéressés par son expérience et qui souhaiteraient développer une pratique similaire. « Nous envisageons de développer notre activité de formation dans ce sens, souligne Sophie Gaudu, mais là, il nous faudra d'autres sources de financement. »

1- Réseau ville-hôpital, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 82, avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris. Tél. : 01 40 48 86 93. Internet : http://www.revho.fr.

témoignage

« Expliquer le processus »

« Souvent, les femmes viennent au centre pour un test de grossesse, explique Cécile, infirmière au centre médical de santé Le Cygne à Saint-Denis. Puis elles nous demandent conseil lors des consultations de planning familial que nous animons. Des femmes sont également orientées via le planning familial ou leur gynécologue. Concrètement, l'infirmière (ou la conseillère conjugale) fait le premier entretien pour expliquer le processus. Il est important de s'assurer que la femme a bien compris comment les choses allaient se dérouler. Nous évaluons aussi avec elle si elle pourra bénéficier de tranquillité et de repos le jour de l'expulsion.

La patiente revient une semaine après, elle voit le médecin, et si sa décision est arrêtée, elle prend la première pilule. Nous lui confions la seconde, qui provoque l'expulsion. La patiente doit l'absorber deux jours après, chez elle.

À ce moment, nous la joignons par téléphone pour s'assurer que tout va bien. Nous avons été formées il y a deux ans, de sorte que nous savons distinguer les complications pour lesquelles nous leur recommandons de se rendre d'urgence à l'hôpital. Enfin, un rendez-vous de contrôle a lieu un mois plus tard. »

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