Un souffle dans la fin de vie - L'Infirmière Magazine n° 241 du 01/09/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 241 du 01/09/2008

 

Vous

Horizons

Le nouveau plan national consacré aux soins palliatifs annoncé mi-juin en fait un de ses grands axes : les dispositifs extra-hospitaliers doivent être développés. À Nantes, le réseau Respavie oeuvre en ce sens depuis dix ans.

Signe probable que la « culture palliative » se propage dans la société et parmi les professionnels de santé, l'équipe du Réseau de soins palliatifs et d'accompagnement en fin de vie (Respavie), à Nantes (1), est de plus en plus sollicitée. « Sur la seule journée d'hier, nous avons reçu cinq appels de demande d'inclusion dans le réseau de patients actuellement à domicile », soulignait début juillet le docteur Marie-Hélène Delangle, médecin coordinateur depuis deux ans. Les six premiers mois de l'année ont vu 72 personnes être incluses dans la file active de l'équipe Domicile quand l'objectif fixé par l'agence régionale d'hospitalisation est de 100 patients, compte tenu des moyens du réseau... Un succès équivalent à celui de sa branche Établissements.

Soutenir et former

Le réseau a été créé en 1998, un an avant le vote de la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs. Respavie a d'abord été missionné pour soutenir, conseiller et former les soignants des établissements. « Nous n'avions à ce moment-là que onze établissements adhérents, mais aujourd'hui, ils sont 84 et une dizaine de demandes d'adhésion sont mises en attente pour l'instant. Il faut préciser que nous fonctionnons avec la même équipe qu'au début », explique le Dr Delangle. Deux médecins, un cadre de santé, une infirmière, trois psychologues, une coordinatrice administrative, une assistante sociale composent le staff. Soit six équivalents temps plein. L'activité « domicile » est née il y a deux ans. Ses missions : conseiller et soutenir les professionnels de santé, accompagner le patient et ses proches dans le respect des choix du malade, faciliter le maintien dans le lieu de vie, former les professionnels libéraux...

Cartes sur table

Omniprésent, le souci de collaboration avec les professionnels du domicile guide l'action de l'équipe de Respavie. Avant toute intervention, le médecin coordinateur pose cartes sur tables lors du premier appel téléphonique, pour baliser le terrain et lever toute ambiguïté sur le rôle du réseau. « Je clarifie notre mission : nous ne sommes pas là pour remplacer l'infirmière ou le médecin traitant, je ne fais pas d'ordonnance, Respavie n'est pas un service de soins, explique Marie- Hélène Delangle. Généralement, il n'y a pas de confusion. La surprise peut venir parfois du côté du malade ou de sa famille, qui attend qu'on envoie une infirmière du réseau pour prendre le relais. »

L'aide est bien concrète pourtant. Il y a quelques jours, Nelly Loquet, l'infirmière coordinatrice de l'équipe Domicile, a dû faire appel d'urgence à l'une des infirmières libérales habituées à travailler avec Respavie pour soulager un mari qui est seul à s'occuper de sa femme. « La visite d'évaluation effectuée au domicile au début de chaque intervention a permis de constater qu'il fallait alléger sa tâche, raconte Nelly Loquet. L'infirmière libérale y effectue désormais des soins de nursing et, au lieu de deux heures par semaine, une aide ménagère - fonction très importante - y va quatre heures. »

« Mille-feuilles »

Chaque semaine, l'équipe tient sa réunion de synthèse. Un point y est effectué sur le plan médical, sur le plan social, sur le plan psychologique, et les échanges témoignent effectivement de la volonté de prendre place auprès du patient mais, en aucun cas, d'empiéter sur les prérogatives de chacun. « Certains croient que l'intervention d'un réseau va entraîner une surcharge de travail, mais, au contraire, nous sommes là pour les soulager, ne serait-ce par exemple que pour trouver les bons interlocuteurs, constate Patrick Javel, le cadre de santé de Respavie. Le médecin traitant n'a pas forcément le temps de s'en occuper. »

Très modestement, les membres de l'équipe ne mettent pas en avant le fait qu'ils sont aussi des professionnels des soins palliatifs, formés à ce domaine, fins connaisseurs du véritable « mille-feuille » administratif propre aux soins palliatifs, qui additionne les dispositifs, les sigles (USP, EMSP, HAD, Ssiad (2)...) et les acteurs (notamment les assistantes sociales). Avant d'arriver à Respavie, Patrick Javel a travaillé comme infirmier en cancérologie, en infectiologie, en gériatrie, a participé au fonctionnement de la première équipe mobile de soins palliatifs nationale à l'Hôtel-Dieu à Paris, puis a été responsable de l'unité de soins palliatifs en long séjour à l'hôpital Bretonneau, et en parallèle, a suivi les formations de cadre de santé et un diplôme universitaire en soins palliatifs. Nelly Loquet, elle, est une professionnelle du domicile, qui a notamment exercé dans un Ssiad pendant quinze ans. Comme les autres, elle a suivi un DU en soins palliatifs, et beaucoup de stages, de formation continue... Ces deux exemples montrent combien l'équipe Domicile est à la croisée de deux univers, l'hospitalier et le libéral.

Ce matin-là, lors de la réunion de synthèse de début juillet, trente patients sont passés en revue. Quatre viennent de décéder. « On n'a pas pu envoyer à temps nos condoléances à sa compagne, car nous n'avons pas été mis au courant », souligne Marie-Hélène Delangle en évoquant un de ces quatre patients. Comment prendre de ses nouvelles ? Lui envoyer une lettre tout de même ? « Pas sûr qu'elle nous ait bien identifiés, fait remarquer Elsa Taglang, l'assistante sociale de l'équipe. Je crois qu'un courrier maintenant la perturberait. Par contre, on peut passer par sa nièce, avec qui nous avons eu des contacts... »

Conseil au médecin traitant

Au-delà de chaque situation particulière, il va falloir trouver l'énergie pour résoudre un par un les problèmes organisationnels, avec pour seul objectif le respect de la personne. Parmi les situations évoquées, l'histoire de ce couple pour lequel le médecin traitant a sollicité le réseau. « Il souhaitait avoir des conseils médicaux pour bien les accompagner », précise Nelly Loquet.

L'infirmière s'est rendue sur place avec le médecin coordinateur après avoir rencontré le médecin de famille au cabinet. Une ferme plutôt isolée. Cinq enfants bien présents. Des infirmières libérales qui interviennent pour prodiguer les soins d'hygiène. Le mari est grabataire, dépendant pour tous les actes de la vie. Sa femme ne marche plus et souffre d'une grave insuffisance cardiaque. « Elle a toujours refusé d'être opérée », précise Marie-Hélène Delangle.

L'anticipation pour credo

Une situation sociale et médicale précaire... mais le couple ne veut pas quitter sa maison. « Il ne faut pas les retirer de leur monde, estime la responsable de l'équipe. Mais on doit voir si des améliorations sont possibles. » Par exemple, obtenir un soutien financier de la Mutualité sociale agricole. « Chaque département a sa politique, c'est compliqué pour s'y retrouver », constate Elsa Taglang. Une rencontre va être proposée pour sensibiliser les responsables mutualistes au credo du réseau : anticiper pour ne pas laisser l'urgence décider à la place du malade.

1- Respavie, site hospitalier Laënnec, boulevard Jacques-Mondo, 44805 Saint-Herblain cedex.

Tél. : 02 40 16 56 40. Internet : http://www.respavie.org. Courriel : respavie@chu-nantes.fr.

2- USP : unité de soins palliatifs. EMSP : équipe mobile de soins palliatifs. HAD : hospitalisation à domicile. Ssiad : service de soins infirmiers à domicile.

témoignage

À chaque patient ses contraintes

Du doigté suffira-t-il à dénouer la situation de madame X ? Cette patiente a 57 ans, est atteinte d'une malade neurodégénérative, et il faut lui poser une sonde de gastrostomie.

Marie-Hélène Delangle a informé le médecin traitant de l'option qui serait retenue. Ce dernier explique le cas de figure à sa patiente. Le risque est grand qu'elle soit trachéotomisée. Mais elle est opposée à cette solution. D'autre part, la question de la réanimation reste en suspens. Car pour le moment, madame X n'est pas capable d'écrire ses « directives anticipées ».

Avec une trachéotomie, elle pourrait vivre longtemps. Mais, elle est seule. Il est question de l'accompagnement familial. L'équipe a de plus en plus de mal à la comprendre. Pourrait-on voir avec l'ergothérapeute s'il est possible d'installer un logiciel de synthèse vocale sur son ordinateur ?

Une multitude de questions, qu'il faut dorénavant aborder sous l'angle du temps disponible de l'équipe. Une inclusion au réseau nécessite déjà une journée de travail pour évaluer la situation et mettre en place un accompagnement avec les médecins traitants, les infirmières libérales et les autres intervenants.