Des éclairages pour tous - L'Infirmière Magazine n° 242 du 01/10/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 242 du 01/10/2008

 

Cancérologie

Éthique

La Ligue contre le cancer vient de se doter de son propre comité d'éthique. Trois infirmières sont membres de cette instance spécialisée, dont chacun peut solliciter l'avis.

« Secret professionnel et information de l'entourage : comment répondre à une détresse tout en respectant la loi sur la confidentialité ? » Telle est la première question à laquelle devront s'attacher, dans les prochaines semaines, les quarante membres permanents du tout jeune comité Éthique et cancer. Trois infirmières en font partie.

Non-dits

La première session plénière de cette instance, créée par la Ligue contre le cancer, a été inaugurée le 19 septembre en présence de Roselyne Bachelot, la ministre ayant souhaité en être membre de droit. La première saisine examinée émane d'une infirmière en cancérologie. Il y a quelques mois, cette soignante a été confrontée à une situation délicate, et pourtant récurrente. D'un côté, un patient atteint d'un cancer avancé et qui ne souhaitait pas que sa femme apprenne la gravité de son état de santé. De l'autre, son épouse qui interrogeait la soignante pour qu'elle lui révèle la vérité, afin de prendre les dispositions nécessaires pour elle et ses enfants si son mari venait à mourir.

« Il est fréquent que personnes malades et proches évoluent dans des non-dits, estimant ainsi protéger l'autre. Le plus souvent, cela part d'un grand amour, mais les résultats sont parfois catastrophiques », avertit le Dr Françoise May-Levin, conseillère médicale à la Ligue, et à l'origine de la création du comité.

Duo de tête

Cette nouvelle instance indépendante, coprésidée par le Pr Francis Larra, président de la Ligue contre le cancer, et le généticien Axel Kahn, président de l'université de Paris-5, pourra « être saisie, à tout moment, par toute personne [morale comme physique] et sur toute question légitime soulevant une problématique éthique concernant la pathologie cancéreuse » (1).

Avec des patients

Elle s'inscrit dans la continuité d'un groupe de réflexion éthique mis en place au sein de la Ligue en 2004. « À l'issue de quatre ans de travail qui ont abouti, en février dernier, à l'organisation d'un colloque, nous avons estimé que nous ne pouvions plus nous passer d'une telle structure, explique Françoise May-Levin. Dans le souci de nourrir une réflexion pluridisciplinaire, nous avons réuni des professionnels de tous horizons ainsi que des patients et des représentants de personnes atteintes par la maladie. »

« Ce comité marque la construction d'un lien éthique inédit entre la société et une pathologie », souligne un communiqué de la Ligue. Les avis rendus, à titre consultatif, par le comité proposeront « des solutions applicables dans la pratique professionnelle quotidienne ». Adressés, sur la forme, aux personnes qui ont émis la saisine, ils seront consultables par tous.

Des comités partout ?

Le Pr Jean-Claude Ameisen, membre du Comité consultatif national d'éthique, estime, à titre personnel, « que toutes les grandes associations de patients gagneraient à mettre en place une structure éthique afin de développer elles-mêmes une réflexion pour proposer des solutions, mais également poser des questions ».

1- Les saisines peuvent être adressées au comité Éthique et cancer par lettre (Ligue contre le cancer, 14, rue Corvisart, 75013 Paris) ou par courriel (ethique@ligue-cancer.net).

TÉMOIN

Olivia Ribardière : « Ce n'est pas une prescription ! »

« Je ne suis pas une spécialiste des questions éthiques, mais je n'ai pas de complexe vis-à-vis des autres membres du comité éthique et cancer, auquel on m'a demandé de participer, assure Olivia Ribardière, cadre de département à l'Institut Gustave-Roussy. Ma réflexion et mon questionnement sont en prise directe avec ma pratique quotidienne et mon expérience de douze ans dans différents services de cancérologie. Au cours de cette période, j'ai été confrontée à maints cas de conscience, qui n'ont pas toujours trouvé de réponse. J'attends de ce comité, comme nombre d'infirmières qui n'ont pas le temps ou l'espace pour échanger sur leur pratique et leurs doutes, qu'il m'ouvre un champ des possibles plutôt qu'il ne m'enferme dans des solutions préétablies. Ainsi, cette démarche doit permettre à l'ensemble des personnels de santé, mais aussi aux patients et leur famille, lorsqu'ils sont en butte à une question éthique, de s'informer. À eux ensuite de se positionner. C'est un outil supplémentaire d'aide à la décision, pas une prescription à suivre à la lettre. »