Ils voient la maladie en peinture - L'Infirmière Magazine n° 242 du 01/10/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 242 du 01/10/2008

 

Art-thérapie

Du côté des associations

En donnant un accès à la création aux patients, les Ateliers Quais et toiles, à Sète, les invitent à un voyage au coeur d'eux-mêmes. Une façon de mettre les maux à distance.

Au rez-de-chaussée du service de psychiatrie adulte fermé s'étend une vaste salle. Sur les tables, les patients, lorsqu'ils arrivent, trouvent de la peinture et des pains d'argile. « Je les fais beaucoup travailler avec des objets de récupération », dit Franck Saintrapt. « Le travail que je propose en art-thérapie est d'orientation psychanalytique », précise cet infirmier, fondateur de l'association Ateliers Quais et toiles, à l'oeuvre depuis 2002 au sein du centre hospitalier de Sète. Aujourd'hui, Franck Saintrapt travaille à temps plein en art-thérapie dans l'établissement, partageant son temps entre psychiatrie et gériatrie. En psychiatrie, la plupart des patients de l'association sont en ambulatoire : « Soit on essaie de leur éviter l'hospitalisation, soit ils en sortent et on essaie de leur éviter d'y revenir », note-t-il.

Trois formules

Son travail s'articule autour de plusieurs formules d'ateliers, définies selon les besoins des patients. La première formule est analytique : groupe d'expression créatrice pour des personnes extérieures à l'hôpital. Le concept est : « Je peins ce qui me passe par la tête », précise l'art-thérapeute. Le travail artistique est suivi d'un groupe de parole. « C'est important de questionner son travail. Et la dynamique de groupe est fondamentale. »

La deuxième formule est un atelier de trois heures d'expression libre pour les schizophrènes. « C'est plus informel, on discute, ils gèrent leurs temps de pause. » L'intérêt ? « Les schizophrènes s'imprègnent trop intensément du discours de l'autre et cela rend périlleux le travail en groupe. C'est pour cela que j'ai instauré un travail semi-interpersonnel avec le thérapeute. » Enfin, la troisième formule est un travail en séances individuelles d'une heure pour les patients phobiques du groupe. « C'est un travail passionnant, une autre façon d'écouter. On est au plus près de la lutte des malades pour la vie. »

Masques

À la rentrée, l'art-thérapeute lance un nouvel atelier pour les malades en situation de crise : alcoolisation massive, tentative de suicide, troubles délirants, rupture à la suite d'un départ à la retraite, d'un divorce, d'un deuil... « Je vais leur proposer dans un premier temps de parler de leurs symptômes, puis de travailler en arts plastiques, par exemple en réalisant un masque. »

L'infirmier articule le travail dans un parcours thématique. « L'année dernière, nous avons fait un travail sur les objets du quotidien. » Cette année, c'était la création d'un alter ego avec des personnages grandeur nature : « Les patients ont créé des dialogues et un scénario. Nous en avons fait un film, en enregistrant leurs voix. » Le thème ? « Que se passe-t-il dans ma salle d'attente ? Le cauchemar d'un psychiatre ! »

Le travail de Franck Saintrapt repose sur une théorie : ne pas attaquer le symptôme de front mais le contourner et travailler avec ce qui vient. « Je ne fais jamais d'analyse de l'oeuvre. Ce qui compte, dans le passage par la création, c'est de retrouver le plaisir et de lâcher quelque chose qu'on n'ose pas dire, puis de prendre de la distance. » L'association propose également des visites de musées ou des rencontres avec des artistes.

Deux jours par mois, Franck Saintrapt emmène des malades travailler dans un musée de Sète, le Miam (Musée international des arts modestes). « Nous exposons les oeuvres. Je veux relier mon travail avec le champ social. Le lien avec la ville et la société est capital : il permet de reprendre en main l'histoire de sa vie. »

Alzheimer

Cinq fois par an, l'art-thérapeute reçoit des étudiants de troisième année d'Ifsi pour leur proposer « un temps de développement personnel et de gestion du stress ». La deuxième moitié de son temps, l'infirmier la consacre depuis quelques mois aux malades d'Alzheimer. « Le défi consiste à essayer de les aider dans leur lutte pour la vie et contre le repli sur soi. »

Le travail d'art-thérapie porte souvent ses fruits. « Quand on ne voit plus le patient, c'est parfois parce qu'il s'est trouvé et qu'il peut se séparer de ses soignants. Je vois des personnes qui, au-delà de la fatalité de la maladie, choisissent d'assumer leur histoire de vie. D'autres se réapproprient leurs affects et remettent en cause leurs liens de dépendance. D'autres encore se réapproprient leur parole : ils ont moins la tête d'un malade mental. Et beaucoup gagnent en enthousiasme : je les invite à rire, à désacraliser le rapport à la maladie, à s'en moquer. »

contact

Ateliers Quais et toiles, centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau, boulevard Camille-Blanc, 34200 Sète.

Tél. : 04 67 46 58 25 ou 06 81 96 60 16.

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