L'angine de poitrine - L'Infirmière Magazine n° 242 du 01/10/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 242 du 01/10/2008

 

cardiologie

Conduites à tenir

Si les traitements, médicamenteux en particulier, permettent de contrecarrer l'évolution des angors, agir sur les facteurs de risque reste indispensable.

L'angine de poitrine est un syndrome douloureux thoracique traduisant une insuffisance coronarienne. La sténose d'un ou de plusieurs troncs coronaires par l'athérosclérose en est la cause la plus fréquente.

PHYSIOPATHOLOGIE

Le travail cardiaque nécessite une consommation importante d'oxygène, apporté au myocarde par les artères coronaires. Au cours de l'effort, afin d'augmenter l'apport en oxygène nécessaire à l'augmentation du travail cardiaque, il se produit une tachycardie et une augmentation du débit coronaire. Lorsque le débit coronaire ne peut plus s'adapter à la demande en oxygène du myocarde, il se produit une ischémie myocardique dont la traduction clinique est une douleur thoracique. Cette inadaptation peut ne se produire qu'à l'effort (angor d'effort) ou survenir au repos (angor de repos).

ÉTIOLOGIE

Le plus souvent, ce sont des sténoses artérielles athéromateuses responsables d'une diminution du débit sanguin coronaire. Plus rarement, c'est un spasme artériel qui entraîne une chute du débit coronaire. Les deux mécanismes peuvent être associés.

Parfois, la baisse du débit coronaire est consécutive à une baisse du débit cardiaque, au cours d'une sténose ou d'une insuffisance aortique par exemple. La maladie coronarienne est étroitement liée à l'athérosclérose. Les facteurs de risque de la maladie athéromateuse sont donc fréquemment retrouvés chez le coronarien :

- hypertension artérielle ;

- diabète et hyperlipidémie ;

- obésité et sédentarité ;

- tabagisme ;

- facteurs génétiques ;

- stress.

CLINIQUE

Le diagnostic d'angine de poitrine est réalisé par l'interrogatoire du patient.

Angor d'effort typique. C'est une douleur provoquée par l'effort, surtout la marche, la montée d'un escalier. Le froid, le vent contraire sont des éléments favorisant la survenue de la douleur. Cette douleur thoracique est rétrosternale ou parfois épigastrique, profonde, constrictive, plus rarement comme une brûlure.

Elle irradie habituellement vers le membre supérieur gauche, le cou, la mâchoire inférieure. L'arrêt de l'effort entraîne en quelques minutes la réduction de la douleur et, surtout, une dragée de trinitrine croquée et laissée à fondre sous la langue la fait disparaître en moins d'une minute.

Angor de repos. Il cause une douleur thoracique en tout point identique, mais survenant en l'absence de tout effort.

Angor instable. Il se manifeste par un rapprochement des crises, qui ne sont plus déclenchées par l'effort et qui sont devenues moins sensibles au traitement, ou par un angor prolongé sans signe spécifique d'infarctus.

Autres formes. Parfois le diagnostic est plus délicat :

- lorsque les douleurs sont réduites à une sensation de gêne ou d'inconfort thoracique ;

- lorsque la maladie coronarienne est intriquée à une autre pathologie, digestive surtout, hernie hiatale, ulcère gastroduodénal, lithiase biliaire, douleurs rhumatismales, arthrose, lombalgies.

ÉLECTROCARDIOGRAMME

Il explore le myocarde et non les artères coronaires. Il n'est donc pas influencé par les sténoses des artères coronaires mais seulement par les conséquences ischémiques des sténoses artérielles sur le muscle cardiaque.

Électrocardiogramme de repos. Souvent normal, il n'élimine en rien le diagnostic d'angine de poitrine. Parfois, il permet d'enregistrer des anomalies témoignant de l'ischémie chronique du myocarde :

- inversion des ondes T (ischémie sous-épicardiaque) ;

- sous-décalage du segment ST (lésion sous-endocardiaque).

Électrocardiogramme d'effort. Réalisé sous contrôle médical et enregistrement électrocardiographique permanent, il permet de dépister les insuffisances coronaires en faisant apparaître les modifications de la repolarisation myocardique dans une situation où les besoins en oxygène par le myocarde sont augmentés.

Il existe néanmoins de faux positifs (surtout chez la femme jeune) et de faux négatifs. L'anomalie la plus souvent enregistrée est un sous-décalage du segment ST. Il existe par ailleurs un certain nombre de contre-indications : insuffisance cardiaque non contrôlée, hypertension artérielle non contrôlée, problèmes physiques, etc.

ÉVOLUTION

Les douleurs peuvent n'apparaître que pour des efforts importants, être peu invalidantes dans la vie quotidienne et permettre une vie socioprofessionnelle normale. Parfois, malgré un traitement médical bien conduit, elles surviennent pour des efforts modérés, ou inopinément, retentissant gravement sur la vie socioprofessionnelle.

Il est alors légitime de proposer au patient, en fonction de son âge, une coronarographie qui, par le bilan anatomique exact des lésions athéromateuses coronaires, permettra d'envisager une revascularisation par angioplastie transluminale, dilatation, endoprothèse ou par pontage aorto-coronarien.

Deux complications peuvent survenir à tout moment :

- l'infarctus du myocarde ;

- une mort subite par troubles du rythme, fibrillation ventriculaire surtout.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

Les douleurs d'angine de poitrine ne doivent pas être confondues avec :

- les douleurs précordiales des anxieux, en piqûre d'aiguille, en pincement, soit brèves en éclair, soit prolongées plusieurs heures ;

- les douleurs de péricardites aiguës ;

- les douleurs rhumatismales, d'arthrose vertébrale, chondrocostale ou scapulo- humérale ;

- l'hépatalgie d'effort.

TRAITEMENT

Traitement médical

Traitement de la crise d'angine de poitrine. Il repose sur la trinitrine : une dragée croquée et laissée à fondre sous la langue fait disparaître la douleur en moins d'une minute. Cette prise peut être répétée autant de fois que nécessaire, ou on peut également utiliser la forme galénique en spray.

Traitement préventif de la crise. Prévention de la douleur avant d'effectuer un effort par l'absorption d'un comprimé de trinitrine.

Traitement des facteurs de risque de l'insuffisance coronarienne. Une fois le diagnostic d'angine de poitrine établi, un bilan de la maladie athéromateuse et de ses facteurs de risque est indispensable. La lutte contre ces facteurs de risque fait partie intégrante du traitement de la maladie coronarienne :

- le traitement d'une hypertension artérielle, d'un diabète, d'une hyperlipidémie, d'un excès pondéral ;

- des conseils pour une meilleure hygiène de vie (sport, gestion du stress) ;

- la suppression totale et définitive du tabac.

Traitement médical proprement dit. Son but est de diminuer les besoins en oxygène du myocarde en diminuant le travail cardiaque ou en favorisant la circulation coronaire. Différentes classes de médicaments peuvent être utilisées.

Bêtabloquants. Les bêtabloquants diminuent la consommation d'oxygène du myocarde en diminuant la force contractile de celui-ci et par leur effet bradycardisant. Tous peuvent être utilisés ; leur posologie est augmentée progressivement jusqu'à la dose efficace, laquelle assure une bradycardie à 60 par minute environ : propranolol (Avlocardyl®), acébutolol (Sectral®), aténolol (Ténormine®), céliprolol (Célectol®), métoprolol (Lopressor®, Seloken®)...

Inhibiteurs calciques. Les inhibiteurs calciques ont plusieurs propriétés. Par leur action sur le calcium dans la cellule myocardique, ils sont antispastiques. En outre, ils diminuent la consommation en oxygène du myocarde.

On utilise le diltiazem, le vérapamil, l'amlodipine... ; certains sont bradycardisants (Tildiem®, diltiazem).

Ivabradine. L'ivabradine (Procoralan®) est un médicament bradycardisant. Il est indiqué dans le traitement symptomatique de l'angor stable chronique chez les patients en rythme sinusal normal et présentant une contre-indication ou une intolérance aux bêtabloquants.

Il semble particulièrement intéressant chez les patients qui présentent, de plus, une contre-indication aux inhibiteurs calciques, en particulier une dysfonction ventriculaire gauche asymptomatique.

Molsidomine. Le molsidomine (Corvasal®) est un antiangineux qui diminue la consommation d'oxygène du myocarde et favorise le flux sanguin coronaire vers les zones ischémiées.

Inhibiteurs des canaux potassiques

Les inhibiteurs des canaux potassiques (Ikorel®, nicorandil) agissent comme les dérivés nitrés mais avec une action prolongée.

Médicaments associés. Ces médicaments sont diversement associés en fonction de la sévérité de la maladie coronarienne. Les antiagrégants plaquettaires ont un effet préventif sur la thrombose : aspirine, clopidogrel (Plavix®). Une revascularisation par angioplastie et/ou un pontage aorto-coronarien peuvent être indiqués pour les patients chez qui le traitement médical est insuffisant.

Traitement de revascularisation. Les interventions de revascularisation coronaire reposent sur trois techniques. Quelle que soit celle qui est utilisée, un bilan coronarographique est indispensable avant l'intervention.

Pontage veineux aorto-coronaire. C'est habituellement une veine saphène qui, prélevée au membre inférieur, est interposée entre l'aorte et une artère coronaire, en aval d'une sténose serrée.

Le pontage permet la revascularisation du lit vasculaire coronaire jusqu'alors sous-perfusé.

Pontage mammaire interne. L'artère mammaire interne longe la paroi antérieure du thorax et est implantée en aval d'une sténose.

Dilatation intracoronarienne d'une sténose serrée. Il s'agit d'une technique très performante (angioplastie) qui consiste, au cours d'un cathétérisme gauche rétrograde, à introduire dans l'artère coronaire sténosée une sonde placée au niveau de la sténose : le gonflage du ballonnet sous contrôle radioscopique permet de dilater le segment artériel obstrué.

Cette technique extrêmement délicate nécessite d'être pratiquée dans des centres spécialisés, à proximité d'un service de chirurgie cardiaque. Elle peut être complétée par la mise en place d'une endoprothèse (stent) lorsque le résultat par ballonnet est insuffisant.

Le traitement de l'angine de poitrine au cours des sténoses ou des insuffisances aortiques est la cure chirurgicale de la valvulopathie.

Repères

> L'angine de poitrine est une cardiopathie fréquente : elle touche environ un quart des hommes français après 65 ans.

> En France, on estime à plus de 100 000 par an le nombre d'hospitalisations pour angor instable.

> Le risque coronarien est plus important chez les hommes ; les oestrogènes jouent un rôle vasculo-protecteur chez les femmes, mais ce phénomène s'atténue après la ménopause.

> Facteurs de risques modifiables :

- Tabagisme ;

- Obésité ;

- Hypercholestérolémie ;

- Hypertension artérielle ;

- Sédentarité ;

- Stress.

> Facteurs non modifiables :

- Âge ;

- Sexe masculin ;

- Hérédité ;

- Ménopause ;

- Diabète (mais on peut diminuer le risque).

> Pour aller plus loin :

Société française d'athérosclérose (http://www.nsfa.asso.fr).

Société française de cardiologie (http://www.sfcardio.fr ).

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