Le deuil en actes - L'Infirmière Magazine n° 242 du 01/10/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 242 du 01/10/2008

 

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Les nouvelles règles d'inscription à l'état civil des foetus nés sans vie sont saluées par les uns, et décriées par les autres.

Jusqu'ici, seuls les enfants qui avaient dépassé 22 semaines d'aménorrhée ou atteint 500 grammes pouvaient être inscrits à l'état civil. En deçà, les foetus avaient le statut de pièce anatomique, le plus souvent détruite avec les déchets du bloc opératoire.

Mais en février dernier, la Cour de cassation a jugé qu'un foetus né sans vie pouvait être déclaré à l'état civil quel que soit son niveau de développement, ouvrant la voie à deux décrets, parus le 22 août au Journal officiel. Désormais, un foetus né sans vie avant 22 semaines peut donc bénéficier d'obsèques.

Les décrets protègent le droit à l'avortement en disposant que l'IVG n'ouvre pas droit à un certificat d'accouchement, pas plus que les « fausses couches précoces » dont les médecins s'accordent à dire que ce sont celles qui surviennent avant seize semaines. Pour le Pr Emmanuel Hirsch, directeur de l'Espace éthique de l'AP-HP, il s'agit d'« une évolution intéressante », qui « honore un certain nombre de dimensions anthropologiques ».

« Attention justifiée »

Les familles confrontées à une interruption médicale de grossesse, par exemple, vivent souvent la situation comme « un drame sans cicatrice possible », et l'impossibilité d'organiser des obsèques ajoutait à leur détresse. « Ces situations justifient une attention de la part de la société, et je ne vois pas au nom de quoi on refuserait de répondre à ces questions comme si elles étaient inopportunes dans une société marquée par une approche juridique de la réalité », affirme Emmanuel Hirsch.

Pour Antoinette Gélot, qui exerce en neuropathologie foetale à l'hôpital Trousseau, ces décrets signent au contraire « une régression » car « ils subordonnent le statut de l'enfant au choix des parents ».

La question du statut de ces foetus se posera aussi pour les soignants. « Ils sont au contact direct des parents, annoncent la mauvaise nouvelle, présentent éventuellement l'enfant mort », rappelle Emmanuel Hirsch.

« On peut les rendre indifférents quand on renonce à la dimension anthropologique et qu'on en fait des exécutants », juge-t-il. Ou, au contraire, porter loin « l'exigence professionnelle et humaine » comme dans certaines maternités qui développent des soins palliatifs pour l'enfant qui n'est pas encore né et va mourir.